- KRISIS : le point de rupture où tout se décide
- Anticiper : quand la « pré-krisis » fait toute la différence
- L’instant de vérité : dire ou ne pas dire ?
- Le facteur émotionnel : communication au-delà des faits
- Après la tempête : reconstruire la confiance
- Règle d’or : la crise révèle qui vous êtes vraiment
- La crise comme révélateur de leadership
La crise frappe toujours là où on l’attend le moins. Hier, c’était un PDG pris en flagrant délit de mensonge, ou un Ministre accusé d’abus de pouvoir. Aujourd’hui, c’est une entreprise qui voit sa réputation s’effondrer en 24 heures sur Twitter. Demain, peut-être, ce sera un scandale sanitaire qui enflammera la toile… La crise ne prévient pas, elle surgit. Et dans l’univers impitoyable de l’opinion publique, tout se joue dans les premières heures, souvent les premières minutes. Voilà pourquoi, en communication de crise, il existe une notion-clé souvent résumée par le terme « Krisis » : ce moment critique, ce point de bascule où la bonne décision – ou la mauvaise – va changer l’issue de la bataille médiatique rappelle Florian Silnicki, Expert en communication de crise qui a fondé l’agence LaFrenchCom.
Dans le mot grec κρίσις (krisis), on entend déjà la racine krinein, « décider de la gestion des enjeux sensibles ». La crise n’est pas seulement un désastre ; c’est aussi une opportunité de révéler qui vous êtes, comment vous réagissez sous la pression médiatique. Cette racine grecque rappelle que la gestion de crise est avant tout une affaire de décisions. Décider vite, mais décider bien. Faire face, expliquer, assumer, rétablir la vérité. Ou, au contraire, tergiverser, se murer dans le silence, céder à la panique : autant d’options catastrophiques qui mènent à la perte de crédibilité. Aujourd’hui, plus que jamais, la viralité des réseaux sociaux ne pardonne aucune erreur.
Dans cet article « cash » et ancré dans l’actualité, on revisite le concept de « KRISIS » appliqué à la communication de crise. Comment anticiper ? Comment réagir ? Comment se remettre d’une tempête médiatique quand tout semble s’écrouler autour de vous ? Tour d’horizon des meilleures (et pires) pratiques, avec des exemples concrets et des leçons apprises à la dure.
KRISIS : le point de rupture où tout se décide
Le concept de « krisis » a une portée quasi philosophique : c’est l’instant T où survient le moment décisif, la bascule entre avant et après. En communication de crise, cet instant survient souvent dès les premières heures. Par exemple, quand l’affaire Cahuzac éclate en 2013, on se souvient comment l’intéressé, alors ministre, choisit de démentir en bloc, de nier avec force… avant que la preuve de son compte à l’étranger ne sorte. Il a franchi ce point de non-retour : la “krisis” du mensonge public. S’il avait géré différemment – en assumant, en s’excusant directement –, l’histoire aurait peut-être pris une autre tournure. Peut-être moins spectaculaire, peut-être moins dévastatrice.
En d’autres termes, dès que la crise surgit, vous êtes face à un carrefour d’enjeux sensibles :
- Soit vous maîtrisez la communication de crise en disant “OK, on a un problème, on va vous expliquer exactement ce qu’il se passe”,
- Soit vous renvoyez l’image d’un acteur dépassé par la gestion de crise, coupable, voire manipulateur.
Le “coupable” n’est pas toujours celui qui a commis une faute ; c’est parfois celui qui laisse s’installer l’idée d’une faute, par son silence ou son impréparation. Au moment critique, l’opinion cherche des réponses. Refuser de communiquer, c’est communiquer quand même : vous dites au public “Je n’ai rien à dire, je ne suis pas fiable”. Dans un monde où un tweet peut mettre le feu aux poudres, c’est un luxe que plus personne ne peut se permettre.
Anticiper : quand la « pré-krisis » fait toute la différence
Les spécialistes de communication de crise le répètent : “une crise se prépare avant la crise”. Comprenez : c’est en amont, alors que tout va bien, qu’on bâtit la crédibilité qui permettra de faire face au jour J. C’est ce qu’on appelle la « pré-krisis ». Sur le plan organisationnel, cela se traduit par :
- Un audit régulier des vulnérabilités : Quelles sont les failles potentielles ? Les dossiers sensibles ? Les sujets explosifs ? (ex. environnement, pratiques RH, finances, sécurité sanitaire…)
- Un kit de réaction d’urgence : Qui prend la parole en cas de scandale ? Quel est le plan d’action ? Quels sont les canaux prioritaires (communiqué, vidéo, réseaux sociaux) ? Avoir une cellule de crise déjà formée, c’est gagner des précieuses minutes au moment où tout s’emballe.
