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Destinations touristiques : Soigner sa e-réputationE-reputationDestinations touristiques : Soigner sa e-réputation

Destinations touristiques : Soigner sa e-réputation

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Le quatrième pouvoir est-il en passe de changer de main ? Alors que l’aura de la presse s’étiole, l’audience du Web 2.0 – forums, blogs, réseaux sociaux – s’enflamme. Lors des dernières élections régionales, Twitter a « grillé » les médias classiques, en murmurant avant l’heure les résultats du vote. Le nombre d’internautes inscrits sur des réseaux sociaux a triplé en 2009, indique Médiamétrie. Facebook revendique 22 millions de membres dans l’Hexagone ! Impossible d’ignorer le phénomène, ni même de le réduire à une lubie d’adolescents boutonneux : 50 % des inscrits ont dépassé les 25 ans.

De la blogosphère aux forums virtuels qui auraient fait pâlir d’envie les orateurs de la Rome antique, la Toile est devenue une immense suite de salons où l’on cause, encense, étrille. Le citoyen s’y exprime, mais, plus encore, le consommateur. « Que dit-il de nous, sur quel ton ? », se demandent aujourd’hui les entreprises, à la fois inquiètes de ces prises de paroles intempestives, et attirées par les perspectives d’un nouveau terrain de jeu marketing.

« Les réseaux sociaux sont devenus le lieu privilégié de captation des consommateurs », constate l’expert en communication Florian Silnicki.

Aucun secteur économique ne peut ignorer une telle évolution. Les destinations l’ont visiblement compris.

L’exemple des blogueurs de Montréal

Certains pays misent sur les blogueurs, hissés au rang de « leaders d’opinion », ou d’« influenceurs » par le jargon marketing. L’an dernier, Andorre en a invité une vingtaine à découvrir ses atouts touristiques, lors d’un voyage incentive et ludique où les participants s’affrontaient amicalement à travers différentes épreuves : construction d’un igloo, skibike, match de hockey…

Au Canada, l’office de tourisme de Montréal a lui aussi parié sur le média du blog dès avril 2009. Il décide alors de rémunérer cinq blogueurs anglophones. Chacun intervient, à raison de 20 heures par semaine, sur une thématique définie (vie nocturne, culture, tourisme gay…) et son blog est hébergé sur le site de l’OT. Leur mission : écrire sur Montréal et faire rayonner ce contenu à travers la Toile, en se créant un compte Facebook, Instagram, Twitter, Four square… Ils ont toute latitude dans le choix des sujets, à condition de respecter une célèbre devise anglo-saxonne : « si tu n’as rien d’agréable à dire, ne dis rien ». Et tant pis pour la liberté de parole théoriquement attendue d’un blog. « La stratégie s’est avérée payante , commente Emmanuelle Legault, directrice de la communication. Il y a eu pas mal de buzz sur Montréal, et la fréquentation de notre site a grimpé de 20 %. » L’OT fait évoluer son approche : il a engagé un « éditeur en chef » et trois blogueurs à temps plein. Toutes les contributions figurent désormais sous un même blog extrait du site de l’OT et accueilli sur WordPress. Une déclinaison francophone est prévue pour la fin de l’année.

Parmi les régions françaises, l’intérêt pour le Web 2.0 est également manifeste. Ardèche, Auvergne, Midi-Pyrénées sont par exemple actifs sur ce terrain. La difficulté pour les institutionnels reste souvent de trouver le bon ton. « L’écueil est d’arriver avec un discours formaté qui ne correspond pas aux codes du Web participatif, explique Ludovic Dublanchet, chargé de mission à l’Ardesi. Les CDT et CRT sont très hiérarchisés, comme les grandes entreprises. Ils ont du mal à déléguer à une personne le pouvoir de dialoguer avec les internautes. Or, sur ce type de média, il est essentiel d’être réactif. Si chaque intervention doit être soumise à différentes strates hiérarchiques pour approbation, ça ne marche pas. Il faut un lâcher prise au niveau de la communication qui n’est pas toujours entré dans les mœurs des organismes territoriaux. »

Démarche en trois temps

Jusqu’à présent, les voyagistes ont été plus soucieux de vendre sur le Web 1.0 (informatif) que d’entretenir leur image sur le Web 2.0. Mais les stratégies récemment engagées par certains montrent que les choses changent.

Soigner sa e-réputation implique une démarche en trois temps. La première étape consiste à élaborer une stratégie de veille pour observer les commentaires exprimés sur l’entreprise. Des logiciels sophistiqués permettent un travail de prospection fouillé et largement automatisé. Alternative : les systèmes d’alerte gratuits, tels ceux proposés par Google. Ils vous informent dès qu’un mot-clé (par exemple, le nom de l’entreprise) apparaît dans un périmètre de recherche préalablement défini.

