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Les dirigeants sous la pression de l’éthique

 

L’éthique : un engagement économique

L’engagement éthique n’est pas seulement affaire de droits de l’homme. C’est devenu une nécessité économique. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’en préoccuper. Sous la pression de l’opinion publique, des associations ou des consommateurs. 

Des clubs d’affaires pour les droits de l’homme, une certification « responsabilité sociale », des chartes d’entreprises contre le travail des enfants ou le travail forcé, des codes de déontologie humanitaires ; l’entreprise serait-elle de plus en plus éthique ? A l’examen, les cas d’engagements éthiques ne sont pas légion. Rares sont celles qui intègrent les droits de l’homme dans leur stratégie. Non pas forcément parce qu’elles y seraient hostiles, mais parce que leurs préoccupations, « c’est de gagner de l’argent et si possible créer de l’emploi », précise un chef d’entreprise.

Une chose est sûre, elles sont de plus en plus nombreuses à se poser la question ou à être incitées à le faire. Quelques-unes sous la pression des opinions publiques, d’autres par les consommateurs ou par des ONG. Pour Jean-Marc Piquemal, responsable de la commission entreprise d’Amnesty International, « s’il est difficile de dire ses quatre vérités à un gouvernement qui viole les droits de l’homme, on peut toutefois, dans une relation d’acheteur, avoir une influence auprès des fournisseurs et faire en sorte que ces derniers fassent pression sur leurs dirigeants. Au nom de la stabilité économique ».

Une attitude que partagent déjà certains grands patrons. Comme, par exemple, le président de BP, Peter D. Sutherland. « Le monde des affaires fournit le vecteur économique nécessaire à l’exercice du droit fondamental au développement, tant au niveau des nations que des personnes, a-t-il affirmé en novembre dernier. En d’autres termes, les entreprises sont essentielles à la promotion et à la protection des droits fondamentaux des cinq milliards d’humains. Sans développement, et sans l’engagement des acteurs économiques, je ne pense pas que le respect des droits de l’homme puisse être garanti. Loin d’être contradictoires, ces deux objectifs sont interdépendants. »

A contrario, ne pas le faire revient à participer à la politique de la terre brûlée. Car sans un environnement stable et sûr, il ne peut y avoir de bonnes relations économiques durables. La crise asiatique n’est-elle pas due en bonne partie à une corruption qui s’appuie sur la violation des droits de l’homme ? Dans le domaine de l’engagement éthique, les entreprises anglo-saxonnes et scandinaves sont plus avancées que les autres. L’idée d’une certification de la « responsabilité sociale » SA8000 (Social Accountability), lancée à Londres, au mois d’octobre, fait son chemin.

Effet de mode ou lame de fond ?

Après le sport, la culture et la santé, l’éthique est-elle un enjeu réel ou un plan de communication de plus ? Dans un grand nombre de cas, c’est pour promouvoir leur image que les sociétés développent leur TGA (taxe à la générosité ajoutée).

Communiquer dans ce domaine – c’est déjà beaucoup – est un premier pas, soutiennent les pragmatiques. Mais peut-on promouvoir l’insertion sociale à grand renfort de publicité et en même temps « dégraisser les effectifs » sans autre forme de procès, alors que l’entreprise gagne de l’argent ? Le mécénat « humain » appartient-il à cet esprit de responsabilité ? L’authenticité de l’engagement est dans ce cas-là très controversé. Aux yeux de certains, la communication éthique par support est insupportable. Gilles Lipovetsky voit les choses crûment : L’éthique est un vecteur stratégique de la communication d’entreprise. La business ethics repose sur la morale de l’intérêt bien compris.

Les clubs d’investissements. Sur le terrain de la générosité affichée se cachent souvent des motifs peu nobles et parfois très mercantiles. Exemple, cet entrepreneur employant des prisonniers qui a fait croire de manière publicitaire qu’il était animé par des considérations humanitaires. En réalité, ce qui l’intéressait, c’était que la main-d’oeuvre était extrêmement bon marché et lui permettait de casser les prix.

Entre la communication qui se sert de l’éthique comme image mais ne l’inclut pas forcément dans la pratique et la bonne conduite entrepreneuriale qui met en avant la responsabilité sociale de l’entreprise et son comportement éthique, il y a un dosage plus ou moins réussi d’engagement pour une cause. L’entreprise citoyenne, chère au CJD, est l’illustration de cette responsabilité sociale des entreprises. Mais l’engagement de l’entreprise citoyenne se situe surtout au niveau local, dans l’entreprise ou à la porte de l’entreprise. On parle moins de droits de l’homme que d’insertion, de dialogue social, d’aide aux associations. Dans le même esprit, sans tambour ni trompette, des patrons s’organisent pour venir en aide à des jeunes en difficulté.

Dans un autre ordre d’idées, des clubs d’investissements sont en train de voir le jour sous l’égide de Seniors Association. Leur objectif : mettre en portefeuille des sociétés choisies en fonction de données éthiques (non-recours à des sous-traitants employant des enfants, préservation de l’environnement, lutte contre l’exclusion…). Les perspectives de croissance passent au second plan du critère retenu.