Les vacances d’Emmanuel Macron : communication maitrisée ?

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La stratégie de communication des vacances d’Emmanuel Macron : un coup de com’ réfléchi ?

Les vacances d’Emmanuel Macron sont-elles un coup de com’ permanent ? Quelle est la stratégie de communication politique pensée par les équipes de communication de l’Elysée pour soigner l’image du Président de la République ? Les vacances à Marseille : une stratégie de communication pour Emmanuel Macron ? Les vacances à Marseille sont-elles vraiment un atout dans la communication d’Emmanuel Macron ? Comment les spin Doctor du Président de la République cherchent ils à influencer l’opinion publique française afin d’améliorer sa côté de popularité qui est en baisse ? Comment ses vacances permettent-elles à Emmanuel Macron de se distinguer de ses prédécesseurs ? Emmanuel Macron peut-il vraiment déployer une stratégie de communication politique différente des autres Présidents de la République ? C’est le décryptage vu de l’oeil du communicant qui est livré ici à Libération dans cet article.

La réponse de Florian Silnicki, Expert en stratégie de communication et Président Fondateur de LaFrenchCom, ici ⬇

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Les vacances présidentielles d’Emmanuel Macron ne sont pas de simples moments de repos : ce sont de véritables opérations de communication savamment orchestrées par l’Élysée. Du choix des destinations (comme Marseille ou Brégançon) à la diffusion contrôlée d’images sur les réseaux sociaux, tout est pensé pour soigner l’image du chef de l’État. Dans cet article, nous analysons la mise en scène de ces moments de pause, la façon dont Emmanuel Macron cherche à se distinguer de ses prédécesseurs (Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jacques Chirac), les techniques de communication employées, leur efficacité sur la perception du public et enfin les limites et risques d’une telle stratégie dans un climat de méfiance envers la communication politique.

Vacances d’Emmanuel Macron : une mise en scène orchestrée par l’Élysée

Les vacances à Marseille : une opération de com’ bien réfléchie

L’un des exemples les plus marquants de la stratégie de communication d’Emmanuel Macron est ses vacances à Marseille à l’été 2017. Officiellement, l’emplacement exact devait rester secret, mais il a vite été éventé qu’il séjournait dans une villa prêtée par le préfet de région sur les hauteurs de la ville​. Pourquoi Marseille ? Le choix de cette ville populaire du sud de la France n’est pas anodin. À l’époque, la cote de popularité du « jeune Président » était en berne après quelques mois au pouvoir, et passer ses vacances dans une grande ville du peuple plutôt que dans un lieu luxueux apparaissait comme “une opération de communication bien vue pour redresser son image”.

Macron souhaitait montrer sa proximité avec les Français en restant en France et en suivant son propre conseil donné aux ministres de prendre des congés dans le pays. Politiquement, cela envoyait le signal qu’il était un président « normal » qui ne s’offre pas des vacances exotiques, et qu’il demeure « mobilisable à tout moment » en cas de crise. La mise en scène a été habile : Emmanuel Macron a même été aperçu en train de faire son jogging le long des plages du Prado, vêtu d’un maillot de foot de l’Olympique de Marseille, son club favori. Le message est clair : le Président s’accorde un repos « comme tout le monde » tout en restant ancré dans la culture locale et les préoccupations du pays.

En choisissant Marseille, Emmanuel Macron a également voulu donner un coup de projecteur positif sur la cité phocéenne. Cette ville, longtemps perçue négativement (corruption, violence), connaît un renouveau touristique et culturel. Le fait qu’un président de la République la choisisse pour villégiature est vu comme “un vote de confiance majeur en une ville au charme méditerranéen, alternative ensoleillée au sérieux parisien”​. Macron capitalise ainsi sur la réputation branchée et populaire de Marseille pour associer son image à ce renouveau.

