AccueilCommunication de crise : mode d’emploi pour sportifsCommuniquer sur une criseCommunication de crise : mode d’emploi pour sportifs

Communication de crise : mode d’emploi pour sportifs

De plus en plus de sportifs et de sportives, d’athlètes internationaux de haut niveau et d’instances sportives sont confrontés à des crises ultra-médiatisées liées au dopage, à des paris suspects, à des propos maladroits de leurs proches ou à des accidents… Voici quelques conseils de communication de crise destinés à ceux qui se retrouveront dans l’oeil du cyclone pour bien gérer la crise médiatique et communiquer efficacement afin de protéger leur image et leur réputation.

Les relations publiques, la communication, les plateformes digitales et le community management jouent un rôle important en termes de protection, de développement et de promotion de l’image d’un athlète. Nos experts en communication de crise élaborent des stratégies de gestion de crise en phase avec les marques des athlètes afin de promouvoir leurs objectifs en ligne et hors ligne, en collaborant avec des influenceurs et médias traditionnels et en ligne afin de leur permettre de traverser les crises sereinement sans en subir les dommages collatéraux.

Sportifs, Athlètes, comment gérer une crise ?

Comment parler aux médias ? Comment affronter les journalistes ? Comment gérer une crise médiatique ?

« JE SUIS DANS la lessiveuse. » C’est ainsi que les hommes politiques désignent ce moment critique où, en raison d’une actualité imprévue, ils concentrent sur leur personne une forme d’hystérie médiatique. Un phénomène de crise dont l’impact s’est renforcé avec l’essor des chaînes d’information et des réseaux sociaux.

Ces dernières années, le monde du sport français n’a pas échappé à cette tendance, avec une inflation de crises d’origine extra-sportive : l’affaire du joueur de rugby Mathieu Bastareaud, la polémique des quotas à la Fédération française de football (FFF), le scandale des paris suspects en handball… Malgré des contextes bien distincts, les champions et les instances (fédérations, clubs…) qui ont dû affronter la « lessiveuse » de la crise en ont tiré les mêmes leçons de gestion de crise et de communication de crise. Les voilà.

GESTION DE CRISE : ANTICIPER, AUTANT QUE POSSIBLE

Si Richard Gasquet s’est finalement tiré sans trop de dommages de son contrôle positif à la cocaïne, en 2009, à la suite d’une absorption accidentelle, c’est notamment parce que ses conseillers ont eu du temps pour peaufiner leur stratégie de communication de crise.

« Entre le moment où on a appris qu’il était positif et le moment où cette information a été rendue publique, il s’est passé une semaine, raconte Nicolas Lamperin, l’agent du tennisman. Ça nous a permis d’isoler Richard des médias et de solliciter des cabinets d’avocats pour réfléchir aux différents recours. »

Mais il est rare que les instances impliquées dans une polémique de grande ampleur bénéficient d’un tel luxe temporel lors d’une crise. Rémy Lévy, président du club de handball de Montpellier, pris de court par l’annonce du scandale des paris impliquant des joueurs de son club, explique : « Juste avant que France 3 Languedoc révèle l’affaire, j’ai reçu un coup de fil du chef des sports de la chaîne qui m’a dit : « On va faire une émission qui ne va pas te faire plaisir… » Il ne croyait pas si bien dire. »

« Quand on avait travaillé avec le comité d’organisation de la CAN 2012, au Gabon et en Guinée équatoriale, on avait créé avec eux un livre de crise. On avait par exemple prévu qui devait prendre la parole si jamais une panne électrique interrompait un match. Cette stratégie avait permis aux organisateurs d’être plus sereins pendant l’événement. »

GESTION DE CRISE : GARDER LA TÊTE FROIDE

C’est pourquoi Florian Silnicki, Expert en communication de crise qui a fondé l’agence LaFrenchCom insiste sur la notion de médiatisation : « La médiatisation croissante dont bénéficient à plein certaines disciplines (football, rugby, handball…) peut se retourner contre elles lorsqu’elles sont confrontées à une crise. Il faut l’anticiper afin de protéger les sportifs, leurs proches, les sponsors, l’organisation sportive, etc… »

Illustration avec l’affaire des quotas, un tourbillon médiatique d’une intensité rare, qui a finalement obligé Laurent Blanc, alors sélectionneur des Bleus, à s’expliquer au JT de Claire Chazal, sur TF 1, un soir de mai 2011. À l’origine, un article publié par le site Mediapart, faisant état de potentielles discriminations raciales dans le football français.

