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Les entreprises gagnent à être responsables

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Cash Investigation accuse Coca-Cola, mal préparé, d’être un pollueur

Coca-Cola mis en apparence face à ses contradictions à cause d’une mauvaise anticipation de sa communication de crise. En janvier dernier, Coca-Cola assurait qu’il oeuvrait pour un « monde sans déchets » dès 2030. C’est en tout cas ce que promettait James Quincey. « Il faut tout faire pour favoriser le recyclage », déclarait mal à l’aise le président de Coca-Cola Company face à une Elise Lucet se comportant comme un procureur l’aurait fait dans une enceinte judiciaire. Des promesses dénuées de mise en pratique selon les journalistes de « Cash Investigation ». Dans son numéro, « Plastique : la grande intox », diffusé le mardi 11 septembre dernier sur France 2, Coca-Cola apparait en réalité opposé à l’augmentation de la collecte et du recyclage.

En effet, les équipes d’Élise Lucet ont trouvé une note de travail provenant du lobbying de Coca-Cola à Bruxelles. Elle détaille toutes les mesures souhaitées par l’Europe, dont l’augmentation des taux de collecte et de recyclage. Une mesure que Coca-Cola précise vouloir contre-attaquer. Afin que le groupe puisse s’exprimer sur cette note compromettante pour Coca-Cola, Élise Lucet a demandé des explications à Michael Goltzman, le vice-président de la firme qui a déployé une communication de crise inadaptée et peu convaincante n’arrivant pas à imposer ses messages face à l’animatrice accusatrice qui l’interrompant sans cesse coupait la diffusion de ses messages afin d’en limiter l’impact sur les téléspectateurs.

Communication de crise : la nécessité de prendre en compte les attentes de l’opinion publique et l’environnement informationnel

Après des ans consacrés à la « valeur actionnariale », les entreprises devront rendre compte de leur action en matière de « développement durable », c’est-à-dire faire la preuve qu’elles inscrivent leur croissance dans un cadre respectueux des personnes et de l’environnement. Une pratique « propre » des affaires s’accompagne le plus souvent de profits.

La responsabilité sociale et environnementale est un atout lors d’une communication de crise. La RSE crée par ailleurs de la valeur pour les actionnaires : c’est ce qu’affirment, comme Shell, toutes les entreprises engagées dans cette démarche. Au fil des ans et des études publiées sur le sujet, la réflexion sur cette question s’est affinée et l’argumentation s’est étoffée. Parmi ces études, on trouve notamment le Consortium Report : publié en 1999, ce rapport est la synthèse des réflexions menées durant plus d’un an par un groupe de travail international regroupant les PDG d’entreprises comme Deutsche Bank, Volvo, Monsanto ou Electrolux, justement pour prouver l’intérêt du développement durable dans une perspective de création et d’accroissement de valeur. Précisément intitulé Sustainable Strategies for Value Creation (Stratégies de développement durable pour créer de la valeur), le rapport conclut à l’existence de six effets vertueux des stratégies de développement durable ? une argumentation depuis reprise dans de nombreuses études sur le sujet.

Effet vertueux n°1 pour la gestion de crise et la communication de crise : permettre l’anticipation des contraintes et la prévention des risques. L’entreprise responsable est mieux armée face aux risques menaçant sa réputation et sa performance : risques sociaux, accidents industriels ou écologiques, changement brutal de réglementation, risques juridiques, grèves…

Effet vertueux n°2 pour la gestion de crise et la communication de crise : s’appuyer sur la réduction des coûts pour argumenter  La pollution ou les déchets sont en réalité des coûts qui ne correspondent pas à une valeur ajoutée pour les clients : les critères écologiques rejoignent les critères économiques. En limitant ses consommations de ressources naturelles non renouvelables (énergie, eau, papier, etc.), en réduisant sa production de déchets et en améliorant l’efficacité avec laquelle elle utilise les ressources, l’entreprise peut réaliser des économies substantielles (790 millions de dollars au total pour 3M entre 1973 et 1996 (…), 50 millions de dollars sur l’année 2000 pour STMicroelectronics…). Ajoutons que dans certains cas, cette stratégie se traduit par une réduction d’impôts (écotaxes) et des taux bancaires moins élevés.

Effet vertueux n°3 pour la gestion de crise et la communication de crise : mettre en scène l’innovation. La responsabilité sociale et environnementale conduit à porter un nouveau regard sur l’activité de l’entreprise : chaque contrainte est source d’opportunités potentielles, stimulant l’innovation et la créativité. Les produits évoluent (durabilité, réparabilité, technologies nouvelles) pour intégrer plus de qualité, plus de service et plus de valeur ajoutée pour les clients qui sont plus durablement fidèles. Et la nécessaire résolution des problèmes sociaux ou environnementaux entraîne l’apparition de nouveaux secteurs d’activité : ainsi, le seul marché des technologies de l’environnement est aujourd’hui estimé à 200 milliards de dollars et devrait tripler dans les années à venir.

