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Communication de crise, les tops et les flops

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Communication de crise, les tops et les flops

Crise Charal®, Crise Coca-Cola®, Crise Facebook®… Les scandales alimentaires, les crises sanitaires et industrielles succèdent aux manquements à l’éthique qui eux-mêmes laissent place aux drames. De tous temps, les entreprises ont connu des hauts et des bas. Certains ont rebondi grâce à une communication de crise ingénieuse, d’autres ont aggravé le problème.

Quels sont les indispensables d’une communication de crise réussie ?

Décryptons ensemble ces crises, qui comme des séismes, ont ébranlé les plus grandes multinationales. « La seule véritable erreur est celle dont on ne tire aucun enseignement. » disait Ghandi.

« La crise de Danone illustre bien la fine marge de manœuvre dont disposent les entreprises : une maladresse provoque une débâcle médiatique. Au contraire, la crise Toyota et la crise Air France nous confirment que seules la transparence et l’humilité permettent à une marque de se « racheter ». » analyse Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de LaFrenchCom.

Quels sont les secrets d’une bonne communication de crise? Que faire en cas de scandale, quelle réaction adopter pour « sauver les meubles »? Zoom sur trois crises d’envergures planétaires.

Crise Danone, autopsie d’une maladresse lourde de conséquences

Une image vaut mille mots dit-on. Un sacré pouvoir, quand on connait celui des mots.
Certains porte-parole trop naturels ont payé cher leur spontanéité et leur méconnaissance des règles de la communication avec les médias. C’est le cas de Centrale, marque de produits laitiers distribués au Maroc, dont Danone est actionnaire à hauteur de 99,8%. L’intention initiale était noble : promouvoir le développement durable dans les zones rurales marocaines. Comment cette opération a-t-elle tourné au fiasco? (Entrer « Boycott Danone » dans Google donne un aperçu du ressentiment général…). Retour détaillé sur une communication de crise mal préparée.

Rappel des événements

1e trimestre 2018, -35% de ventes enregistrées au Maroc

Les marocains voient leur pouvoir d’achat baisser depuis plusieurs années : pour les classes moyennes, la vie devient compliquée, pour les autres… la tension monte. Le prix du lait La Centrale n’a pas changé, mais sa contenance a diminué. Une analyse financière met en évidence les bénéfices importants de Danone sur certains produits. Des affiches manuscrites incitent alors à abandonner la consommation des produits de la marque sur les réseaux sociaux. Le boycott de La Centrale et de tous les produits laitiers signés Danone est alors lancé…

Projet Fellah Bladi

Le 25 avril 2018, les acteurs de La Centrale se rassemblent au SIAM, le Salon de l’Agriculture de Meknès. Le projet Fellah Bladi émerge. Il consiste à solliciter 20 000 exploitants locaux qui vendront désormais leur matière première à Danone. L’idée est donc de mettre en place un commerce équitable et de promouvoir le développement durable. M. Adil Benkirane, directeur des ventes de la filiale marocaine, Aziz Akhannouch, Ministre de l‘Agriculture et les différents collaborateurs scellent leur collaboration autour d’un verre de lait. Photographiée, la scène retranscrit si parfaitement le sentiment de la population marocaine qu’elle fait le tour du monde ; la complicité entre capitalisme (Danone est côté en bourse), le gouvernement et les plus grandes fortunes du pays, dont fait partie le Ministre Akhannouch.

Le cœur de la crise Danone

La tension monte à tel point qu’un journaliste l’interroge… Et tout bascule… La crise Danone nait.

Réagir à vif, attiser les rancœurs… à deux reprises

  • Premier flop, M. Akhannouch répond, en résumé, que ce n’est pas internet qui va nourrir les 40 000 travailleurs embauchés par Danone. Cette déclaration est perçue comme une provocation, un chantage ambiance « vous n’avez pas les moyens de refuser ».
  • Second flop du Directeur des Ventes, M. Benkirane qui qualifie de «traître à la nation» les personnes adhérant à ce boycott. Des mots très violents, que les marocains n’ont clairement pas appréciés.

Devant les réactions indignées, Danone commence par opposer un silence buté… rompu par les excuses publiques filmées de M. Benkirane. Les prix du lait finissent par baisser… trop tard, le mal est fait.

Absence de préparation = risque médiatique démesuré

Le Maroc n’avait jusqu’ici pas eu à subir de sérieuses crises médiatiques. Cet épisode a changé la donne.

Face à une crise, bétonnez votre intervention publique en la préparant minutieusement. Ne laissez rien au hasard. N’improvisez pas.

Dans le cas de cette crise, les esprits étaient déjà échauffés par des décennies de pauvreté. Le contexte culturel n’a pas été pris en compte : à l’approche du Ramadan, mois de recueil et de partage, la coutume veut que les prix de la nourriture baisse. Et Danone augmente un produit de consommation courante, destiné aux enfants. Erreur stratégique… Résultat de la crise ? – 50% des gains nets cette année 2018 pour La Centrale.

Crise : Flips et flops successifs, Air France face à la disparition du vol AF 447

1 juin 2009, un Airbus A330 et ses 228 passagers (voyageurs et personnel naviguant) disparaissent entre Rio de Janeiro et Roissy. Dernier contact avec les passagers : trois heures après le décollage, soit 00h30 (Paris). À partir de ce moment, la saga Air France enchaîne les difficultés de communication de crise alors que la compagnie doit affronter des polémiques.

