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Gestion de crise Avionique

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Au cœur de la tempête : immersion chez LaFrenchCom, pompiers de l’aéronautique

Jour 1 : Le calme avant la tempête

07h30, Paris. Derrière une façade parisienne élégante de la rue La Boétie se cache le QG de LaFrenchCom, l’agence réputée pour éteindre les incendies médiatiques de l’industrie aéronautique. J’y pénètre un lundi matin, accueilli par l’odeur du café fort et l’éclairage cru des écrans de veille stratégiques. Sur les murs, des écrans diffusent en continu les chaînes d’info et les flux Twitter du secteur. « Ici, on dort avec un œil ouvert », me lance d’emblée Julien Auffret, directeur général, poignée de main ferme et regard perçant. Le ton est cash : pas de mondanités inutiles. Chez LaFrenchCom, on est sur le pont 24h/24, prêt à décoller au moindre signal d’alarme.

08h00. Autour de la grande table de la cellule de crise, l’équipe de consultants en gestion de crise se réunit pour le brief quotidien. On croirait un état-major militaire : jargon technique, abréviations fusent. Sophie, ancienne ingénieure avionique reconvertie dans la com de crise, passe en revue les alertes du week-end : « Rien à signaler de critique pour nos clients, juste une rumeur de retard sur le nouveau turbopropulseur de Safir Aerospace. On a préparé une réponse proactive au cas où. » À ses côtés, Marc, ex-journaliste spécialisé en transport aérien, commente les gros titres du jour. On parle « AD » et directives de navigabilité émanant de l’EASA, de procédures d’urgence testées sur simulateur, d’un mouvement social latent chez un constructeur. Le vocabulaire est truffé de termes que seuls des initiés comprennent, mais je m’accroche. On me traduit rapidement : une AD est une consigne de sécurité qui peut clouer au sol une flotte entière si un défaut est découvert. Ici, tout le monde parle couramment la langue de l’aéro et de la crise. Après un premier exercice de crise d’ampleur réussi, un leader mondial de l’avionique a confié à l’agence de gestion de crise, l’accompagnement de la définition, la conception et l’animation d’exercices de crise et PCA pour ses entités.

10h00. Premier baptême du feu (mineur) pour moi : un client, équipementier avionique, appelle affolé car un blog tech vient de publier un billet alarmiste sur une possible faille dans son logiciel de bord. L’équipe ne panique pas. « On connaît le journaliste, il exagère toujours », soupire Marc. En quelques minutes, LaFrenchCom élabore un plan de riposte : appel direct au rédacteur en chef pour clarifier les faits techniques, communiqué de presse prêt à partir pour rassurer les clients du client. Je les observe calibrer chaque mot, ni minimisant la faille, ni alimentant la peur : « Nous sommes au courant d’une vulnérabilité potentielle, un correctif est en cours d’implémentation, la sécurité des appareils n’est pas compromise ». Jargon technique à l’appui pour être pris au sérieux par le milieu, mais clarté rassurante pour le grand public. Rigueur et précision absolues : chaque phrase est vérifiée par l’ingénieure de l’équipe pour éviter la moindre erreur factuelle. Le communiqué part, la crise avortée dans l’œuf. « Juste une journée normale » me glisse Sophie dans un clin d’œil.

15h00. Entre deux dossiers, Sylvain me fait faire le tour des locaux. Une salle est consacrée à la cartographie des risques : au mur, un gigantesque tableau où sont listés tous les scénarios noirs imaginables pour leurs clients du secteur aéronautique. De « crash en vol » à « cyberattaque paralysant le contrôle aérien », en passant par « scandale de corruption sur un contrat de défense », tout y est. « On anticipe le pire pour mieux s’y préparer. Chaque risque a son plan de com’ de crise associé » explique Sylvain. Ils me montrent même un classeur “Plan d’Urgence” élaboré pour une grande compagnie aérienne : dedans, des check-lists, des brouillons de communiqués pré-écrits pour un accident, un détournement, une panne géante… C’est à la fois impressionnant et effrayant. « Le but, c’est que rien ne nous prenne de court » ajoute-t-il gravement. Depuis le crash du vol SR111 de Swissair en 1998, me rappelle-t-il, toute l’industrie sait qu’aucune compagnie n’est à l’abri et qu’une communication maîtrisée est vitale dès les premières heures. Ici, on s’entraîne régulièrement via des exercices de simulation de crise, un peu comme des manœuvres pour pompiers du ciel.

Justement, l’équipe prépare pour le lendemain un exercice grandeur nature avec un client – une compagnie régionale – pour tester leur plan de crise. « Scénario : atterrissage d’urgence d’un de leurs appareils sur un aéroport africain, fumée en cabine, médias locaux hostiles… » me confie Marc, sourire en coin. Ironie du sort ou pressentiment ? Je n’imagine pas à quel point ce que je vais vivre le lendemain dépassera la fiction.

18h30. La journée s’achève calmement, chacun termine de boucler ses notes. En quittant les bureaux de LaFrenchCom ce soir-là, je ressens déjà l’adrénaline qui imprègne ce lieu. “Le calme avant la tempête”, avait dit Sylvain en me serrant la main ce matin. Sur le moment, j’avais pris ça pour une simple expression. J’allais découvrir qu’il parlait littéralement.