Une scénographie maîtrisée par l’Élysée

Ces vacances marseillaises illustrent parfaitement la scénographie mise en place par l’Élysée. Tout est planifié : le lieu de résidence (une demeure sécurisée mais située « au cœur » de Marseille), les activités visibles du grand public (jogging, bains de foule limités), et même l’absence de luxe ostentatoire. La communication présidentielle insiste sur la simplicité et la normalité. En 2017, les médias soulignent que les Macron passent “des vacances pas bling-bling” à Marseille, loin du faste. L’objectif est de montrer un président simple et proche des gens, en contraste implicite avec certaines images de ses prédécesseurs en vacances jugées tapageuses.

L’Élysée orchestre soigneusement les apparitions publiques pendant ces séjours. Par exemple, lors de ses congés d’été au Fort de Brégançon (la résidence officielle des présidents dans le Var), Emmanuel Macron ne s’est livré qu’à une seule sortie publique en 2018 : un bref bain de foule de 15 minutes dans le village voisin de Bormes-les-Mimosas. Hormis cette scène cadrée, “pas de cartes postales ni de jolies images pour les JT”, rapportait Le Monde, au grand désarroi de la quinzaine de journalistes postés devant le fort. Autrement dit, les communicants de l’Élysée filtrent les images : ce qui est montré au public est choisi par le Président et son équipe, tandis que le reste de sa vie privée reste hors caméra.

Même en vacances, Emmanuel Macron continue d’occuper l’espace médiatique de manière maîtrisée. En 2020, pendant son séjour à Brégançon, l’Élysée assure que les vacances seront “studieuses”, avec des dossiers de travail sur la table et la préparation du sommet du G7 à venir. Ce storytelling – se reposer tout en travaillant – vise à rassurer l’opinion sur le fait que le Président ne déconnecte jamais vraiment. Des photos officielles peuvent le montrer en train de lire des notes, ou suivant des événements (en 2024, il suit les JO de Paris pendant ses congés). La présence de dossiers ou d’appels internationaux durant la “pause estivale” illustre un président au travail même sous le soleil.

Vacances présidentielles : Macron vs. Sarkozy, Hollande, Chirac

Emmanuel Macron s’inscrit dans une tradition où les vacances des chefs d’État sont depuis longtemps un moment de communication. Mais il cherche aussi à se démarquer de Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Jacques Chirac, dont les styles de vacances ont marqué les esprits à leur manière.

Nicolas Sarkozy : les vacances du « bling-bling » critiquées

Dès le début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy a été associé à des vacances fastueuses – au point que cela lui a valu de vives critiques. En mai 2007, tout juste élu, il avait créé la polémique en partant en croisière sur le yacht de son ami milliardaire Vincent Bolloré, symbole d’un style “vacances de milliardaire” qui choque une partie de l’opinion. Ce démarrage a ancré l’image d’un président « bling-bling », proche des riches, à l’opposé de la sobriété attendue par certains Français. Par la suite, Sarkozy a délaissé le Fort de Brégançon (officiel mais inconfortable à son goût) pour préférer le luxueux Cap Nègre, dans la propriété de famille de Carla Bruni. Il y faisait des séjours en toute discrétion, loin de la presse, mais cette préférence familiale a renforcé l’idée d’un président privilégiant son cercle privé aisé.

En termes de communication, Sarkozy a tenté plus tard de corriger cette image. Il a cherché à montrer un visage plus simple et actif : on l’a vu faisant du vélo sur le littoral varois, ou même s’occupant de détails prosaïques (un épisode a été relaté où “l’hyper-président Sarkozy s’est occupé du tout-à-l’égout de la maison de sa belle-mère”, surprenant ses voisins). Ces anecdotes visaient à le rapprocher des préoccupations quotidiennes, mais le mal était fait : son premier été présidentiel a laissé l’impression d’une faute de goût en communication, dont il a peiné à se départir.

