Interview sur le Leadership de crise dans Ecoréseau Business

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Dans le dernier numéro de Ecoréseau Business (juin 2025), Florian Silnicki, Président Fondateur de LaFrenchCom, partage son expertise sur le rôle crucial de l’accompagnement des dirigeants faisant face à des crises.

Dans un monde où l’incertitude est devenue la norme, l’expert en communication de crise met en lumière le rôle fondamental des conseillers en communication dans la consolidation du leadership. Florian Silnicki y affirme que « le vrai travail du leader commence lorsqu’il accepte de se transformer en permanence, qu’il reconnaît la complexité du monde et accueille l’incertitude sans s’y perdre. »

Auteur du livre La com de crise : une entreprise ne devrait pas faire ça !, Florian Silnicki y décrit l’enjeu d’une communication stratégique maîtrisée face aux tempêtes médiatiques et aux contextes sensibles. Il souligne également l’importance de la relation de confiance entre le dirigeant et son conseiller : « Un dirigeant et un conseiller se choisissent mutuellement. »

🔎 À lire dans Ecoréseau Business, p.36-37 – « Comment les dirigeants sont-ils accompagnés pour renforcer leur leadership ? »

Comment accompagnez-vous au quotidien les dirigeants d’entreprises dans le développement de leur leadership ?

J’ai toujours considéré que le leadership, en particulier lorsqu’on est exposé à la pression d’une crise, exige d’abord un travail intérieur. Un dirigeant d’entreprise ne peut pas guider sereinement les autres s’il est lui-même en proie à ses peurs. C’est justement là qu’un accompagnement régulier peut faire toute la différence. À travers des entretiens confidentiels et une présence attentive, je m’efforce de créer un espace où le dirigeant peut identifier et déposer ses inquiétudes, affûter sa posture mentale et éclaircir sa vision stratégique.

Nous ne passons pas notre temps à discourir sur la théorie managériale : le plus souvent, nous explorons les décisions récentes, les difficultés rencontrées et les retours d’expérience concrets dans la gestion des enjeux sensibles de la crise. L’idée, c’est de passer de la réaction instinctive à l’action réfléchie, en tenant compte de la dynamique émotionnelle du dirigeant d’entreprise. J’aime employer l’image d’un « phare dans la tempête » : le dirigeant fait face aux vagues extérieures, mais il a besoin d’un point de repère solide pour ne pas dériver. À mes yeux, cet échange régulier est un investissement essentiel pour qui veut assumer pleinement son rôle, et ne plus subir les pressions du quotidien.

Plusieurs dirigeants m’ont avoué qu’ils voyaient mes conseils comme un “miroir bienveillant” : un observateur externe capable de pointer, sans jugement, là où leurs réactions desservent leur vision de leader et là où se nichent leurs réelles forces. Et c’est souvent dans ces moments, quand ils osent questionner leurs certitudes, qu’ils accèdent à un nouveau palier de leadership.

Quelles sont les méthodes utilisées (Coaching, media training…) ?

Les mots “coaching” et “media training” peuvent paraître galvaudés, mais derrière ces termes, il y a une dynamique d’exploration personnelle et stratégique. Dans mes accompagnements, je propose certes des mises en situation face caméra, des sessions de simulation de crises avec des scénarios plus ou moins catastrophiques, mais tout cela n’a qu’un objectif : forger la présence d’esprit du dirigeant d’entreprise, le préparer à rester clair et cohérent même quand tout s’emballe.

Par exemple, lors d’un exercice de media training, je ne me limite pas à peaufiner des “éléments de langage” : je cherche à révéler la sincérité du dirigeant. Quand l’orage médiatique éclate, ce n’est pas la rhétorique qui sauve l’entreprise, c’est la crédibilité humaine du leader présentée au public efficacement. Savoir répondre en quelques mots simples à une question malaisante, assumer les faits sans se perdre en justifications, c’est un art qui s’apprend, mais qui naît aussi d’une vraie connaissance de soi.

Le coaching individuel, lui, va plus en profondeur. Chaque dirigeant a son histoire, son style, ses angles morts. Il y a ceux qui perdent leurs moyens sous la pression médiatique, ceux qui au contraire deviennent trop rigides, ou encore ceux qui fuient les conflits internes. En travaillant main dans la main, on transforme ces fragilités en leviers de progrès. Certains passent d’un pilotage « en solitaire » à un management bien plus inclusif, et découvrent ainsi une puissance collective insoupçonnée. D’autres apprennent à décrypter les signaux faibles d’une crise potentielle, là où auparavant ils préféraient les ignorer. Dans tous les cas, les méthodes – qu’on les appelle « coaching », « training » ou « mentorat » – visent à révéler la meilleure version du dirigeant, capable d’affronter la tempête avec clarté et détermination.