Jour 2 : Alerte en plein vol

06h15. L’alerte nous réveille tous en sursaut. Mon téléphone vibre frénétiquement : un message de Sylvain sur le groupe WhatsApp interne de l’agence, trois mots en majuscules « URGENCE CLIENT AVIATION ». J’attrape un taxi en vitesse. Pas besoin de plus d’explications, je fonce aux bureaux encore embrumés par la nuit. En route, je parcours fébrilement les notifications : un avion de la compagnie Air Horizon, l’un des clients majeurs de LaFrenchCom, serait en difficulté. Les premières infos tombent sur Twitter : « Vol AH123 — Mayday en cours, retour d’urgence à Roissy, explosion moteur rapportée ». Mon cœur s’emballe. Un réacteur en feu en plein ciel au petit matin, 180 passagers à bord… Le cauchemar absolu pour une compagnie aérienne.

06h45. Dans la salle de crise de LaFrenchCom, l’équipe est déjà au complet, visages fermés mais déterminés. Sur le grand écran central, les chaînes d’info continues commencent à évoquer « un possible accident aérien ». Tout va très vite, trop vite. « On est en phase d’urgence absolue«  annonce d’entrée Sylvain d’une voix posée mais ferme. Chacun connaît sa partition : la routine d’exercice répétée des dizaines de fois s’active pour de bon.

  • Sophie, l’ex-ingénieure, est en ligne avec le directeur des opérations d’Air Horizon pour recueillir les faits bruts : Numéro de vol, type d’appareil, déroulé des événements. Elle note tout sur un tableau blanc avec une précision chirurgicale : « Vol AH123, Airbus A320neo, décollage 06h05, alerte incendie moteur droit à 06h10, demi-tour immédiat, atterrissage d’urgence prévu 06h45. » Les données se mettent à jour minute par minute.

  • Marc, l’ex-journaliste, surveille les médias et réseaux sociaux. « Les médias indonésiens parlent d’une explosion en vol… Des débris seraient tombés près d’un village. » Twitter s’emballe : déjà des photos floues circulent, montrant ce qui ressemble à un morceau de carlingue marqué du logo d’Air Horizon. « On a du breaking news partout, certains parlent déjà de crash… » dit-il en pianotant pour éteindre les débuts de rumeurs. Son écran affiche un Reuters flash ambigu : « Un Airbus A320 se serait écrasé près de Paris ». « Faux, l’avion n’est pas crashé, il tente de revenir » grogne-t-il en rédigeant un tweet correctif sur le compte d’Air Horizon que l’agence gère aussi en temps de crise.

  • Chloé, experte en communication digitale de crise, a lancé une veille en temps réel : elle scrute les hashtags, les posts de passagers éventuels. « J’ai quelque chose : un passager à bord live-tweete depuis la cabine, vidéo à l’appui. » Sur son écran, on voit en effet une courte vidéo filmée à travers un hublot : une lueur orangée sur l’aile, et la légende « Moteur en feu, on retourne atterrissage d’urgence ». Cette publication a déjà des milliers de retweets. « La nouvelle est publique, on n’a même plus une minute d’avance sur les infos » constate-t-elle. Bienvenue en 2025 : la moindre seconde compte. La Golden Hour des manuels de crise (cette fameuse première heure pour réagir) est réduite à 15 minutes en trending topic.

  • Sylvain, lui, est en contact direct avec la direction d’Air Horizon. Le PDG de la compagnie est déjà en route vers la cellule de crise de l’aéroport, affolé. Sylvain le guide d’une voix rassurante : « Ne communiquez rien de votre côté pour l’instant, concentrez-vous sur vos passagers et équipages. On prend en main la partie média, on vous envoie un holding statement dans 5 minutes pour validation. » Il raccroche et se tourne vers Alice, la plume de l’agence, spécialiste des communiqués délicats.

07h00. Objet volant identifié : l’avion s’est posé en catastrophe à Roissy Charles-de-Gaulle. Soulagement — il y a de la fumée mais pas d’explosion au sol. Les pompiers de l’aéroport interviennent. En salle de crise, on obtient les premières confirmations : « Atterrissage d’urgence réussi, tous les passagers évacués par les toboggans. Quelques blessés légers lors de l’évacuation, rien de critique. » Un bref silence de soulagement parcourt la pièce. Mais pas le temps de respirer : maintenant commence la vraie bataille de communication.

07h05. Alice lit à voix haute le communiqué initial qu’elle vient de boucler à une vitesse éclair, relu par Sophie pour la technique et Sylvain pour le ton :

« Air Horizon confirme qu’un de ses vols a rencontré un incident technique peu après son décollage ce matin. L’équipage a appliqué les procédures d’urgence et l’avion a atterri en toute sécurité à l’aéroport de Roissy-CDG. Les passagers ont été pris en charge ; aucune victime grave n’est à déplorer. La compagnie salue le sang-froid de l’équipage et la réactivité des services de secours. Une enquête est en cours pour déterminer les causes de l’incident. »

Pas un mot de trop, factuel, rassurant sans spéculer. Le choix des termes est millimétré : on parle d’ »incident technique » (pas d’explosion ni d’accident pour l’instant, tant que ce n’est pas confirmé), on souligne la maîtrise de la situation et la sécurité des passagers. « Validé, on envoie sur les fils d’AFP et sur tous les réseaux sociaux officiels » tranche Sylvain. Immédiatement, Chloé poste le communiqué sur le compte Twitter et LinkedIn d’Air Horizon, tandis que Marc l’envoie aux médias par email.