- Des relais d’influence : Journalistes de confiance, partenaires, influenceurs, leaders d’opinion… Pour peser dans le débat public, il faut connaître ses alliés et pouvoir compter sur eux quand tout déraille.
- Un rappel de la charte éthique : Dans une tempête, vos équipes sont votre première vitrine. Si elles ne savent pas ce qu’elles peuvent ou non divulguer, si elles ne connaissent pas les principes de sincérité et de transparence minimale, vous partez déjà perdant.
Trop d’organisations, par négligence ou par optimisme béat, n’investissent pas dans cette phase de pré-krisis. Puis, le jour où la crise survient, on les voit balbutier, improviser des éléments de langage qui sonnent faux. Résultat : le public les perçoit comme des menteurs ou des amateurs (parfois les deux), et la crise devient incontrôlable.
L’instant de vérité : dire ou ne pas dire ?
Arrive l’instant fatidique. Vous êtes PDG, ministre, responsable com’… on vous annonce la mauvaise nouvelle : un gros média va sortir un papier accusateur, un scandale fait le buzz sur Twitter, un concurrent vous attaque publiquement. C’est le moment où la communication de crise doit se déployer en une fraction de seconde.
Parlez vite, mais pas trop
La vitesse est cruciale : plus vous laissez l’info se propager sans réaction, plus le storytelling s’installe contre vous. Cela ne veut pas dire qu’il faille paniquer et balancer n’importe quoi. Le secret, c’est de préparer des réponses rapides, factuelles, et d’assurer au public que vous travaillez à clarifier la situation. Mieux vaut un message bref et sincère – « nous venons d’apprendre X, nous prenons l’affaire très au sérieux, nous recueillons en ce moment toutes les informations pour y répondre » – plutôt que le grand silence ou le baratin.
Assumer, corriger, s’excuser si nécessaire
En communication de crise, la transparence est votre bouée de sauvetage, à condition de la manier habilement. Si vous avez commis une erreur ou une faute : admettez-la, excusez-vous, expliquez comment vous allez la réparer. Les excuses creuses ne valent rien : “Nous regrettons si certains se sont sentis offensés…” – c’est la pire forme de non-excuse. Au contraire, prenez vos responsabilités : “Nous avons fait une erreur, nous comprenons votre colère, voici les mesures concrètes que nous prenons.”
Un exemple récent ? Quand un grand groupe agroalimentaire découvre un problème de contamination dans un lot de ses produits, la seule bonne solution est de retirer immédiatement les lots, prévenir le public, coopérer avec les autorités sanitaires, montrer qu’on agit. Ceux qui tardent, en attendant d’avoir 100 % d’informations, se prennent un retour de flamme monumental : “Ils ont préféré minimiser le danger, on est face à un scandale sanitaire !”. Et quand la confiance est perdue, bonne chance pour la récupérer.
Le facteur émotionnel : communication au-delà des faits
La “krisis” n’est pas uniquement rationnelle. Elle se joue aussi dans l’émotion. Les victimes (ou le public qui se sent victime) veulent des réponses empathiques : “Est-ce que vous comprenez ce que je ressens ?”. Si vous adoptez un ton bureaucratique ou technique, vous paraîtrez déconnecté de la réalité. En revanche, si vous montrez votre volonté de régler le problème et votre empathie pour ceux qui en pâtissent, vous pouvez parfois renverser la vapeur.
- Gestion médiatique : Les journalistes ont besoin de matière concrète et de visuels. Si vous fuyez les caméras, ils iront chercher vos opposants, vos détracteurs. Soyez présent, montrez de l’assurance (sans arrogance), donnez des éléments vérifiables, reconnaissez ce que vous ignorez encore.
- Réseaux sociaux : On dit souvent qu’en crise, « les réseaux sont un incendie qui se propage en temps réel ». C’est vrai. Mais c’est aussi un moyen de répondre sans filtre et de corriger les rumeurs. Encore faut-il être réactif, clair et cohérent.
L’image du “leader-héros” ou du “leader-fuyard”
Sur le plan émotionnel, la figure de l’incarnation est déterminante. Que vous soyez dirigeant d’une entreprise de transport aérien, patron d’un labo pharmaceutique ou Premier ministre : vous êtes la personne qui doit monter au créneau. Si vous cachez votre visage, vous devenez le leader-fuyard. Si vous assumez les caméras, répondez de manière honnête, même si ça pique, vous pourrez incarner le “leader-héros” qui prend ses responsabilités.