Effet vertueux n°4 pour la gestion de crise et la communication de crise : valoriser l’avantage de marché, la différenciation et l’augmentation de la valeur de la marque. Cette stratégie permet de nourrir le positionnement de l’entreprise grâce à de nouveaux critères de différenciation (innovation dans les produits ou services, nouvelles relations avec les stakeholders fondées sur l’écoute et les valeurs partagées), ce qui augmente la valeur perçue de la marque.

Effet vertueux n°5 : protéger la réputation. L’amélioration durable de la réputation de l’entreprise et de la confiance que lui accordent ses publics est le résultat combiné des facteurs précédents. La licence to operate de l’entreprise est assurée, ce qui lui ouvre de nouvelles opportunités de développement (nouveaux pays, nouveaux marchés…) et augmente la motivation et la fidélité de l’ensemble de ses publics (actionnaires, salariés, clients, partenaires…).

Effet vertueux n°6 pour la gestion de crise et la communication de crise : mettre en avant la performance économique et financière. Ce point clé découle de manière logique des facteurs précédents (…).

La transition vers le développement durable semble désormais inéluctable, à terme, pour toutes les entreprises, dans tous les secteurs d’activité : certains n’hésitent pas à parler de changement de paradigme, voire de nouvelle révolution industrielle à propos de ce mouvement qui sort actuellement de l’ornière alternative où il était cantonné depuis les années 70.

Communication de crise: les politiques s’en mêlent !

Il est admis désormais que « les entreprises modèlent les valeurs collectives, influencent les politiques publiques, et sont l’outil principal de création de valeur économique et financière » : la façon dont elles se comportent au quotidien est donc essentielle sur bon nombre d’aspects de la vie locale et globale qu’il s’agisse des droits économiques et sociaux, des droits de l’Homme, de la paix et de la sécurité, du réchauffement climatique, de la santé des humains ou des animaux…

Et force est de reconnaître que même les ONG antimondialisation, de plus en plus activistes et militantes, multiplient les critiques virulentes et souvent pertinentes contre les grands groupes, ne parviennent pas à démontrer dans leur communication de crise qu’elles peuvent proposer une alternative crédible quand il s’agit de générer et de distribuer une richesse suffisante pour assurer une qualité de vie décente à la population mondiale.

De fait, le rôle des entreprises dans la société est en passe de devenir l’une des questions politiques les plus importantes du siècle qui commence. La nomination en 2001 par le gouvernement de Tony Blair, en Grande-Bretagne, d’un ministre délégué à la Responsabilité sociale des entreprises, Douglas Alexander, l’apparition de législations nationales sur ces sujets ou encore l’émergence des thèmes liés au développement durable dans la campagne présidentielle française de 2002 en sont la preuve.

C’EST DONC une véritable révolution culturelle que nous vivons actuellement, et dont nous mesurons chaque jour un peu plus combien elle va, au cours des trente prochaines années, bouleverser le monde de l’entreprise (…).

Nous avons aujourd’hui l’opportunité et la possibilité de créer une économie fondamentalement différente, un système industriel et commercial qui soit capable de restaurer les écosystèmes et de protéger l’environnement tout en stimulant l’innovation, la prospérité, la sécurité et le sens du travail de chacun. L’entreprise est la seule institution du monde moderne qui soit assez puissante et créative pour mettre en oeuvre les changements nécessaires. Et de toute façon, il en va de son avenir… Au point qu’il est très possible que nous nous soyons trompés de question, tout au long de ces années où les écologistes s’opposaient aux chefs d’entreprise en demandant :  » Comment sauver la planète ?  » Bonne nouvelle : en répondant à cette question, le développement durable nous aide aussi à répondre à la question :  » Comment sauver l’entreprise ?  »

Car si la première vague d’entreprises  » engagées  » puisait sa motivation dans l’esprit visionnaire et militant de ses dirigeants, l’engouement actuel des grands groupes pour le développement durable repose avant tout sur une anticipation réaliste des contraintes qui se manifestent de manière croissante. Les nouveaux impératifs écologiques, sociaux, politiques ou économiques créent une sorte d’entonnoir qui réduit considérablement la marge de manoeuvre des entreprises : une entreprise qui n’anticipe pas ces impératifs et ne se comporte que de manière réactive risque fort d’être confrontée à une crise qui l’oblige à infléchir sa stratégie dans l’urgence.

L’expérience fondatrice de Shell

La crise peut surgir sans prévenir pour l’entreprise qui n’intègre pas les considérations sociales ou environnementales sur le « radar » avec lequel elle oriente sa stratégie. Elle peut très basiquement être liée à la pénurie d’une ressource naturelle essentielle à l’activité de l’entreprise : la déforestation accélérée dans le monde affecte ainsi très logiquement les perspectives d’avenir d’entreprises aussi variées que le géant mondial du meuble en kit Ikea ou Decospan, leader européen des produits de placage en bois ; de même, l’épuisement à plus ou moins court terme des stocks mondiaux d’espèces marines comme le cabillaud menace directement l’activité d’une entreprise comme Unilever, leader mondial des filets de poissons congelés, qui travaille (…) à anticiper et prévenir ce risque.