07h15. Le téléphone rouge (oui, ils ont littéralement une ligne dédiée rouge vif) n’arrête pas de sonner : toutes les rédactions cherchent à joindre quelqu’un. Journalistes radio, TV, presse, tous veulent des infos, une réaction, une interview. Plan de bataille médias : Marc dresse en quelques secondes une liste des médias prioritaires à rappeler pour qu’ils aient la position officielle. « BFM, AFP, Le Monde, Reuters, FlightGlobal… on doit leur parler dans les 10 minutes. » Sylvain répartit les appels au sein de l’équipe. Ça décroche dans tous les sens : « Oui bonjour, je vous confirme le communiqué… Non, nous ne spéculerons pas sur la cause pour le moment… La priorité est aux passagers… » La discipline du message est respectée à la lettre. Pas question qu’une phrase malheureuse dite sous la pression ne vienne contredire le communiqué. Ici, chaque mot engage l’entreprise.

07h45. L’effet du communiqué se fait sentir : les chaînes d’info relaient “pas de blessé grave”, les bandeaux passent de « Crash d’un Airbus » (erroné) à « Atterrissage d’urgence réussi ». Un cadre d’Air Horizon, coaché en direct par LaFrenchCom via oreillette, répond rapidement à quelques questions à chaud sur BFM TV, en répétant nos éléments de langage. La priorité de la matinée est atteinte : reprendre la main sur le récit avant que la machine à fantasmes ne s’emballe. « On a évité la panique médiatique » souffle Marc dont les épaules se détendent légèrement.

09h30. À l’aéroport, la situation opérationnelle se stabilise : passagers indemnes, juste une grosse frayeur. Mais pour l’équipe comm, c’est loin d’être fini. Déjà, de nouvelles questions sensibles émergent : Quelle est la cause de l’avarie moteur ? Y a-t-il un risque pour les autres avions de la flotte ? Les experts techniques inspectent l’appareil sur le tarmac fumant. Sophie est en ligne constante avec le directeur technique d’Air Horizon : « Vous pensez à un bird strike ? Des oiseaux aspirés dans le réacteur ? » Elle reformule pour l’équipe : un impact aviaire est suspecté, mais rien de sûr. Autre hypothèse : une pièce défectueuse du moteur. « Si c’est un défaut, Rolls-Royce (le motoriste) sera mis en cause. On doit préparer un message dans ce sens aussi. » LaFrenchCom doit anticiper tous les scénarios : l’oiseau imprévu ou la défaillance industrielle aux lourdes conséquences.

Sur le tableau blanc, Sophie dessine en deux colonnes les axes possibles de communication selon la cause de l’incident :

  • Cause externe (bird strike ou débris) : souligner le caractère imprévisible malgré les radars ornithologiques, insister sur la robustesse de l’appareil qui a résisté et la formation de l’équipage.
  • Cause technique interne (panne moteur) : mettre en avant la coopération avec le constructeur pour vérifier toute la flotte, transparence totale, et éventuellement rappeler que la maintenance de la compagnie est irréprochable pour ne pas alimenter de soupçons de négligence.

10h15. Nouvelle réunion éclair autour de la table. Décisions critiques à prendre : Air Horizon doit-elle clouer au sol provisoirement ses A320neo par précaution en attendant d’en savoir plus ? C’est une décision lourde qui appartient à la compagnie et aux autorités, pas à l’agence, mais la communication autour de cette décision est cruciale. Sylvain et l’équipe conseillent le client au téléphone : « Si vous laissez vos avions voler sans savoir, l’opinion vous accusera de jouer avec la sécurité. Il vaut mieux annoncer vous-même une vérification de la flotte, même si ça perturbe vos vols. Mieux vaut encaisser un coût opérationnel qu’un désastre réputationnel. » Ton direct, sans détour. Le PDG hésite quelques secondes, puis opine. Quelques minutes plus tard, Air Horizon annonce officiellement la suspension temporaire des vols de son A320neo tant que l’enquête n’a pas avancé. C’est un coup dur financier, mais un point marqué en image : la sécurité avant tout.

12h30. À la mi-journée, la presse a repris cette décision avec des titres plutôt positifs du style « Air Horizon immobilise ses avions par précaution ». Sur les réseaux, beaucoup de messages de passagers qui devaient voler ce jour râlent des retards, mais la plupart comprennent et saluent la prudence. LaFrenchCom orchestre des réponses personnalisées sur Twitter pour la compagnie : empathie avec les voyageurs bloqués, mais fermeté sur l’absolue nécessité de sécurité. « On a l’opinion avec nous sur ce coup, ne gâchons pas cet avantage » rappelle Chloé en surveillant les likes et retweets.

15h00. L’ambiance reste électrique, la crise est loin d’être finie, mais une forme de contrôle est reprise. J’assiste à une scène qui en dit long : dans un coin, Sylvain prend un instant pour téléphoner à un confrère d’une autre agence, qui gère la communication du motoriste impliqué. « Qu’est-ce que vous comptez dire, vous ? » échange-t-il à voix basse. En temps de crise aéronautique, tout l’écosystème est connecté. Ici, les pros de la com se parlent en coulisses pour éviter de se contredire. Quelques clins d’œil et poignées de main virtuelles plus tard, ils s’accordent sur un principe : ne pas se rejeter la faute dans la presse tant que les causes ne sont pas établies. Coordination délicate mais nécessaire entre constructeur et compagnie, orchestrée par leurs conseillers respectifs.