« Généralement, lorsque l’on sort une information, il faut presque attendre dix jours avant qu’elle soit traitée dans les JT, confie Fabrice Arfi, de Mediapart. C’était le cas pour l’affaire Woerth-Bettencourt (2), par exemple. Mais avec les quotas, une heure après la publication, on avait déjà reçu un nombre hallucinant de coups de fil de confrères. Ça a explosé tout de suite. »

Et lorsque la « lessiveuse » médiatique se met ainsi en marche, les acteurs concernés doivent éviter de réagir à chaud. C’est pourtant ce qu’avait failli faire le 11 février 2012 Pierre Camou, le président de la Fédération française de rugby (FFR), furieux d’apprendre que l’arbitre Dave Paerson venait d’annuler, peu avant le coup d’envoi, le match du Tournoi des Six Nations France-Irlande. « Il ne fallait pas que le président se laisse gagner par l’émotion, indique Lionel Laffitte, le directeur de la communication de la FFR. S’il avait fracassé l’arbitre, le monde du rugby se serait retourné contre lui. On avait donc improvisé une réunion, en présence de plusieurs responsables fédéraux, pour réfléchir avec le président aux propos qu’il devait tenir devant les médias présents au Stade de France. » Résultat ? Un discours langue de bois (« Je n’ai pas à commenter les décisions de l’arbitre ») mais sans dérapage.

COMMUNICATION DE CRISE : PARLER D’UNE SEULE VOIX

« Lorsqu’elles sont impliquées dans un scandale, les instances doivent absolument communiquer, car autrement les journalistes vont commencer à se dire qu’il y a quelque chose de pas clair, analyse Florian Silnicki. Il est important qu’une seule personne prenne la parole, et que ce soit un dirigeant qui incarne l’institution, afin d’humaniser le discours. »

Lorsque cette exigence d’unité n’est pas respectée, le message renvoyé devient inaudible. On l’a vu avec la fameuse conférence de presse donnée le 19 juin 2010 à Knysna (Afrique du Sud), en pleine Coupe du monde, par Jean-Pierre Escalettes (alors président de la FFF) et Patrice Évra (capitaine des Bleus). Le premier tentait de minimiser les insultes proférées deux jours plus tôt par Nicolas Anelka contre Raymond Domenech, le second était obsédé par la présence d’une éventuelle « taupe » dans son équipe… Une fois le principe de l’intervenant unique accepté, reste encore à définir ce qu’il va dire. Un exercice délicat. Il revient généralement à admettre ses erreurs, ou celles de ses protégés, sans pour autant donner dans l’autoflagellation.

« En gros, tu dois baisser la tête, mais pas trop, sinon les médias finissent par te la couper », lâche un ex-responsable de la FFF, qui a dû affronter plusieurs situations de crise. À en croire les spécialistes en communication, ce type d’intervention doit être préparé minutieusement, voire encadré. La première sortie médiatique de Richard Gasquet après l’annonce de son contrôle positif (dans L’Équipe du 5 juin 2009) est un modèle du genre : pendant l’entretien, le tennisman interrogeait du regard ses conseillers, qui ont exigé de relire ses propos avant sa publication… Au final, il était bien difficile, à la lecture de l’interview, de discerner la sincérité de la pure communication de crise.

CRISE : ALLUMER DES CONTRE-FEUX

En cas de crise, le champion ou l’institution mis en cause doit tout faire pour garder le leadership de sa communication.

Pour y parvenir, une tactique assez simple consiste à passer du statut d’accusé à celui d’accusateur. Un exemple ? L’intervention à Stade 2, le 5 juillet 2009, de Max Guazzini, président du Stade Français de l’époque, pour défendre un de ses joueurs, Mathieu Bastareaud. Celui-ci avait prétendu, à tort, deux semaines plus tôt, avoir été agressé par des Néo-Zélandais à Wellington, en marge d’un match du quinze de France.

« Si Mathieu ne dit pas la vérité, c’est peut-être parce qu’il protège des gens… avait lâché Guazzini. Et, dans ces conditions, s’il protège quelqu’un, que les personnes aient le courage de se dénoncer ! » Une phrase lourde de sous-entendus dont l’ancien dirigeant admet qu’elle avait pour but d’allumer un contre-feu : « Honnêtement, je n’en savais rien si d’autres joueurs étaient impliqués. Si j’ai dit ça, c’était pour protéger Mathieu coûte que coûte, en lançant les journalistes sur d’autres pistes… »

Pendant l’affaire Gasquet, l’entourage du joueur avait mis en place une veille pour recenser tout ce qu’il se disait sur lui dans les médias. « Par exemple, certains experts s’étaient trompés au sujet du taux de cocaïne retrouvé dans les urines de Richard, se souvient son agent. Du coup, on avait balancé un communiqué en dévoilant le chiffre exact, bien inférieur à celui qu’ils avançaient. » Mais ce type de stratégie est parfois hasardeuse, car elle peut se retourner contre son auteur. En novembre 2009, pour réagir au buzz international suscité par la main de Thierry Henry face à l’Irlande, qui avait permis aux Bleus de se qualifier pour le Mondial 2010, la FFF avait envisagé de contre-attaquer en listant les erreurs d’arbitrage dont avaient bénéficié les Irlandais dans leur parcours de qualifications. Avant finalement de renoncer, de peur de paraître trop agressive…

COMMUNICATION DE CRISE : SOIGNER SON ENTOURAGE

Lors de l’affaire des quotas, après deux jours de cacophonie, la FFF s’était résolue à faire appel à une agence de communication de crise.