Les bons réflexes d’Air France

Les condoléances sont présentées aux familles dans la journée du lundi 1e juin 2009. Au Brésil et en France, une cellule d’écoute et des psychologues sont mis à disposition des proches. La direction d’Air France s’est attachée à isoler les familles du regard des journalistes.
À 17 heures, Nicolas Sarkozy se déplaçait à son tour pour exprimer son soutien.
Cette présence discrète et respectueuse doublée d’une prise en charge efficace des familles a été un succès. Ce sont des bons réflexes de base de gestion de crise.

Les bugs

Air France s’empresse de préciser qu’un contrôle technique a été réalisé 45 jours auparavant, mi-avril 2009. C’est un bon argument objectif qui permet matériellement de démontrer l’entretien et la capacité de cet appareil à voler.

Air France évoque ensuite une thèse selon laquelle la foudre aurait désintégré l’Airbus. Quelques jours suffisent à prouver qu‘aucun des avions passés à cet endroit n‘avait remarqué de turbulences.

Est alors évoqué un problème électrique de l’avion… dû à la foudre. Difficile à vivre pour les familles. Cette théorie vole en éclat, lorsque les expertises révèlent l’émission de messages de maintenance, une procédure impossible à réaliser sans électricité… L’illisibilité est alors totale pour l’opinion publique.

Les communiqués de presse officiels enjoignent les français à la prudence insistant sur le besoin de ne tirer aucune conclusion hâtive. Les résultats tombent : un dysfonctionnement des senseurs de vitesse serait à l’origine du drame. Les corps et les morceaux d’avion sont retrouvés. Les familles meurtries peuvent commencer leur travail de deuil.

Conclusion : face à une crise, mieux vaut attendre pour donner des informations et tenir ses engagements.

Les crises à répétition finissent par nuire durablement au capital image d’une entreprise : capital confiance avec ses parties prenantes et à sa crédibilité dans l’opinion.

Crise Toyota, un drame aux USA, 15 millions de voitures rappelées

Après la crise qu’il a traversée dans les années 1950, le géant nippon avait élaboré son propre plan ORSEC : des mesures à prendre en cas de drame pour faire face à une crise. Grâce à sa transparence et à sa mobilisation, Toyota a su garder la tête haute… 2018, ils sont toujours numéro 1 des ventes automobiles. Découvrez les dessous des secrets de l’efficacité de cette communication de crise.

2009, un réflexe face au drame : l’évitement

Californie, quatre membre d’une même famille meurt d’un accident de voiture. Le conducteur était officier de police, son appel aux secours a été enregistré : il mentionne le tapis de sol qui coince la pédale d’accélérateur, et la voiture qui accélère sans vouloir s’arrêter. Les premières constations confirment.
L’émotion est planétaire, les clients Toyota s’identifient aux victimes.

Une enquête … problématique

Les expertises démontrent que courant 2007, des modèles Lexus ES350 similaires à celui du drame, avaient été rappelés pour un problème… de tapis et de pédales d’accélérateur. Parallèlement, le doute nait. Comment un homme d’expérience comme ce policier aurait-il été capable de téléphoner, mais pas d’ôter ce tapis? Les théories complotistes naissent sur internet.

L’enquête avance : les régulateurs de vitesse étaient également défectueux. Toyota procède à une seconde vague de rappels fin 2009, plusieurs millions de voitures sont retirées des routes, malgré l’énorme perte financière que cela engendre.

À la décharge de Toyota

Les comportementalistes utilisent l’expression Umwelt pour décrire l’environnement et la vision du monde d’une espèce différente de la nôtre : un nouveau-né pense qu’il EST sa maman, et hurle pour que son ventre soit rempli. Une tique, en revanche, passe sa vie sur un brin d’herbe, attendant le passage d’un être vivant…

Montrer de l’empathie et de la considération pour les sentiments et le point de vue de son interlocuteur détermine l’efficacité d’une communication de crise.

Dans le cas de Toyota, le recul nous a permis de comprendre que le Ministre des Transports Japonais, interlocuteur de l’époque, ne réalisait ni la teneur émotionnelle, ni l’ampleur de la crise qui se déroulait aux USA. Il faudra environ 3 mois pour que l’entreprise ouvre les yeux, et mette en place des mesures efficaces pour rassurer les consommateurs par une communication de crise méthodique efficace.

Comme l’explique alors Le Monde Toyota rejette initialement toute responsabilité sur ses fournisseur. Devant un tel gâchis (elle était, en 2008, l’entreprise la plus admirée au monde) et devant l’opprobre générale, Toyota change son fusil d’épaule. Elle admet sa part de responsabilité et se décide à agir. C’est un bon réflexe même si c’est évidemment trop tard pour limiter l’impact de la crise qui est née.

2010, la faute avouée est une faute à moitié pardonnée : misez sur la transparence

Face à une crise, la transparence est la seule solution. Les communiqués de crise doivent être sans langue de bois. Chaque communication doit faire des efforts sincères de pédagogie et de lisibilité du propos tenus afin d’être compris par le plus grand nombre.

Le consommateur est conscient que l’erreur est humaine et qu’il n’y a pas d’activité sans risques… mais … il sera plus enclin à accepter la réalisation de ce risque si l’entreprise se comporte avec transparence et empathie avant, pendant et après la crise (en respectant les règles de sécurité, en assumant ses responsabilités et en réparant le préjudice causé…).
Intéressé par la méthode de communication de crise Toyota? Point par point, elle est expliquée dans un ouvrage francophone intitulé Toyota, un modèle de gestion de crise (publié aux éditions Pearson, le 30 septembre 2011).

Comme le disait Einstein, «une personne qui n’a jamais commis d’erreurs n’a jamais essayé d’innover». Ce brillant théoricien qui conseillait aux hommes de privilégier la valeur au succès détenait aussi les secrets d’un rattrapage médiatique réussi. Finalement, peut-être le premier communicant de crise de l’histoire ! 🙂