18h00. Cela fait plus de 12 heures que l’équipe carbure non-stop. La fatigue tiraille les visages, mais l’attention ne faiblit pas. Un update tombe : le BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses) annonce l’ouverture d’une enquête technique et envoie une équipe sur place pour examiner l’avion et les boîtes noires. Immédiatement, LaFrenchCom conseille à Air Horizon de se féliciter publiquement de cette enquête indépendante: transparence totale. « La compagnie coopérera pleinement avec le BEA » – une phrase ajoutée dans le communiqué de soirée.

Alors que la nuit tombe, l’équipe se relaie pour manger un morceau à tour de rôle sans quitter des yeux les écrans. Impossible de décrocher : un journal du soir pourrait sortir une “info” non vérifiée, un témoin pourrait raconter n’importe quoi à une radio. Chaque membre de l’agence reste sur le qui-vive. Je les entends plaisanter pour tenir le coup : « On dormira quand on sera à la retraite » lance Marc en avalant une énième tasse de café. Derrière l’humour, la fierté pointe : jusqu’ici, ils ont réussi à éviter le pire – le narratif de chaos incontrôlé.

23h00. Avant de fermer les paupières quelques heures sur un canapé du bureau improvisé en couchette, j’observe Sylvain rédiger un dernier mail au client récapitulant la journée folle qu’on vient de vivre. Le silence retombe un peu. Dans un angle, la télévision continue de diffuser en boucle les images de l’avion immobilisé sur le tarmac éclairé de projecteurs. Quelle journée. Et pourtant, dès demain à l’aube, il faudra remettre ça, encore et encore, jusqu’à complète extinction de l’incendie médiatique.

Jour 3 : Dans l’œil du cyclone

06h30. L’aurore à peine levée, les téléphones sonnent de nouveau. LaFrenchCom et l’équipe d’Air Horizon ont programmé une conférence téléphonique matinale pour ajuster la stratégie du jour. Les nouvelles sont mitigées : d’un côté, aucun décès à déplorer et des passagers sains et saufs – un happy ending relatif qui commence à être souligné dans certains médias. D’un autre côté, la question « Comment cela a pu arriver ? » enfle dans l’opinion. L’œil du cyclone n’est pas le moment de relâcher la pression : c’est souvent là que tout se joue, quand le soufflé médiatique peut soit retomber, soit exploser en orage d’indignation.

08h00. Dans la salle de réunion devenue poste de commandement, l’équipe de LaFrenchCom accueille ce matin deux représentants d’Air Horizon venus participer directement à la cellule de crise : la directrice de la communication interne et le responsable technique de la compagnie. Cette co-gestion sur le terrain est précieuse pour centraliser l’info et décider vite. Je constate l’aisance avec laquelle les consultants de LaFrenchCom travaillent main dans la main avec les cadres de l’entreprise cliente, presque en symbiose. On croirait une seule et même équipe, soudée par l’urgence. Pas le temps pour l’ego ou les silos : la frontière agence/client s’estompe totalement dans l’action.

Autour de la table, le debrief de la nuit :

  • Couverture médiatique : Marc résume les retombées médias. « Globalement, la presse salue la gestion de l’incident. La gestion des enjeux sensibles a atteint ses objectifs. Les témoignages de passagers soulagés font la Une du 20 Minutes et du Parisien ce matin. » Il fait circuler des coupures : « Plus de peur que de mal sur le vol Air Horizon », titre l’un. Certains articles soulignent même le sang-froid du commandant de bord et la communication réactive de la compagnie dès les premières minutes. Bon point. « En revanche, MédiAero creuse la piste de la maintenance : ils rappellent qu’un autre appareil avait eu un souci moteur mineur le mois dernier… » La remarque fait froncer les sourcils. Effectivement, un blog spécialisé ressort des archives qu’un avion du même modèle avait dû revenir au parking pour un capteur défectueux il y a quelques semaines. Rien de commun a priori, mais la suspicion sème ses graines.
  • Réseaux sociaux : Chloé indique que si l’émotion prédomine (soutien aux passagers, admiration pour l’équipage), un courant de commentaires commence à pointer du doigt la compagnie : « Air Horizon a-t-elle sacrifié la maintenance pour la rentabilité ? ». C’est minoritaire mais cela suffit à influencer l’angle de certains journalistes plus agressifs.
  • Point technique : Le responsable maintenance d’Air Horizon, lui, donne les dernières infos factuelles. « Le réacteur endommagé a été démonté cette nuit. Visuellement, on penche vers un échappement de pièces interne. » (En clair, une partie du moteur s’est disloquée en vol – scénario potentiellement imputable à un défaut technique.) Il ajoute : « On attend l’analyse métallurgique, mais si c’est ce qu’on pense, c’est possiblement un problème sur un lot de pièces du moteur X. » Le silence se fait. Chacun comprend l’enjeu : si un défaut de fabrication est confirmé, cela mettrait en cause le motoriste et toucherait potentiellement toutes les compagnies utilisant ce moteur. La crise locale peut se transformer en crise industrielle globale.