François Hollande : la normalité affichée, la vie privée exposée

François Hollande, succédant à Sarkozy en 2012, a voulu prendre le contrepied complet du style bling-bling. Son mot d’ordre : être un “président normal”. Cela s’est vu dès ses premières vacances estivales : Hollande a pris le train en seconde classe pour descendre dans le Sud, image modeste rappelant les congés payés de monsieur Tout-le-Monde. Il a aussi initialement fréquenté le Fort de Brégançon, signifiant qu’il n’avait pas d’exigence de luxe particulier. Cette communication de la normalité se voulait en cohérence avec son mandat.

Cependant, cette stratégie a eu ses propres écueils. D’une part, l’effet de surprise médiatique recherché (un président en train SNCF) s’est vite estompé et n’a pas suffi à enrayer sa baisse de popularité sur le long terme. D’autre part, Hollande a subi les aléas d’une exposition non maîtrisée de sa vie privée : à l’été 2012, des paparazzis ont réussi à le photographier en maillot de bain avec sa compagne Valérie Trierweiler à Brégançon. Ces clichés volés, publiés dans la presse people, ont fortement déplu au président qui tenait à sa dignité et à contrôler son image. L’incident a été tel qu’il n’est jamais retourné en vacances à Brégançon par la suite. Hollande a compris à ses dépens que, même en cherchant la simplicité, un président reste une cible pour les médias, et que la frontière entre communication voulue et communication subie est ténue.

Jacques Chirac : tradition, décontraction… et secrets bien gardés

Jacques Chirac, président de 1995 à 2007, a durablement marqué l’imaginaire des vacances présidentielles. Contrairement à Macron, Chirac adorait le Fort de Brégançon – ou du moins il y allait tous les étés par tradition, même s’il confessait en privé s’y “emmerder” un peu. Son style de communication estivale était celui du “bon vivant” proche du terroir : on le voyait fréquentant la messe dominicale au village de Bormes-les-Mimosas, saluant les habitants à la sortie de l’église avec Bernadette Chirac. Cette image de président accessible, presque grand-père de la Nation, était soigneusement entretenue. Elle renforçait l’affection que beaucoup de Français lui portaient.

Chirac donnait l’impression de vacances simples (promenades, bronzette et romans d’espionnage au soleil) mais en réalité, il s’autorisait aussi des séjours bien plus luxueux et lointains. Pierrick Geais, spécialiste des vacances présidentielles, note que Chirac est celui qui a coûté le plus cher à la République en voyages exotiques, par exemple en séjournant au Royal Palm à l’Île Maurice. Cependant, ces escapades coûteuses restaient relativement discrètes à l’époque, les réseaux sociaux n’existant pas encore pour propager instantanément les polémiques. Chirac a su cultiver une double image : officielle (simple et traditionnelle à Brégançon) et officieuse (profiter de destinations paradisiaques hors du regard du public). Aujourd’hui, une telle dissonance serait sans doute épinglée bien plus vite dans le débat public.

En somme, Emmanuel Macron a pu tirer des leçons de ses aînés : éviter le bling-bling ostentatoire de Sarkozy, se méfier des intrusions dans la vie privée qui ont piégé Hollande, et utiliser les vacances comme levier médiatique positif comme savait le faire Chirac, tout en adaptant la recette à l’ère des réseaux sociaux.

Techniques de communication employées par Macron lors de ses vacances

Choix des lieux et symboles

Le choix des lieux de villégiature fait partie intégrante de la communication macronienne. En alternant entre le fort de Brégançon (symbole de la fonction présidentielle) et d’autres destinations françaises comme Marseille ou la Montagne (vacances d’hiver à La Mongie dans les Pyrénées, par exemple), Macron envoie différents messages. Brégançon lui permet de recevoir des leaders internationaux (il y a convié Vladimir Poutine en 2019 avant le G7 ou Angela Merkel en 2020) et de montrer qu’il travaille même depuis la plage. À l’inverse, des escapades dans des régions variées de France mettent en avant le patrimoine national et évitent la monotonie.

