Étude de cas : comment communiquer dans une affaire de harcèlement sexuel ?
Les comportements agressifs et manipulateurs doivent être gérés de manière constructive, radicale et très rapide. Plus une entreprise intervient rapidement, avec compassion et bon sens, plus le problème sera érable affirme Florian Silnicki, expert en communication de crise et fondateur de l’agence LaFrenchCom. Le harcèlement sexuel est un comportement prédateur répété. Le harceleur profite du fait que bien souvent les victimes gardent le silence et souffrent dans leur coin. Plus ce genre de comportements se produit dans une entreprise, plus il y aura des témoins – la plupart se taisent et deviennent alors complices.
L’entreprise victime de la crise de communication
L’entreprise XYZ emploie 140 000 employés et a des bureaux aux États-Unis, au Canada et dans de nombreux pays du monde. Elle vend des produits d’assurance auprès des entreprises et des particuliers. Son budget pour la communication, la publicité et les relations presse dépasse les 10 millions de dollars par an.
La crise de communication
Son service juridique a été informé que Karen, une ancienne employée, allait déposer plainte pour harcèlement sexuel contre Mark, l’actuel PDG, dans les 48 heures. Karen affirmait qu’elle avait été forcée de voyager et cohabiter avec Mark pour garder son emploi. L’intérêt que Mark portait à Karen et son comportement clairement inapproprié devant les autres était loin d’être un secret, la blague parmi les dirigeants était que « ça doit lui plaire puisqu’elle ne fait rien ».
Les complexités de la crise de communication
Selon la première version de la plainte au civil, Karen demandait des dédommagements pour les frais juridiques et des dommages-intérêts. Les accusations et descriptions choquantes et salaces des humiliations qu’elle avait endurées sur le lieu de travail risquaient de donner lieu à une publicité très négative pour l’entreprise. Compte tenu du fait que le secteur des assurances est surveillé par de nombreuses organisations, analystes et autres commentateurs, cette situation pouvait devenir explosive.
L’approche adoptée pour gérer cette crise
Pour gérer la situation, l’entreprise disposait de trois options.
Option un : ne rien faire, si ce n’est se préparer au procès qui se profilait à l’horizon. La tactique du service de communication aurait consisté à nier les charges portées contre l’entreprise et de faire peu de commentaires.
- « Nous considérons ces charges comme infondées et l’expression du mécontentement d’une ancienne employée. Nous gagnerons ce procès. »
- « Nous ne savons pas de quoi elle parle et nous ne pouvons pas en dire davantage, car l’affaire est en procès. »
Option deux : se préparer au procès et à la publicité qui allait en découler, enquêter sur les faits, éviter de faire la moindre déclaration et empêcher l’utilisation d’informations lors des étapes préliminaires au procès. Se préparer à discréditer la plaignante si nécessaire, mais surtout lors du procès.
Option trois : scinder l’équipe juridique en deux, chaque groupe travaillant soit sur le procès, soit sur un accord. Envoyer l’équipe chargée d’un accord pour qu’elle approche la plaignante, si possible avant que la plainte soit déposée. Essayer de négocier un accord dès que possible. Les tribunaux soutiennent généralement tous les efforts sérieux d’accord à tout moment du procès.
Le point culminant de la crise
L’entreprise nous a demandé conseil trop tard, après avoir opté pour la deuxième solution, c’est-à-dire une stratégie agressive visant à discréditer la victime, Karen. Une fois un des juristes nommé comme porte-parole, l’entreprise s’est très peu exprimée. Les juristes ont argumenté vigoureusement contre tout accord, affirmant que Mark aurait l’air d’être un faible. Nous avons été exclu des réunions d’élaboration de stratégies juridiques après avoir exprimé notre désaccord. Nous avons recommandé le renvoi de Mark, mais il a été maintenu à son poste de PDG, et suspendu à la dernière minute, juste avant le début du procès.
Le procès s’est très mal passé pour l’entreprise XYZ. Karen était crédible et a inspiré la compassion. Le harcèlement auquel les avocats de la défense l’ont soumis n’a fait qu’empirer les choses. Mark a maintenu son innocence tout au long du procès, avec le soutien de ses pairs et collègues. Il a fini par quitter l’entreprise avec une indemnité importante, et est allé travailler pour une startup de la Silicon Valley.
Quant à Karen, elle avait été agressée de manière répétée par Mark, qui avait abusé de sa position de force pour profiter d’une employée, pendant que ses copains observaient sans rien faire. Nous doutons que la moindre journée de procès ait aidé Karen à se remettre de cette épreuve, mais peut-être cela a-t-il constitué un début.
Leçons tirées
L’entreprise XYZ semble avoir tiré peu d’enseignements de cette expérience et la culture de l’entreprise, faite d’insensibilité envers les femmes, est toujours la même. Le procès et les accusations d’actes répréhensibles sont traités comme une simple conséquence malheureuse du fait d’exercer une activité commerciale.
Conclusions
Bien que la société d’assurance ait semblé avoir tiré peu de leçons, ce scénario est riche d’enseignements :
- Sauf à certaines occasions, il vaut généralement mieux initier immédiatement des pourparlers pour trouver un accord. Notre philosophie est que le montant du chèque que vous remplissez aujourd’hui est le plus faible que vous aurez jamais à remplir pour ce problème.
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- Les personnes accusées de ces comportements, quel que soit leur niveau de responsabilité, doivent être suspendues, voire de préférence congédiées. Le renvoi est un signal puissant envers les victimes, les autres employés et le public, indiquant que vous prenez très au sérieux la situation et voulez prévenir ce genre de comportements. Bien sûr, on peut dire qu’il y a un risque d’être poursuivi pour renvoi injustifié. Cependant, ces poursuites donneraient lieu à des discussions sur les motifs du renvoi et la plupart des harceleurs y réfléchissent donc à deux fois.