09h30. Face à ces perspectives, Sylvain reprend la main et organise la suite : « Ok, plan d’action du jour, on a plusieurs chantiers. » Sur le tableau, il énumère d’une écriture nerveuse :

  1. Médias : Préparer un point presse officiel en fin de matinée. Il faut donner plus d’informations pour montrer que la compagnie ne cache rien. Transparence proactive. L’idéal serait que le PDG d’Air Horizon s’exprime publiquement aujourd’hui, ne serait-ce que pour quelques minutes devant les caméras, afin de marquer les esprits.
  2. Message-clé technique : Expliquer au public la notion de sécurité aérienne et d’enquête en cours. Redire que les avions restent au sol par précaution, et que chaque appareil va être inspecté. Rassurer : « Si un problème est identifié, il sera corrigé avant remise en service ». Ici Sophie et le responsable technique collaborent pour vulgariser intelligemment des détails sans jargon excessif.
  3. Éléments de langage sensibles : Aborder la question de la maintenance sans esquiver. Marteler que l’appareil était à jour de toutes ses visites techniques. Fournir des chiffres concrets : « Cet avion avait été inspecté il y a 3 jours, 0 anomalie signalée ». LaFrenchCom insiste : il faut prendre les devants sur ce sujet pour couper l’herbe sous le pied des critiques.
  4. Préparation du PDG : Organiser en parallèle une session de media training expresse avec le PDG avant son allocution. Il doit être prêt aux questions pièges : « Est-ce que vos économies de coûts ont mené à cet incident ? Êtes-vous sûr que vos avions sont sûrs ? » On liste toutes les questions dures et on y prépare des réponses sincères mais maîtrisées.
  5. Parties prenantes externes : Contacter en amont les autorités (DGAC, BEA, ministère des Transports) et les partenaires industriels (le motoriste en particulier) pour les informer de ce qui sera dit, afin d’éviter toute contradiction publique. C’est de la diplomatie de crise.

11h00. Sous la houlette de LaFrenchCom, tout s’enchaîne. Dans une salle improvisée en studio, je vois le PDG d’Air Horizon, cernes visibles mais costume impeccable, répéter ses messages face à Marc qui joue le journaliste acerbe. « Regardez-moi, assumez le regard, même quand la question est agressive », conseille Marc. « Dites nous prenons nos responsabilités, pas ce n’est pas notre faute, c’est important. » Le dirigeant hoche la tête, répète : « La sécurité a toujours été notre priorité. Nous collaborons pleinement avec les enquêteurs. Nous assumons nos responsabilités et ferons tout pour regagner la confiance. » On affine chaque formule. C’est fascinant de voir ce coaching presque théâtral, où l’intonation compte autant que le fond. « Encore une fois, sans lire vos notes. » Le PDG s’exécute, gagne en assurance. Rigueur et sang-froid, martelés par l’équipe jusqu’à la dernière minute.

Pendant ce temps, Sylvain et Alice finalisent le communiqué de presse détaillé qui sera distribué aux médias lors du point presse. On y inclut un FAQ technique préparé par Sophie pour répondre aux questions attendues : nombre de cycles du moteur, date du dernier contrôle, etc. C’est un vrai document de référence, fruit d’une précision documentaire exemplaire. « S’ils veulent des détails, on les a. Si on ne les donne pas, ils croiront qu’on cache quelque chose » explique Alice en alignant les chiffres et les faits vérifiés trois fois.

12h30. Point presse à Roissy. J’accompagne l’équipe sur le terrain, aux côtés du staff d’Air Horizon. Dans une salle réquisitionnée de l’aérogare, une forêt de micros et de caméras attend l’arrivée du PDG. LaFrenchCom est en retrait dans la pièce, tel un souffleur de théâtre prêt derrière le rideau. Le PDG prend place devant le pupitre, flanqué du directeur technique et d’un représentant de l’autorité aéronautique. Il lit une déclaration préparée conjointement avec Sylvain, d’un ton grave et direct :

“Ce matin, j’ai tenu à m’adresser à vous directement. Nos passagers ont vécu hier un événement rare et terrifiant, et je mesure l’angoisse qu’ils ont traversée. Au nom d’Air Horizon, je tiens d’abord à leur présenter nos excuses pour cette frayeur et à saluer leur calme exemplaire. Je veux aussi exprimer ma profonde gratitude envers l’équipage, dont le professionnalisme a sauvé des vies, ainsi qu’envers les secours. La sécurité de nos passagers a toujours été et restera notre priorité absolue. C’est pourquoi j’ai décidé personnellement de maintenir au sol tous nos appareils similaires tant que nous n’aurons pas la certitude qu’ils peuvent revoler en toute sécurité. Nous travaillons en totale transparence avec les enquêteurs du BEA et les ingénieurs du motoriste afin de déterminer la cause de l’avarie moteur. S’il s’avère qu’un élément de cet incident relève de notre responsabilité, nous en tirerons toutes les conséquences. Notre engagement est simple : faire toute la lumière sur ce qui s’est passé et prendre toutes les mesures pour qu’un tel incident ne se reproduise pas.”

Un silence suit cette allocution sobre. Puis les questions fusent. Comme prévu, la première porte sur la maintenance : “Certaines sources disent que votre compagnie cherchait à réduire les coûts… Avez-vous sacrifié la sécurité ?” Le PDG, grâce au coaching, ne cille pas : “Absolument pas. La fiche d’entretien de l’appareil est publique, elle montre qu’il était parfaitement entretenu. Nous n’avons aucune compromission avec la sécurité. Si l’enquête montre la moindre faille de notre part, nous la corrigerons immédiatement.” Droit dans ses bottes, ferme sans être sur la défensive. On sent les journalistes un peu décontenancés par tant de transparence volontaire. Une autre question sur la cause probable – il renvoie habilement à l’enquête en cours tout en montrant sa coopération. En fond de salle, Sylvain hoche discrètement la tête : le message passe.