Dans certains cas, la crise naît d’une conjonction malheureuse de difficultés, comme l’illustre à nouveau l’expérience de Shell dés 1995, année où le groupe doit faire front à la fois sur le plan environnemental et sur le plan social. L’opinion publique internationale mobilisée contre le groupe, l’organisation d’une campagne de boycott massive et l’apparition de sérieux problèmes de ressources humaines (difficultés de recrutement des cadres de haut niveau, harcèlement des salariés…) conduisent alors Shell comme Volkswagen plus tard face à une crise à opérer un virage stratégique radical : le groupe s’engage publiquement sur une stratégie de développement durable, redéfinit en conséquence son domaine d’activité (la fourniture de solutions énergétiques plutôt que de pétrole stricto sensu), accroît ses investissements dans les énergies renouvelables avec Shell Renewables, et renforce ses politiques en matière de droits humains, d’environnement, de lutte contre la corruption ou de dialogue avec les stakeholders. Dés 1997, il se dote pour la première fois d’un rapport de développement durable,  » People, Planet, Profits « , qui fait depuis référence en la matière (…) ;

L’exemple de Shell le montre : du fait de la concentration des capitaux et des marques mais aussi de l’essor d’Internet ou du développement de réseaux militants internationaux capables de mobiliser rapidement les médias, une crise environnementale ou sociale peut assez vite dégénérer en crise d’image affectant la réputation et le capital confiance de l’entreprise auprès de tous ses publics salariés, actionnaires, clients, etc. Et force est de reconnaître qu’en l’absence d’une approche de développement durable, les grands groupes sont encore mal préparés à ces crises : bien souvent, les dirigeants considèrent que la responsabilité de l’entreprise se limite au cadre légal et sont assez peu disposés à répondre de leurs actes devant l’opinion publique.

« Ce décalage est à l’origine de communication de crise peu adaptées, menées à coups d’arguments rationnels, sans prendre en compte l’émotion exprimée par le public. » affirme Florian Silnicki, Expert en communication de crise et fondateur de l’agence LaFrenchCom.

Ainsi, Total argumentait sur son absence de responsabilité légale après le naufrage de l’Erika quand l’opinion attendait une reconnaissance de la gravité de la situation et un engagement de réparation des dégâts écologiques ; de même, Monsanto tentait de persuader le consommateur européen des bienfaits des organismes génétiquement modifiés alors que l’opinion exprimait sa volonté de pouvoir choisir en connaissance de cause et sa crainte face à des changements irréversibles.

Le leader ne doit pas décevoir

Il est vrai aussi que le risque d’une crise de réputation varie selon la taille de l’entreprise et son secteur d’activité. Les ONG, principales initiatrices de ces scandales médiatiques, choisissent surtout pour cibles les entreprises leaders. Comme le souligne Daniel Richard, président du WWF France :  » Le leader ne doit pas décevoir  » et il a ensuite la capacité d’entraîner à sa suite toute son industrie. De plus, les ONG se concentrent encore sur les secteurs sensibles. C’est pourquoi, notamment, les groupes internationaux les plus innovants en matière de développement durable appartiennent paradoxalement aux secteurs les plus problématiques : Novo dans les biotechnologies, Shell dans l’industrie pétrolière ou encore Ford dans l’automobile.

POURTANT, à terme, tous les secteurs sont concernés : les centres d’intérêt des associations évoluent rapidement et les critiques pointues portées par une poignée d’activistes durant des années sont maintenant susceptibles d’être reprises du jour au lendemain par les médias et le grand public. L’évolution de la problématique du respect des droits de l’homme est à ce titre édifiante : d’année en année elle gagne tous les secteurs, depuis ceux traditionnellement accusés de rechercher à tout prix les coûts les plus bas (comme le textile, les jouets ou les chaussures de sport) jusqu’à des secteurs historiquement perçus comme non concernés par le sujet et que l’on découvre désormais directement ou indirectement concernés (comme les composants électroniques ou la banque), en passant par ceux qui utilisent comme matière première des ressources naturelles présentes dans les pays du Sud (comme le café, le chocolat, les bananes ou le pétrole).

Pour prévenir les risques, une seule alternative s’offre aux entreprises : adopter une stratégie proactive et développer des outils de veille permettant d’anticiper les contraintes sociales ou environnementales nouvelles afin d’affiner une gestion de crise et une communication de crise qui permettent d’empêcher que la crise abiment durablement la valorisation de votre entreprise, de ses marques, de ses services et produits.

Pour piloter leur stratégie dans cet environnement rapidement évolutif et de plus en plus complexe, les entreprises ont besoin d’une nouvelle boussole. Parce qu’il aide l’entreprise à élargir son champ de vision pour intégrer les considérations sociales et environnementales sur son  » radar  » stratégique mais aussi parce qu’il privilégie le dialogue permanent avec les parties prenantes sur leurs attentes vis-à-vis de l’entreprise, le développement durable est sans doute le cadre idéal pour devancer les contraintes. Ce qui reste la meilleure façon de ne pas les subir et même, si possible, de les transformer en autant d’opportunités nouvelles…