Macron cherche l’équilibre entre le traditionnel et le moderne. Il a ainsi remis Brégançon à la mode (résidence un temps délaissée par Sarkozy et Hollande​) tout en modernisant le confort du lieu – installation d’une piscine en 2018 à ses frais, ce qui a fait couler beaucoup d’encre – signe qu’il s’approprie les symboles à sa façon. D’un côté, il montre le respect des traditions républicaines (Brégançon reste “la fameuse résidence des chefs de l’État”), de l’autre il adapte le cadre à l’image d’un couple présidentiel jeune et dynamique (la piscine pour éviter d’aller à la plage publique en est l’illustration, justifiée officiellement par des raisons de sécurité).

Le choix de Marseille en 2017, comme vu précédemment, était également un symbole fort : celui d’une France métissée, populaire et en renouveau. De même, l’Élysée n’hésite pas à communiquer sur les visites locales du président en vacances : une balade au marché du coin, un dîner dans une pizzeria du village… Ces lieux et moments sont sélectionnés pour illustrer la proximité et la simplicité. Par exemple, durant l’été 2019 à Brégançon, le couple Macron s’est offert un dîner “en toute simplicité” dans une pizzeria face à la mer, posant souriant avec le personnel de l’établissement. Les propriétaires ont témoigné de la bienveillance et de la simplicité du Président, saluant chaque membre du staff. Ces anecdotes locales, largement relayées, participent à un storytelling positif du président « comme tout le monde » malgré sa fonction.

Apparitions publiques contrôlées et bains de foule mesurés

Une autre technique clé est la rareté et la maîtrise des apparitions publiques. Emmanuel Macron dose soigneusement ses interactions directes avec les citoyens pendant ses congés. Il sait que chaque sortie non préparée comporte un risque (interpellations imprévues, images non maîtrisées). Donc, les “bains de foule” existent, mais ils sont brefs, annoncés ou réalisés dans un cadre favorable.

Par exemple, à Bormes-les-Mimosas, il a instauré une tradition de descendre au village pour saluer la foule lors de la commémoration de la libération de Bormes (début août). En 2018, ce bain de foule de quelques minutes a été immortalisé par les caméras, montrant Macron chaleureux avec les vacanciers. Mais il n’y en a pas un par jour : juste de quoi alimenter les médias en images positives, puis retour derrière les grilles du fort. La presse a souligné qu’en dehors de ce moment orchestré, “pas de jolies images” à se mettre sous la dent. Cela souligne combien l’Élysée verrouille le scénario.

Même lorsqu’il est surpris par des journalistes, Macron tente d’en faire une opportunité de communication. Une anecdote en 2018 : en vacances au ski dans les Pyrénées, il est interpellé par une journaliste sur une mesure gouvernementale impopulaire (le contrôle accru des chômeurs). L’Élysée avait justifié qu’il répondait parce qu’il était le seul en mesure de le faire (le Premier ministre étant en vacances). Emmanuel Macron, en tenue de ski, a répondu pour montrer qu’il reste aux commandes. Cette séquence visait à le présenter comme « un Français comme les autres » qui peut parler politique même en congé. Cependant, certains commentateurs ont jugé la mise en scène maladroite, l’explication donnée paraissant artificielle et desservant la communication du Président. Cela prouve qu’il n’est pas simple de tout maîtriser : chaque interaction spontanée comporte une part de risque d’interprétation négative.

Storytelling présidentiel : « vacances studieuses » et récits sur mesure

La narration autour des vacances d’Emmanuel Macron est un élément central de la stratégie. Plutôt que de laisser place aux spéculations, l’Élysée fournit son récit aux médias. Le vocabulaire est désormais rodé : on parle de vacances « calmes et studieuses » ou « studieuses » tout court, insistant sur le fait que le chef de l’État profite du calme pour préparer la rentrée, lire des notes, réfléchir aux dossiers. Chaque année, cette formule est reprise. Par exemple, avant son départ en été, l’entourage présidentiel précise systématiquement que le Président emporte des dossiers dans ses bagages et restera en lien avec Paris.