Quels sont principalement les sujets sur lesquels ils doivent travailler (management, confiance en soi, communication…) ?

Les crises ne préviennent pas : elles s’infiltrent là où les fragilités sont les plus grandes, que ce soit dans la chaîne industrielle, la réputation externe ou la cohésion interne. Mais j’ai remarqué qu’au fond, toutes les crises soulèvent les mêmes défis humains :

  • La clarté d’esprit : comment prendre une décision dans l’urgence, sans céder à la panique ou à la colère ? Un dirigeant m’a confié un jour qu’il se sentait “l’otage” d’une crise médiatique, car il n’avait pas anticipé son plan de communication. Après quelques séances de travail, il a appris à structurer sa pensée pour réagir vite, mais juste – à la fois ferme et transparent.
  • La connaissance de soi et la confiance : sous la pression, nos fragilités refont surface. Certains se découvrent extrêmement anxieux, d’autres réagissent par l’agressivité ou le repli. Tant qu’on n’a pas identifié ces mécanismes, ils peuvent saboter nos décisions. C’est pourquoi mes accompagnements vont souvent au-delà de la simple technique de “gestion de crise” : on creuse dans la sphère personnelle, on explore les doutes, et on renforce la confiance en ses propres ressources.
  • La communication sincère : dans une crise, le public perçoit très vite si le dirigeant cherche uniquement à sauver son image ou s’il est réellement concerné par la situation. Les mots de compassion sonnent creux s’ils ne sont pas habités par une empathie authentique. J’aide mes clients à trouver cette sincérité, à s’adresser aux salariés, aux médias ou aux parties prenantes d’égal à égal. C’est souvent là que se fait la différence entre une crise maîtrisée et une crise qui dégénère.
  • Le management d’équipe en temps difficile : un leader ne peut pas tout porter seul. Or, il est frappant de constater à quel point, sous stress, la tendance au contrôle peut refaire surface : on veut superviser chaque détail pour éviter la moindre erreur. Mais c’est un piège. Il s’agit plutôt de déléguer, de faire confiance aux compétences des responsables de terrain, tout en maintenant un cap clair et en jouant un rôle d’arbitre.

En somme, la crise est un miroir grossissant qui révèle autant les forces que les failles du dirigeant. En travaillant ces points-clés en amont, on peut transformer la tempête en véritable opportunité de croissance – individuelle et collective.

Arrivent-ils tous à devenir des leaders ensuite ?

Je crois fermement que chacun a la capacité d’évoluer, mais pas toujours la volonté ou l’humilité pour le faire. Le mot « leader » n’est pas un titre qu’on acquiert, c’est un état d’esprit que l’on entretient chaque jour. Certains, malgré les formations et les retours d’expérience, restent prisonniers de leur ego ou de leurs peurs ; ils stagnent car ils ne veulent pas regarder leur part de vulnérabilité en face. Mais la majorité parvient à franchir un cap.

J’ai vu des dirigeants, de prime abord très techniques ou peu enclins à la communication, se révéler dans la tourmente. L’un d’eux, chargé d’annoncer un plan social, est parvenu à replacer l’humain au cœur de son discours, à reconnaître les erreurs de l’entreprise et à assumer un plan d’accompagnement ambitieux pour les salariés touchés. Ce jour-là, il a transcendé son rôle, et il a gagné l’adhésion, voire le respect, de personnes qu’il s’attendait à voir le critiquer durement. Cet épisode a été un tournant pour lui : il a compris qu’il pouvait « faire passer l’humain avant le business » tout en restant un excellent gestionnaire.

Pour moi, un vrai leader n’est pas quelqu’un d’infaillible, mais quelqu’un qui accepte de se transformer en permanence, qui reconnaît la complexité du monde et accueille l’incertitude sans s’y perdre. Et c’est précisément ce chemin d’apprentissage qu’on peut accélérer grâce à un accompagnement extérieur, un regard neutre qui nous pousse à aller plus loin.

La crise reste un révélateur ultime : elle montre ce qui se cache sous les beaux discours, teste la solidité des valeurs et la cohérence des actes. Cependant, bien préparés, beaucoup de dirigeants finissent par y puiser une assurance tranquille, celle qui émane d’un ancrage intérieur solide. Et si je devais résumer le bénéfice d’être accompagné dans ce processus, ce serait probablement ceci : grâce à ce travail d’introspection et d’entraînement, la crise cesse d’être un monstre imprévisible pour devenir un défi à relever, une épreuve de vérité qui peut faire grandir le dirigeant comme l’entreprise tout entière au service de leur résilience commune.