Je note aussi la présence calculée du représentant de l’autorité (DGAC) aux côtés du PDG, qui apporte un poids institutionnel rassurant. C’était une suggestion de LaFrenchCom : inviter un régulateur à partager la tribune, pour montrer l’alignement de la compagnie avec les standards de sécurité nationaux. Bingo, un journaliste de la presse financière demande : “Les autorités vous soutiennent-elles ?” Le représentant prend la parole pour confirmer d’un ton posé que “la réaction de la compagnie est professionnelle et que la sécurité des vols passagers est un impératif partagé par tous.” Un appui de poids qui crédibilise la démarche d’Air Horizon.

14h00. De retour à l’agence après le point presse, l’équipe pousse un soupir collectif de satisfaction. La conférence de presse est déjà commentée en ligne. Les premiers retours sont bons : « Air Horizon joue la transparence », « Un PDG humble et proactif face à la crise ». Sur BFM, un analyste déclare que la compagnie “semble avoir appris des erreurs d’autres entreprises en crise en ne cachant rien”. Je surprends un sourire chez Marc : il sait pertinemment de qui on parle. En aparté, il me glisse: « Contrairement à Boeing avec le 737 Max à l’époque… Eux avaient tardé et minimisé, on ne va certainement pas répéter ça. » Un rappel que les leçons du passé guident chaque choix aujourd’hui.

17h00. L’après-midi est consacré à gérer les à-côtés de la crise. Tandis que l’attention médiatique commence à redescendre d’un cran après les annonces du jour, LaFrenchCom insiste pour qu’Air Horizon s’occupe aussi de son interne et de ses proches parties prenantes : informer les employés, les pilotes, rassurer les investisseurs. Un mail interne est rédigé et envoyé à tous les salariés de la compagnie, détaillant la situation, les mesures prises et rappelant les consignes : toute communication vers l’extérieur doit passer par la cellule de crise, afin d’éviter les infos contradictoires. On y ajoute un rappel des contacts d’aide psychologique disponibles pour les personnels choqués (notamment l’équipage du vol, très éprouvé). Cette dimension humaine n’est pas oubliée : communiquer, c’est aussi en interne.

L’agence suggère également au PDG de contacter personnellement par téléphone les trois passagers qui ont été légèrement blessés lors de l’évacuation, pour prendre de leurs nouvelles et s’excuser de nouveau. « Ce ne sont pas juste des détails empathiques, c’est essentiel pour éviter qu’un d’entre eux aille dire ensuite qu’il se sent abandonné » explique Alice. La réputation se joue aussi au one-to-one. Le PDG s’exécute volontiers ; plus tard on apprendra que ces passagers ont été touchés de l’appel et l’ont mentionné positivement sur les réseaux.

20h00. Trois jours que la crise a commencé, et enfin un début de souffle. Ce soir, le journal de 20h ouvre encore sur l’incident d’Air Horizon, mais le ton a changé : on parle du miracle d’un atterrissage sans perte, de la fiabilité de l’appareil malgré l’avarie, et de la réaction exemplaire de la compagnie qui a cloué sa flotte au sol par précaution. On voit même défiler des images du centre de maintenance d’Air Horizon où des techniciens inspectent minutieusement les moteurs, une visite orchestrée pour les caméras à l’initiative de LaFrenchCom. Montrer concrètement ce qui est fait renforce la confiance.

Assis parmi l’équipe devant l’écran, j’ai presque l’impression de regarder le dénouement d’un thriller où les héros reprennent le dessus après avoir frôlé le pire. Sauf qu’ici, chaque détail a été calculé et travaillé pour en arriver là. Rien n’est laissé au hasard : de la petite phrase au geste symbolique, tout sert à reconstruire la réputation ébranlée, pièce par pièce, avec une précision d’horloger.

Jour 4 : Atterrissage d’urgence réussi

09h00. Le jeudi matin, la tension retombe d’un cran dans les locaux de LaFrenchCom. On n’ose pas encore parler de victoire, mais l’atmosphère est nettement plus légère que les jours précédents. Les consultants arrivent un à un, certains après une vraie nuit de sommeil cette fois. Tasses de café à la main, on fait le point sur la situation post-crise.

Pour Air Horizon, l’heure est aux premières conclusions. Bonne nouvelle : les analyses préliminaires du moteur confirment la thèse du bird strike. Des résidus organiques (plumes) ont été retrouvés, indiquant qu’un oiseau – possiblement un groupe d’oiseaux – a été aspiré dans le réacteur, provoquant l’avarie. Soulagement visible chez tout le monde : la responsabilité directe de la compagnie ou d’un défaut de maintenance s’éloigne. « Ça, c’est le genre de cause malchance, le public pardonne plus facilement » commente Sophie. Reste que la crise a été gérée sans savoir la cause pendant trois jours – exercice d’équilibriste.