Ce storytelling a deux objectifs : montrer le sérieux et l’engagement continu de Macron (même en repos, il travaille pour la France), et déminer les critiques avant qu’elles n’émergent (on ne pourra pas lui reprocher de “déconnecter” ou de “s’amuser pendant que…” puisqu’il clame étudier ses dossiers). En 2019, alors qu’il prenait ses quartiers à Brégançon juste avant le sommet du G7 de Biarritz, l’Élysée a communiqué qu’il préparait activement ce sommet pendant ses vacances. De même en 2020, en pleine pandémie de Covid-19, l’idée de vacances studieuse visait à rassurer que la crise sanitaire restait gérée.

En parallèle, l’entourage s’attache à distiller de petites histoires humaines qui rendent Macron sympathique. Cela peut être le récit d’un dîner pizza en toute simplicité, la mention d’une partie de jet-ski, ou la visite surprise à des touristes. Ces micro-histoires nourrissent les médias people ou régionaux, qui relaieront l’image d’un président détendu, accessible et humain. On parle ainsi de Macron allant acheter des glaces, ou posant en t-shirt avec des passants. Ces éléments de storytelling personnifié rendent la fonction plus incarnée, moins austère.

Photos officielles et réseaux sociaux : la maîtrise de l’image

À l’ère d’Instagram et de Twitter, Emmanuel Macron exploite aussi les canaux visuels pour diffuser SA vision de ses vacances. Plutôt que de laisser les paparazzis ou les médias décider des images, il mandate sa photographe officielle, Soazig de La Moissonnière, pour immortaliser certains moments choisis du couple présidentiel en vacances. Ces clichés sont ensuite publiés sur les réseaux sociaux de la photographe ou du Président.

En août 2023, par exemple, plusieurs photos coulisses du séjour à Brégançon ont été dévoilées sur Instagram : on y voit Emmanuel Macron en train de se relaxer, parfois même torse nu au bord de la piscine du fort, ou partageant des moments complices en famille​. Montrer le Président torse nu est une démarche inédite, signe d’une volonté de le normaliser tout en contrôlant strictement la diffusion (ce n’est pas un paparazzi qui a volé l’image, c’est l’Élysée qui la publie via un canal officiel). Ces images font immédiatement le tour des médias, avec un double effet : satisfaire la curiosité du public sur la vie privée du chef de l’État (on voit l’intérieur du fort, on découvre un Macron décontracté) tout en véhiculant une image maîtrisée et positive (un président jeune, en forme, comme un Français moyen en vacances).

Sur les réseaux sociaux, cette communication visuelle s’accompagne de messages sobres – quelques légendes neutres ou patriotiques – et d’une fermeture des commentaires pour éviter les dérapages. Tout est à sens unique, dans une logique de « com’ univoque » où l’on diffuse sans permettre la contradiction. C’est de la propagande douce où l’Élysée occupe le terrain médiatique estival avec ses propres contenus léchés. Les médias traditionnels relaient ensuite ces images, amplifiant le message initial.

Enfin, la communication présidentielle en vacances utilise volontiers la technologie et l’instantanéité : tweets de félicitations (par exemple, Macron tweetant depuis Brégançon pour féliciter un champion de natation français, ce qui a été repris par les médias), photos et vidéos courtes sur Facebook ou TikTok pour montrer des instants de détente. Cette présence numérique calculée maintient le lien avec l’opinion publique même durant la “pause” estivale, et permet à Macron de rester au centre de l’attention – sur un registre plus léger – en attendant la rentrée politique.

Des vacances utiles pour la popularité ? Quelle efficacité sur l’opinion publique

La question cruciale est de savoir si cette stratégie de communication estivale atteint son but : améliorer l’image d’Emmanuel Macron et, in fine, influencer positivement sa cote de popularité. Les résultats sont nuancés.