La veille demande un investissement, au moins en temps, mais le jeu en vaut la chandelle, estime Serge Laurens, directeur communication et marketing de Fram, « parce qu’on récupère ainsi une mine d’informations sur les attentes des clients. À nous d’en tenir compte, les points de progression pour demain sont là ». Go Voyages a systématisé une stratégie de veille sur le Web depuis un an. « On liste les problèmes, ce qui donne des pistes pour s’améliorer, et on répartit aux services concernés pour traiter les insatisfactions, explique Jérôme Laurent, directeur marketing. Si on voit un commentaire diffamatoire sur un forum, on avertit le webmaster. Tous les mois, nous faisons un bilan pour analyser les problèmes exprimés et notre délai de traitement de chaque cas. »

Cette deuxième étape qui consiste à réagir aux commentaires observés demande un certain doigté. « Si le commentaire est positif, l’entreprise peut l’abonder par une réponse qui flattera l’ego de l’auteur, elle peut aussi chercher à faire de lui un ambassadeur, explique Ludovic Dublanchet. Si la critique est négative, il faut essayer de la désamorcer avant qu’elle n’enfle, présenter ses excuses lorsqu’elle est fondée, voire offrir un discount. » Mais il n’est pas toujours nécessaire de réagir à une remarque désobligeante ; souvent un consommateur vient de lui-même corriger le commentaire défavorable. « Les communautés Web se régulent elles-mêmes. Les consommateurs sont nos meilleurs défenseurs en cas d’attaque », indique Serge Laurens. En tout cas, lorsque l’entreprise choisit de répondre, elle doit le faire en transparence, c’est-à-dire en son nom, et pas en essayant de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Car si l’usurpation d’identité est démasquée, l’effet boomerang est sévère. Certaines marques de cosmétique l’ont expérimenté à leurs dépens.

Nouer le dialogue

Le troisième volet de la démarche est plus conquérant. Il s’agit d’utiliser les ficelles du Web 3.0 pour nouer un dialogue avec ses clients, et faire émerger une communauté de partisans qui dialoguent entre eux. Certains voyagistes ont commencé par travailler cette approche sur leur site marchand en y accueillant les avis clients. « 45 % de nos clients publient un avis à leur retour de voyage, c’est un taux énorme », déclare Guillaume Victor-Thomas, Pdg d’Ecotour.com. Quand il réserve un séjour auprès de l’agence on line, l’internaute voit le profil de ceux qui ont déjà fait ce voyage et le profil de ceux qui feront le voyage avec lui. Il peut alors contacter les uns pour un conseil, les autres pour du covoiturage. Autant de leviers qui permettent de créer un esprit communautaire. Dans la prochaine version de son site Web, Fram exploitera davantage le comportement « très tribu » de ses clients en leur réservant un espace où publier photos et vidéos. Look a choisi de créer une plate-forme extérieure, Monlookea.fr, pour que les aficionados de ses clubs puissent échanger souvenirs ou visuels, et se donner rendez-vous à l’occasion de prochaines vacances.

Go, lui, s’est doté de deux outils, en plus de son site marchand. Le premier, Globonautes.com, n’a pas vocation à valoriser la marque à la grenouille. C’est un site éditorial qui vise à faire émerger du contenu rédactionnel de qualité en triant les meilleurs articles d’internautes sur des destinations. « Nous en espérions des revenus publicitaires », explique Jérôme Laurent. Mais à hauteur de 60 € par semaine, cet espoir est déçu… Le deuxième outil, Blog.govoyages.com, est alimenté et modéré par le TO, à la différence du premier. On y trouve des informations à la fois sur l’entreprise et sur la chaîne du voyage (formalités, assurances…). « C’est un mélange entre carnet de voyages et site corporate , explique Jérôme Laurent. L’angle corporate va être renforcé, ce blog doit devenir un outil de relation client. » Enfin, Go a créé sa page sur Facebook fin 2009. 500 fans y ont adhéré sans effort de recrutement particulier. Le voyagiste veut passer la vitesse supérieure et entrer dans une « démarche plus mercantile », en proposant petits cadeaux ou promotions exclusives à ce réseau de fans qu’il souhaite voir grossir à hauteur de 150 000 membres ! « Inutile d’arriver avec une publicité traditionnelle sur Facebook, ça ne marche pas », explique-t-on chez Go Voyages. Le TO a compris que le fan aime le fun. Dont acte. À l’occasion du premier vol direct Paris-Las Vegas par XL Airways, le TO a lancé fin mars le jeu du mariage minute, où le participant peut se retrouver marié avec « n’importe qui » (parmi sa liste d’amis Facebook quand même !) et gagner un séjour à Las Vegas avec célébration d’un faux mariage.

Achats de prestations en direct

Dans le même esprit, Ecotour a créé deux groupes sur Facebook « pour renforcer le capital sympathie de l’agence », explique son Pdg. Le premier groupe rassemble 5 700 fans invités à publier leurs meilleures photos de voyages. Les plus talentueux seront conviés à tester des voyages et faire des photos pour l’agence. Le deuxième groupe a rapidement capté 24 000 fans autour d’un happening original. Ecotour fixe rendez-vous aux internautes dans le quartier d’une ville. Ils doivent arborer son logo. Une moto circule, et toutes les 5 minutes, le premier couple aperçu en train d’exhiber le logo gagne un voyage pour deux à départ immédiat… La première édition du jeu a eu lieu mi-mars, avec à la clé cinq lots gagnants. Ce rendez-vous ludique doit devenir régulier.