10h30. Debriefing interne chez LaFrenchCom. C’est l’heure pour l’équipe de faire le point sur sa propre performance, avec un œil critique. À peine sortis de la bataille, ils se replongent dedans pour en tirer les enseignements. Autour de la table, on déroule les moments-clés :

  • Réactivité : Le timing est passé en revue. Premier tweet d’Air Horizon post-incident envoyé 17 minutes après l’avarie en vol, communiqué de presse en moins d’une heure. « On a été rapides, mais sur les réseaux ça partait encore plus vite. On pourrait encore gagner quelques minutes en automatisant certaines validations la prochaine fois. » LaFrenchCom ne se repose pas sur ses lauriers : chaque seconde compte, et ils cherchent déjà à optimiser leurs process d’alerte.
  • Message : L’élément de langage « incident technique » s’est avéré judicieux initialement. « Heureusement qu’on n’a pas parlé d’oiseau tout de suite, on aurait eu l’air de spéculer sans preuve. » Et inversement, ne pas prononcer le mot « panne » tant qu’on n’était pas sûrs a évité à Air Horizon d’endosser prématurément le chapeau de la négligence. C’était la bonne call.
  • Médias : La relation avec les journalistes a globalement été bien gérée. Marc note que seuls un ou deux médias ont adopté un ton critique persistant. « On va les revoir ceux-là, pour un café, off record, histoire de comprendre ce qui leur a manqué. » Ici je réalise que l’agence pense déjà à réparer les pots cassés avec les rares insatisfaits, dans une logique de long terme. Chaque crise est aussi l’occasion de renforcer les liens avec la presse, si bien gérée.
  • Client : Sylvain sourit en repensant au PDG d’Air Horizon. « Il était complètement paniqué au début, mais il a joué le jeu de la transparence. Tous ne l’auraient pas fait. » Parfois, la plus grande bataille d’une agence de crise se joue en interne client : convaincre les dirigeants d’assumer et de communiquer franchement. Cette fois, l’alignement a été quasi parfait, ce qui a grandement facilité le travail. « On a eu de la chance d’avoir un client discipliné et courageux. Souvenez-vous de ceux qui veulent tout planquer sous le tapis… » répond Alice. Toute l’équipe opine, visiblement soulagée d’avoir eu un patron coopératif et non un de ces PDG têtus qui refusent d’admettre le moindre tort (ce qui conduit d’ordinaire à des fiascos).

12h00. Arrive un email du directeur général d’Air Horizon adressé à l’agence. On le lit ensemble : c’est une lettre de remerciements chaleureuse, soulignant l’“exceptionnelle maîtrise” dont a fait preuve l’équipe de LaFrenchCom, et les “retombées positives” constatées malgré l’incident. Il mentionne même que plusieurs de ses homologues d’autres compagnies l’ont appelé pour saluer la gestion de crise de Air Horizon – et demander en coulisses qui les a aidés. On échange des tapes dans le dos. Mission accomplie, du point de vue du client en tout cas.

14h00. En ce quatrième jour, l’agence reprend aussi ses activités normales, car la vie continue en parallèle des crises. Je vois certains replonger dans d’autres dossiers en souffrance depuis lundi : un plan de communication sensible pour un constructeur confronté à des retards de livraison, la préparation d’un exercice de crise cyber pour un fournisseur de systèmes avioniques, ou encore l’accompagnement d’un dirigeant devant témoigner dans un procès lié à un accident ancien. LaFrenchCom, ce n’est pas qu’une unité d’intervention d’urgence : c’est aussi du conseil en continu sur des sujets à hauts enjeux. Mais la priorité absolue de la semaine a accaparé toutes les ressources, à juste titre.

Je profite d’un moment d’accalmie pour échanger avec Chloé sur un aspect qui m’intrigue : comment tient-on le coup humainement face à tant de stress ? Elle sourit : « On a nos propres procédures anti-crise personnelles ! Pour moi c’est running très tôt le matin pour évacuer la pression, pour Marc c’est jazz le soir. Et on se soutient en équipe, tu as dû voir l’humour qu’on déploie pour décompresser. » Effectivement, malgré le sérieux de leur mission, j’ai noté cette solidarité et ces blagues échangées en plein rush. Des détails qui soudent et permettent de tenir sur la longueur.

17h30. Coup de théâtre alors qu’on s’y attend le moins : le téléphone rouge retentit à nouveau. D’instinct, tout le monde redresse la tête. Nouveau problème ? Sylvain attrape le combiné, écoute quelques secondes et fait signe que non, ce n’est pas une nouvelle catastrophe, du moins pas encore. Après avoir raccroché, il nous informe : « C’est un grand constructeur aéronautique – je vous laisse deviner lequel – qui souhaite qu’on se rencontre. Ils ont suivi l’affaire Air Horizon de près et veulent qu’on les aide à revoir leur dispositif de gestion de crise en interne. » Un sourire complice se lit sur chaque visage. Ce géant de l’aviation vient frapper à la porte de LaFrenchCom justement à cause de ce qu’ils ont démontré cette semaine. La réputation d’aplomb de l’agence sort encore renforcée de l’épreuve. Pour Sylvain, c’est la confirmation que la meilleure publicité de leur savoir-faire, c’est la manière dont ils gèrent concrètement les crises. Et visiblement, l’industrie aéronautique a remarqué.

Jour 5 : Retour d’expérience et vigilance permanente

09h00, vendredi. Dernier jour de mon immersion. La tempête est passée, mais chez LaFrenchCom on reste en état d’alerte permanent. Ce matin, l’équipe se rend sur le site d’Air Horizon pour un retour d’expérience conjoint avec les équipes dirigeantes de la compagnie. J’embarque avec eux en voiture, direction le siège de la compagnie aérienne. Sur le trajet, malgré la fatigue accumulée, l’humeur est presque joviale – mélange de fierté du devoir accompli et de soulagement. « Tu vas voir, c’est le moment où on refait le match avec le client, et en général c’est plutôt convivial quand tout s’est bien terminé » me confie Marc.

