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La gestion de la crise de la Classe A chez Mercedes-BenzActualitésLa gestion de la crise de la Classe A chez Mercedes-Benz

La gestion de la crise de la Classe A chez Mercedes-Benz

mercedes classe A

Comment gérer une crise liée au défaut d’origine d’un nouveau modèle automobile ?

C’est l’un des défis les plus difficiles de toute son histoire que Mercedes-Benz ait eu à relever. S’attaquer au créneau des petites voitures n’était en effet pas une mince affaire pour le spécialiste des berlines haut de gamme. De là à imaginer que cette aventure virerait au cauchemar…

Tout est parti de la conviction de Jurgen Schrempp, qui a repris la barre de Daimler-Benz en 1995 : le nouvel homme fort du groupe est persuadé qu’un constructeur ne peut plus survivre, aujourd’hui, que s’il est en mesure de proposer une gamme complète, de l’entrée de gamme aux marques de prestige. Mercedes-Benz sera également présent sur le créneau des petits modèles, avec la Smart et la Classe A. Histoire de rajeunir et féminiser la marque.

Le groupe avait pourtant pris toutes les précautions utiles pour préparer le terrain. Dès octobre 1996, soit un an avant le lancement du premier petit modèle de la famille Mercedes-Benz, la Classe A, la marque a commencé à communiquer. Au fur et à mesure des campagnes, Mercedes-Benz dévoile donc sa taille, sa silhouette, puis ses caractéristiques techniques. Jusqu’au salon de Genève, en mars 1997, où le nouveau modèle est présenté. Son prix 109 500 francs.

A la veille de sa commercialisation, Mercedes-Benz a déjà recensé en France près de 40 000 personnes intéressées. Il faut dire que les caractéristiques de la première berline monocorps de la marque à l’étoile rompent avec ses modèles traditionnels. Au risque de décevoir les amoureux transis de Mercedes-Benz, qui attendaient depuis longtemps d’avoir les moyens de s’offrir un modèle de la marque. Si la calandre historique est bien présente, la ligne de ce véhicule ultra-compact (3,57 mètres de longueur, soit 14 centimètres de moins qu’une Renault Clio), et presque plus haut que large joue en effet profil bas. Tout comme son museau plongeant, ses astucieux phares en amande, ses teintes gaies, son tableau de bord tout simple et son moteur poids-plume (1,4 et 1,6 litre). Même si son constructeur se plaît à rappeler que la Classe A « est une vraie Mercedes-Benz avec tout le potentiel de confort et de sécurité traditionnel de la marque », comme freinage ABS, direction assistée, Airbag, et cinq appuie-tête réglables, son habitacle spatieux relève davantage de la Mégane Scénic que de la marque à l’étoile.

Promise à un bel avenir, il aura suffi d’un détonateur, à quatre jours de son lancement officiel, pour que la Classe A dérape.

Le 21 octobre 1997, un journaliste suédois révèle que la petite dernière de la grande maison a échoué au test dit de l’« élan », qui consiste à éviter un cervidé sur une route gelée.

Dans la foulée, un membre du jury de l’élection de « la voiture de l’année » déclare par conséquent la Classe A inéligible. Alors que tous les dirigeants du groupe sont dans l’avion, direction le Salon de l’automobile de Tokyo, les images de la petite voiture les quatre fers en l’air font le tour du monde.

A leur arrivée, quel n’est pas leur étonnement à la vue de la nuée de journalistes qui se précipitent sur eux pour recueillir leur commentaire. Lequel, faute d’information, est pour le moins laconique, certains diront même dédaigneux. Le 23 octobre, la presse fait ses choux gras de l’événement. Chacun y va de son couplet tapageur, à commencer par les médias d’outre-Rhin, Auto Bild et Stern publiant à leur tour des images de la petite dernière de Mercedes-Benz en équilibre sur deux roues pendant un test. Le constructeur de Stuttgart, longtemps synonyme de prestige et de fiabilité, est la risée de toute l’Allemagne.

C’est dans ce contexte catastrophique qu’a lieu le lancement officiel de la Classe A le 25 octobre 1997. Les Journées Portes ouvertes et la vaste campagne de publicité, sur le thème « Dis, papa, c’était quoi, la voiture, avant ? » pour un budget de 20 millions de francs, n’y font rien. Le mal est fait. Mercedes-Benz a beau entreprendre une campagne d’explication, contestant les conditions dans lesquelles le test allemand a été réalisé (avec une roue arrière de rechange, plus grande que les trois autres) et évoquant le trucage de certaines photos, rien n’y fait : deux mille commandes sont annulées en Europe.

Il n’y a guère que la France à échapper à la tourmente. Dès le début de l’« affaire », Jean Rol-Tanguy, qui dirige le service de relations presse, a pris les choses en main, en contestant les conditions des tests accusateurs, expliquant, argumentant. Résultat : la presse française a bien réagi, réaffirmant la fiabilité de la Classe A. « Nous sommes parvenus à redresser l’image de Mercedes-Benz », témoigne-t-il. Et pour cause : les essais ont eu lieu en France avec des pneus Michelin, alors que les étrangers ont testé le véhicule équipé de pneus Goodyear, répondant au cahier des charges de Mercedes-Benz mais moins performants.

La gestion de crise et la communication de crise de la marque va soudainement évoluer.

Finissant par reconnaître qu’il existe bien un problème, non seulement au niveau du choix des pneumatiques, mais également de réglages du véhicule, Mercedes-Benz décide donc, le 11 novembre, de suspendre la commercialisation de la Classe A. Et pour prouver que Mercedes-Benz demeure le roi de la sécurité, la marque annonce, en même temps, que tous les futurs modèles seront équipés de l’option ESP, qui garantit l’équilibre du véhicule. Le coût de la remise aux normes s’élève à pas moins d’un milliard de francs. Sans parler du manque à gagner pour les concessionnaires.

Du fait de ce report de six mois, ainsi que de l’arrivée tardive (en octobre) des versions diesel un marché très important en France et boîte automatique (20 % des ventes de Mercedes), il s’est en effet vendu l’an dernier dans l’Hexagone 9 300 Classe A, contre les 15 000 prévues initialement. Un objectif qui devrait être atteint cette année.

Il n’empêche que la marque favorite des chauffeurs de taxis a réussi son objectif premier, la conquête d’une nouvelle clientèle. 77 % des possesseurs de Classe A n’étaient en effet pas adeptes de Mercedes auparavant, mais conduisaient majoritairement une Golf, une Peugeot 306 ou une Renault Clio. Enfin, pour deux tiers des acheteurs, la Classe A est la première ou la seule voiture du ménage.

Surtout, la marque à l’image quelque peu « machiste » voit la part des femmes passer de 9 % à 32 % de ses possesseurs. Dans le même temps, sa clientèle se rajeunit, avec un âge moyen abaissé de 52 à 44 ans. Une proportion qui devrait encore augmenter avec l’arrivée prochaine sur le marché de la Classe A d’occasion.