Prenons le cas d’un CEO qui, lors d’une crise, reste planqué derrière des communiqués de presse aseptisés. Tout le monde se demande : “Où est-il ? Pourquoi ne s’exprime-t-il pas ?”. Il alimente la suspicion. À l’inverse, un PDG qui se présente en conférence de presse, regarde les journalistes dans les yeux et dit : “Nous avons failli, je suis le premier responsable, voici notre plan de réparation” peut espérer regagner une partie de la confiance perdue.
Après la tempête : reconstruire la confiance
Le concept de “krisis” implique aussi l’idée d’un après. Une fois le point de bascule passé, votre communication de crise doit se transformer en communication de reconstruction. La crise, c’est parfois l’occasion de faire un grand ménage, de refondre vos process, d’innover, de réaffirmer vos valeurs.
- Transparence prolongée : Ne disparaissez pas une fois l’orage passé. Continuez d’informer sur les suites, les mesures, les résultats des enquêtes. Montrez que vous ne retombez pas dans l’opacité.
- Analyse critique : Faites un bilan honnête de ce qui a dysfonctionné. C’est douloureux, mais c’est indispensable pour réapprendre à vos collaborateurs qu’on ne peut pas reproduire les mêmes erreurs.
- Changement concret : Promettez moins, agissez plus. Les grands discours de morale après une crise n’impressionnent personne si vous ne changez pas vos pratiques internes. Il faut qu’il y ait du réel derrière les mots.
L’exemple des responsables politiques
Dans la sphère politique, on voit des ministres dont la crise a souvent été mal gérée, et qui tentent un “come-back” plus tard. Parfois, s’ils ont su assumer et se faire discrets pour un temps, ils reviennent plus forts. D’autres, en revanche, s’entêtent dans le déni, attaquent les médias, parlent de “complot”. Généralement, c’est la mort politique assurée.
Règle d’or : la crise révèle qui vous êtes vraiment
Au fond, la communication de crise est un miroir. Sous la pression de l’urgence, elle révèle vos valeurs et votre caractère. Préférerez-vous le mensonge ou l’excuse bidon pour gagner quelques heures de répit ? Ou prendrez-vous le risque de la vérité, même inconfortable ? Ces choix se voient, se ressentent immédiatement. En un tweet ou une déclaration télévisée, l’opinion sent si vous êtes sincère ou pas.
La crise, c’est aussi l’occasion de montrer que vous êtes fiable : certes, vous avez commis une erreur ou subi une attaque, mais vous l’affrontez, vous la réparez, vous tirez les leçons. Ce courage, ce sens de la responsabilité, beaucoup de gens le respectent plus que la perfection feinte.
« KRISIS » signifie le moment du tri, du jugement. Le public, les médias, les salariés : tous observent si vous méritez encore leur confiance. À vous de jouer la bonne partition.
Pour rester “cash” :
- Planquez-vous = mort lente : si vous ne parlez pas, vous laissez vos adversaires et les rumeurs occuper tout l’espace.
- Mensonge = mort rapide : si vous inventez, trafiquez, travestissez la réalité, le “fact-checking” vous détruira.
- Assumez = chance de survie : avouez vos erreurs, réparez, faites preuve de transparence. Vous conservez l’essentiel : une certaine crédibilité.
La crise comme révélateur de leadership
La “krisis”, c’est l’instant pivot où la réputation d’une organisation ou d’une personnalité peut chuter ou, au contraire, se sublimer. Dans notre monde ultra-médiatisé, la communication de crise est presque un art martial : rapidité, précision, discipline, maîtrise de soi. Chaque minute compte, chaque mot peut marquer des points ou en faire perdre définitivement.
Et la vérité, c’est que personne n’est jamais totalement prêt. Mais ceux qui auront anticipé, appris la leçon des précédents scandales, établi un plan et intégré l’éthique au cœur de leur pratique auront un net avantage. Car la sincérité n’est pas un luxe quand le scandale éclate, c’est la seule planche de salut crédible.
En somme, la crise est l’ultime test de leadership. Un test “KRISIS” qui ne laisse pas de place à la comédie : « Tu assumes ou tu te défiles ? » Les spectateurs – citoyens, consommateurs, médias – attendent la réponse. Et elle doit venir vite, avant que la tempête ne balaye tout.
Alors, prêt à passer l’épreuve du feu ? Rappelez-vous : “En communication de crise, le silence tue. Le mensonge achève. La transparence – même difficile – sauve.” À vous de choisir.