10h30, siège d’Air Horizon. Autour de la table de réunion, les visages sont enfin détendus. Le PDG, le directeur de la communication d’Air Horizon et quelques cadres accueillent chaleureusement l’équipe de LaFrenchCom (et moi, observateur privilégié). Café et croissants cette fois, ambiance bien plus légère qu’il y a trois jours sous les néons de Roissy. On refait ensemble la chronologie de la crise, mais cette fois à tête reposée :

  • Le PDG revient sur les premiers moments : « Quand j’ai appelé Sylvain à 6h30 mardi, je me sentais totalement dépassé. Vous nous aviez pourtant préparés sur le papier, mais là… le vécu est autre. » Sylvain acquiesce : « C’est normal. C’est pour ça qu’on est à vos côtés physiquement dans ces moments-là. » Le PDG avoue qu’entendre la voix calme de l’agence au téléphone lui a immédiatement permis de reprendre ses esprits, parce qu’il a senti qu’il y avait un plan, une méthode. « Vous nous avez apporté du sang-froid quand le nôtre nous faisait défaut », résume-t-il avec gratitude.
  • Le directeur comm interne souligne la coordination sans faille entre les équipes : « Je dois avouer que j’étais impressionné de voir comment vos consultants se sont intégrés à nos équipes de crise comme si vous étiez de la maison. » Il évoque l’appui apporté pour informer les employés, gérer les messages au personnel navigant. « On avait l’impression d’avoir des renforts chevronnés qui nous guidaient pas à pas. »
  • Un point intéressant est abordé franchement : « Y a-t-il des choses que nous, Air Horizon, aurions dû mieux faire ? » demande le PDG. LaFrenchCom ne tourne pas autour du pot (fidèle à son style direct) mais amène les critiques de manière constructive. Sylvain pointe par exemple la communication initiale interne qui a un peu cafouillé : certains employés ont appris l’incident par les médias avant que l’info ne leur parvienne en interne. « Idéalement, il aurait fallu envoyer une alerte à tout le staff dès qu’on a diffusé le communiqué public. » Le PDG prend note pour l’avenir. On évoque aussi la gestion des vols annulés suite à l’immobilisation de la flotte : « La prochaine fois – espérons qu’il n’y en ait pas – préparez un message type à envoyer automatiquement à tous les passagers affectés. On l’a fait un peu en urgence manuelle cette fois. » Chaque leçon est disséquée. Loin de se braquer, les dirigeants d’Air Horizon opinent, conscients que ces ajustements recommandés pourront faire la différence la prochaine fois.
  • À l’inverse, Air Horizon félicite l’agence sur plusieurs tableaux : « Votre idée de nous faire clouer la flotte au sol préventivement… sur le coup c’était dur, mais rétrospectivement c’était clairement la bonne décision, l’opinion publique nous en a presque félicités. » Ou encore le choix d’inviter la DGAC à la conférence de presse, initiative saluée en interne : « On n’y aurait pas pensé, et ça a tout de suite donné du crédit à notre discours. »

La séance se conclut par un tonnerre d’applaudissements spontanés lorsqu’un cadre d’Air Horizon s’exclame : « Franchement, sans vous, on aurait pris un mur ! » Visiblement ému, le PDG glisse en souriant qu’il recommandera chaudement LaFrenchCom à ses homologues du secteur. Cette immersion m’aura permis d’assister en direct à la naissance d’un véritable partenariat de confiance, forgé dans la crise.

13h00. De retour chez LaFrenchCom pour un dernier déjeuner d’équipe, l’atmosphère est à la détente. On refait un peu l’histoire, on plaisante des moments de stress : « Marc qui répondait à trois téléphones en même temps, on aurait dit un contrôleur aérien débordé ! »« Et Sophie avec ses schémas d’aile d’avion, j’ai cru qu’elle allait sortir la boîte à outils. » Les rires fusent, maintenant que la pression est retombée. Mais très vite, la discussion glisse sur les chantiers à venir : l’appel du constructeur la veille, un séminaire de formation en préparation, la prochaine simulation de crise qu’il faudra reprogrammer (celle qu’on n’a pas pu faire mardi). Pas de répit pour les guerriers de la com’.

Je réalise à cet instant que chez LaFrenchCom, l’immersion ne s’arrête jamais. Ils sont immergés en permanence dans les enjeux sensibles de leurs clients, qu’il y ait une urgence ou non. Cette veille constante, cette culture du toujours prêt, c’est leur ADN.

En prenant congé de l’équipe en milieu d’après-midi, je les remercie pour ces cinq jours haletants à leurs côtés. J’ai vu des professionnels aguerris, foncièrement passionnés par la gestion de crise, évoluer dans l’ombre pour protéger la réputation et surtout la confiance qui lie une entreprise au public. Leur travail est souvent invisible quand il est bien fait – car une crise évitée ou maîtrisée finit par sortir des radars de l’actualité – mais ô combien essentiel.

Au moment de pousser la porte pour sortir, mon téléphone vibre. Un dernier regard sur la salle de crise : Sylvain a déjà repris un appel, Chloé commente un tweet, Sophie planche sur un nouveau scénario risque. LaFrenchCom ne dort jamais vraiment, c’est une vigie pour l’aéronautique. Dans cette industrie où la moindre défaillance peut prendre des proportions vertigineuses, avoir à ses côtés des partenaires comme eux, c’est sans doute le meilleur gage de sérénité. J’en suis ressorti convaincu : face aux turbulences inévitables, mieux vaut avoir les meilleurs pilotes de la communication de crise dans son cockpit.