La gestion de la communication de crise a le vent en poupe
« Les catastrophes naturelles et humaines: les communicants face à la crise ». Voilà le thème de la formation organisée par l’agence LaFrenchCom.
Le thème est d’actualité. Depuis quelques années, les Etats européens ont connu une recrudescence de catastrophes qui leur ont couté cher en vies humaines, destructions écologiques, d’habitat ou d’infrastructures. Les énergéticiens ont été particulièrement touchés. Le public suisse n’avait jamais eu à entendre aux informations autant de nouvelles tristes le concernant. Le JT-soir du 15 octobre consacré aux inondations en Valais a fait d’ailleurs réaliser à la chaine suisse TSR son meilleur score d’audimat en 2000.
Depuis Lothar, la gestion de crise a le vent en poupe
Pierre Desponds est directeur de production d’Energie Ouest Suisse. Il a du monter in extremis une cellule de crise suite à la rupture de la conduite de l’aménagement hydroélectrique de Cleuson-Dixence en décembre dernier. Celle-ci provoquait une coulée de boue entraînant la disparition de trois personnes.
Pour sa part, Patrick Magd, directeur de la communication de Gaz de France, a souvent dû s’expliquer après des explosions de cuisinière qui font régulièrement la une des journaux. Mais son expérience de gestion de crise, il l’a surtout vécu durant la catastrophe de Seweso alors qu’il était employé par Hoffman-la-Roche.
Ce sont des hommes de terrain comme eux que les organisateurs ont choisi de convier pour parler de la façon dont ils ont eu à gérer cette communication particulièrement sensible : la communication de crise.
A la gestion de la crise en interne, se superpose en outre la communication de crise menée vers l’extérieur en vue de rassurer le public. Si la transparence est souhaitable et même vitale pour l’entreprise – image oblige – la communication de crise est toutefois loin d’être une affaire simple.
En Suisse comme en France, la gestion des crises lors de catastrophes naturelles est une préoccupation assez nouvelle. Dans ce contexte, l’ouragan Lothar, qui a frappé l’Europe en décembre 1999, aura eu au moins le mérite d’avoir contribué à une certaine prise de conscience et peut-être ainsi conduit à combler un manque en matière de politique de gestion de crise. Cette prestation offerte par les agences de communication est d’ailleurs de plus en plus demandée par les entreprises qui peuvent se payer un conseil. Ce thème a également le vent en poupe dans les centres de recherche et d’enseignement comme l’Institut valaisan Karl Bösch ou l’EPFL, qui a organisé en décembre dernier un séminaire sur l’ingéniérie de crise.
Rassurer ou ne pas rassurer, c’est la question essentielle posée par la communication de crise.
Il y a deux façons d’approcher une crise, la cacher ou la dramatiser. Choquée par la nouvelle, la population s’habitue en quelque sorte au drame et se sent par la suite soulagée de constater que tout n’était pas si dramatique que cela. Cette attitude n’est pas plus responsable que celle qui consiste à cacher la catastrophe. Une bonne communication de crise, c’est une manière de rassurer tout en restant dans la réalité, estime Florian Silnicki. Il reste qu’un communicant prend toujours un risque en rassurant. C’est aussi l’avis de l’ethnologue Ellen Wigand, co-directrice du Département Alpes, environnement et société de l’Institut universitaire Kurt Bösch localisé à Sion. Si on communique trop et que les événements ne se produisent pas, on prend le risque que les gens soient moins attentifs la fois suivante.
Il reste aussi qu’en matière de risques liés aux dangers naturels, une bonne communication de crise pourrait bien ne pas se résumer aux conséquences d’une catastrophe à court-terme.
Pour Ellen Wigand, il faudra également examiner la façon dont on communique les incertitudes scientifiques concernant la probabilité que sur le long-terme certains événements se produisent. La question est d’autant plus complexe que les changements climatiques, qui touchent par exemple les Alpes suisses, donnent des cheveux gris aux prévisionnistes. Et comme le relève Bruno Porro, chef du département risques à la Suisse de Réassurance, les sinistrés portent souvent une part de responsabilité quand ils sont touchés par des catastrophes naturelles. Car en effet, l’augmentation du domaine bâti dans des régions exposées aux tremblements de terre, avalanches, tempêtes ou inondations, accroît encore le risque ainsi encouru.
L’information sur les risques à la population pourrait ainsi ne pas s’avérer suffisante. On ne peut présumer que les gens feront le bon choix.