D’un côté, ces opérations de com’ semblent offrir à Macron un bol d’air médiatique. À court terme, elles alimentent la presse people et régionale en récits favorables (le Président sympa en vacances), ce qui change des polémiques politiques habituelles. Elles peuvent contribuer à adoucir son image auprès de certains Français, en le montrant sous un jour moins formel. Par exemple, après le séjour marseillais de 2017, on a pu observer dans certains sondages de rentrée une légère atténuation de l’impopularité, attribuable en partie à l’exposition positive de l’été. De même, chaque année, la traditionnelle visite du Président au fort de Brégançon fait l’objet de reportages plutôt bienveillants, ce qui constitue un temps de communication maîtrisée dont l’exécutif profite.

Surtout, l’objectif est souvent de reprendre la main sur la narration après des périodes difficiles. En 2017, la séquence des vacances à Marseille est pensée pour faire oublier une chute de popularité liée aux premières réformes. En 2019, la communication autour de Brégançon précède un sommet international important (G7) et sert à afficher Macron en leader actif sur la scène mondiale même en été. Ces mises en scène permettent de créer des parenthèses médiatiques positives qui, espère l’Élysée, rejaillissent sur le moral des Français et leur jugement du Président.

Cependant, l’efficacité réelle sur la durée reste limitée. Les “coups de com’” estivaux n’effacent pas les enjeux de fond ni les décisions impopulaires. Une fois la rentrée arrivée, l’actualité reprend ses droits (réformes, impôts, crises) et la popularité de Macron se joue surtout sur ces facteurs substantiels. Par exemple, en 2018, malgré des vacances habilement gérées en termes d’image, Emmanuel Macron a connu à l’automne l’affaire Benalla puis la crise des Gilets jaunes qui ont fait plonger sa cote. De même, en 2020, les photos de lui en jet-ski torse nu n’ont pas empêché les critiques sur sa gestion du Covid ou les polémiques écologiques.

En fait, ces vacances scénarisées ont probablement un effet bénéfique mais temporaire. Elles entretiennent une certaine bienveillance ou au moins une attention moins critique d’une partie de l’opinion pendant l’été, mais elles ne créent pas d’adhésion massive. D’après certains experts en communication, si ces moments rendent Emmanuel Macron plus humain, ils ne suffisent pas à inverser une mauvaise dynamique de popularité, surtout dans un climat de défiance généralisée envers les politiques. Les Français sont nombreux à voir dans ces mises en scène une stratégie calculée, ce qui limite l’authenticité perçue de l’opération.

Il faut noter aussi que mal exécutée, la communication de vacances peut se retourner contre le Président. Une photo ou une séquence mal reçue peut faire du bruit négatif. Lorsque des magazines ont publié des images d’Emmanuel Macron torse nu jouant avec un enfant (été 2020), cela a déclenché autant de moqueries que de compliments sur les réseaux sociaux. Certains y voyaient un décalage avec la gravité de la situation du pays (“pendant ce temps, il y en a qui souffrent…”). De même, son tour en jet-ski a fait polémique à l’aune des préoccupations écologiques, des internautes ironisant “il aurait pu porter un gilet jaune en référence aux contestataires. Ces réactions montrent que l’opinion n’est pas dupe et que chaque détail peut être politisé.

En somme, la stratégie de communication des vacances de Macron réussit partiellement à peaufiner son image et à occuper l’espace médiatique de manière positive à court terme. Mais son impact sur la popularité est modeste et fragile. Les vacances présidentielles sont un théâtre d’ombres qui peut détourner l’attention un moment, sans pour autant changer profondément la perception qu’ont les Français de leur président, forgée surtout par son action politique et économique.

Limites et risques d’une communication trop maîtrisée

Malgré son apparente maîtrise, la communication autour des vacances d’Emmanuel Macron comporte des limites et peut engendrer un certain retour de flamme.