« Le Web 3.0 est un territoire de prise de parole où nous devons être. Nous n’avons pas le choix car Internet est notre cœur de métier », souligne Go Voyages qui s’apprête à recruter un community manager pour gérer toutes ses interventions sur le Web participatif. Fram n’a rien d’un pure player mais est presque aussi convaincu des enjeux, qui sont, il est vrai, importants. Car les médias sociaux, en relayant des avis sur les hébergeurs ou les transporteurs, favorisent presque mécaniquement l’achat de prestations en direct auprès de ces fournisseurs. Cercle vicieux pour les voyagistes s’ils restent passifs face au Web collaboratif. Ceux qui soignent leur e-réputation savent qu’en faisant parler d’eux sur la Toile, ils font d’une pierre deux coups : ils valorisent leur image tout en optimisant le référencement naturel de leur site marchand. Référencement qui lui-même favorise les ventes on line. Le mariage du Web 1.0 et du Web 2.0 se boucle alors en un cercle vertueux 3.0

3 questions à Nicolas Sosnowiez, chargé de développement chez Adrider

Votre agence de communication est spécialiste des médias sociaux. Comment travaillez-vous ?

Nous intervenons pour des clients directs, ou des agences de publicité peu familières des nouveaux médias du Web 2.0. Au départ, nous proposions surtout des publirédactionnels à faire paraître sur des blogs. Aujourd’hui, la démarche est plutôt d’inciter les blogueurs à créer eux-mêmes du contenu en les sollicitant pour tester un produit, réaliser une interview. Nous avons un panel de 3 500 blogueurs, répertoriés par spécialités, nous les rémunérons en fonction de leur audience, entre 250 € et 1 500 € selon les missions. Nous intervenons aussi auprès des réseaux sociaux pour le compte de nos clients, en créant une page sur Facebook par exemple, et en recrutant des « fans ». Nos community managers, en interne, gèrent ces pages, animent des communautés et font de la modération sur les forums pour les annonceurs. Parfois, nous formons chez le client une personne à la fonction de community manager.

Le secteur du tourisme est-il actif sur le Web 2.0 ?

60 % de nos clients directs sont issus du tourisme ; ce sont essentiellement des destinations. Les voyagistes sont moins enclins à développer leur notoriété sur le Web participatif parce qu’ils cherchent un retour rapide sur investissement et que le Web 2.0 n’est pas un canal de vente à proprement parler.

Quel est le coût d’une campagne sur les médias sociaux ?

Pour une campagne auprès d’une vingtaine de gros blogueurs, il faut compter de 10 000 € à 15 000 €. Pour la mise à disposition d’un community manager 2 heures par jour, le budget annuel est de 50 000 €. Tout est facturé en temps homme.

Des agences trop réservées

En février, le site Cityzeum.com, à la fois guide, comparateur et forum, a lancé le concours « Découvrez mon agence », invitant les agences de voyages à se présenter aux internautes à travers un article ou une vidéo. Toutes les présentations respectant la charte fixée devaient être publiées sur le blog de Cityzeum. L’agence lauréate pouvait gagner une campagne de communication gratuite auprès de 250 000 cybervoyageurs. Toutefois, l’opération n’a pas eu d’écho auprès des professionnels. Julien Laz le regrette : « les internautes souhaitent une offre alternative à celle des géants du e-tourisme. Ils ont besoin d’aller vers des petites agences spécialisées, auxquelles nous aimerions donner davantage de visibilité, mais souvent elles s’excluent elles-mêmes du Web. Nous relancerons l’opération », conclut sans défaitisme le gérant de Cityzeum.

Gare à la manipulation

25 % des Français consultent des forums avant un achat, selon Médiamétrie. Si l’internaute se fie davantage à l’avis d’un congénère anonyme qu’à celui d’un professionnel, c’est parce qu’il l’imagine désintéressé et gratuit. Or, la manipulation sur le Web 2.0 existe. « On a découvert des sites qui rétribuent le fait de noter positivement un bar ou un restaurant. […] Les réseaux sociaux sont le terrain de chasse de publicitaires qui n’hésitent pas à introduire du faisan d’élevage afin de rendre la chasse plus giboyeuse », commente fort joliment le sociologue Bernard Cathelat. S’ils veulent conserver leur pouvoir de prescription et leur audience, les médias sociaux doivent traquer les avis délibérément mensongers ou promotionnels. Vaste chantier. Numéro un des sites communautaires de voyageurs, TripAdvisor explique que ses algorithmes lui ont déjà permis de détecter des fraudes de masse, notamment des cas d’hôteliers dénigrant des concurrents. Le site stigmatise alors la fiche du fournisseur fautif par un encadré rouge mettant en garde l’internaute.