D’abord, le risque de la sur-mise en scène. À vouloir trop contrôler l’image, le Président s’expose à des critiques sur le caractère artificiel de sa communication. Les commentateurs parlent parfois de mise en scène “sans aspérités, lisse et parfaite”, voire de « soft propagande » pour qualifier ces contenus très calibrés. Lorsque chaque apparition semble chorégraphiée, une partie du public peut se sentir manipulée. Dans un contexte où la méfiance envers la communication politique est élevée, “les ficelles commencent à se voir” prévient la journaliste Nathalie Segaunes. En d’autres termes, plus la com’ est millimétrée, plus elle peut susciter le cynisme. L’ère des réseaux sociaux rend encore plus facile la détection et la dénonciation des artifices : un hashtag moqueur, un mème ironique peuvent ridiculiser en quelques heures une photo trop posée.

Ensuite, la dissonance possible avec la réalité du pays. En période de tensions sociales ou de crises, les images d’un président en vacances – si soignées soient-elles – peuvent sembler déplacées. Emmanuel Macron doit jongler avec cette perception. Par exemple, au cœur de l’été 2022 marqué par des inquiétudes (inflation, guerre en Ukraine), l’Élysée a fait profil bas sur les vacances du Président pour éviter d’alimenter le reproche d’insouciance. Toute scène de détente peut être comparée aux difficultés du citoyen lambda, et mal interprétée. Le cas du jet-ski en 2020 est édifiant : alors que le pays sortait difficilement du confinement, voir le chef de l’État profiter de loisirs nautiques a heurté certains, malgré la communication préalable sur les “vacances studieuses”. La frontière entre normalité et indécence est ténue, et la présidence navigue en permanence entre montrer un Président humain mais ne pas donner l’impression d’un dirigeant déconnecté ou jouisseur.

Par ailleurs, ces opérations de communication ont une portée limitée face à la complexité de l’opinion publique. Les Français savent que tout homme politique cherche à se montrer sous son meilleur jour. Beaucoup consomment ces images avec détachement, voire indifférence. Le risque est que ces efforts soient simplement ignorés par une partie de la population, ou qu’ils prêchent des convaincus sans élargir la base de soutien. Dans le pire des cas, une communication trop centrée sur la forme peut agacer : certains électeurs pourraient reprocher à Macron de soigner son image plutôt que d’agir sur les problèmes réels. Cette critique rejoint celle faite à de nombreux dirigeants modernes accusés de « faire de la com’ ».

Enfin, le danger des imprévus subsiste. Malgré toute la planification, un incident est vite arrivé : un manifestant infiltré dans la foule qui interpelle le Président virulemment, un paparazzi avec un téléobjectif puissant capturant un moment embarrassant, une fuite sur le coût ou les détails logistiques des vacances… Ces éléments incontrôlables peuvent saboter une séquence communicationnelle bien huilée. Par exemple, si la presse apprenait qu’un déplacement privé du Président avait un coût exorbitant pour le contribuable (sécurité, transport), la polémique enflerait et détruirait les bénéfices médiatiques recherchés. Dans l’histoire, on se souvient que Georges Pompidou avait dû justifier qu’il payait personnellement ses vacances, ou que Nicolas Sarkozy s’était expliqué sur qui finançait sa villa de location aux États-Unis. Macron, en choisissant souvent des résidences publiques (Brégançon, résidence de préfet, etc.), limite ce risque, mais l’attention aux deniers publics reste un paramètre sensible.

En conclusion, la stratégie de communication des vacances d’Emmanuel Macron est un exercice d’équilibriste. Bien pensée et exécutée, elle peut offrir un léger répit dans la bataille de l’opinion et projeter une image rajeunie de la fonction présidentielle. Macron s’en sert pour se différencier d’anciens présidents et coller à l’air du temps d’une communication omniprésente, visuelle et narrative. Toutefois, son impact sur la popularité demeure modeste et surtout conditionné à la crédibilité que lui accordent les Français. Dans une démocratie mûre et parfois cynique, la mise en scène ne convainc pas toujours les esprits critiques. Les vacances présidentielles restent “un vrai moment de communication”, mais pas nécessairement un moment de communion avec le peuple. Et si elles peuvent améliorer un instant l’image du Président, elles n’effacent ni les attentes profondes des citoyens ni les jugements sur le bilan concret du quinquennat.