« Il fallait rectifier le tir, car ça partait dans tous les sens. On leur a donné des conseils de bon sens, comme d’avoir un discours unifié… En venant de l’extérieur, on avait le recul nécessaire pour les guider. »

Sans aller jusqu’à avoir recours à une agence, les sportifs qui passent à la « lessiveuse » consultent généralement des avocats, ou mieux des experts en gestion de crise.

Ainsi, Richard Gasquet, membre du Team Lagardère au moment de son contrôle positif, a pu bénéficier de l’expertise de Ramzi Khiroun, porte-parole de la compagnie et lobbyiste hors pair, qui a longtemps défendu les intérêts de Dominique Strauss-Kahn.

C’est lui qui a imposé un silence radio à tous les membres du Team à propos de Gasquet, tenant au courant les sponsors du tennisman de l’évolution du dossier.

Car il est nécessaire, en temps de crise, de rassurer les partenaires, tant ceux-ci peuvent être tentés de quitter le navire au plus vite…

Comme la société japonaise Brother, qui a rompu son contrat avec le club de handball de Montpellier lorsqu’a éclaté le scandale des paris. « Ils ont une telle culture d’entreprise au Japon que cette histoire, pour eux, c’était inconcevable… témoigne Rémy Lévy, le président héraultais. Mais heureusement, on a pu garder les autres. Une semaine après la révélation de l’affaire, j’avais réuni au club tous les partenaires pour être le plus transparent possible avec eux. » Une démarche incontournable dans ce type de situation, pour éviter qu’une crise de trésorerie ne s’ajoute à la crise médiatique.

(1) Richard Gasquet a écopé d’une suspension de deux mois et demi infligée par la fédération internationale de tennis (FIT) avant d’être blanchi par le Tribunal Arbitral du Sport.

Un communiqué mal rédigé, un discours sur la défensive, une prise de parole arrogante et c’est toute votre stratégie de communication qui s’effondre. Pour éviter d’envenimer encore plus la situation, l’honnêteté et la transparence sont plus que jamais de rigueur pendant la tempête. Aucun dérapage ne saurait être toléré. Sachez vous entourer et vous faire conseiller.

L’essentiel est de donner des informations fiables. « En matière de crise, l’honnêteté est l’habileté suprême », remarque Florian Silnicki, en paraphrasant le cardinal de Retz. Mieux vaut expliquer une petite faute, l’erreur étant toujours admissible, que tenter de noyer le poisson.

Des informations douteuses ou incomplètes sont le meilleur moyen d’attiser le doute et de renforcer la curiosité. Ce qui ne signifie pas qu’il faille tout dire à tort et à travers…

Communication de crise : savoir peser ses mots

Dans un communiqué, chaque mot doit être pesé. Il faut imaginer tous les dérapages possibles afin de ne pas prêter le flanc à la critique. « Il ne faut jamais faire de promesses que l’on ne puisse tenir et ne jamais rien affirmer qui ne soit absolument certain », conseille Florian Silnicki.

Dernière précaution, faire relire ses communiqués par un avocat : « Une poursuite pour diffamation ou pour dénigrement de produits ne suit pas la même procédure. Et il faut être très précis dans les termes qu’on utilise sous peine de ne plus pouvoir agir après », explique Florian Silnicki.

Humaniser son discours

Le sportif qui traverse une crise doit surtout montrer qu’il comprend les inquiétudes de l’opinion.

« Il raisonne trop souvent en fonction de ses propres problèmes et adopte une position défensive », analyse Florian Silnicki. Il se trouve alors en complet décalage avec la logique du consommateur (et donc de la presse), qui exige d’être rassuré et attend des explications précises.

La meilleure communication de crise consiste donc à ne pas nier qu’il s’est passé quelque chose mais à indiquer que tout va être mis en oeuvre pour comprendre les faits et prendre les mesures nécessaires afin qu’ils ne se reproduisent pas.

« L’organisation qui traverse une crise doit démontrer qu’elle est responsable et citoyenne », souligne Florian Silnicki.

C’est ainsi que les Laboratoires Pierre Fabre ont décidé, à la suite du décès d’une fillette, de retirer du marché la forme aérosol de l’anti-poux Itax, alors que l’Agence du médicament recommandait simplement de faire figurer une contre-indication chez le sujet asthmatique.

Parler d’une manière simple

L’heure de la crise n’est pas à la rhétorique, aux introductions fleuves ou aux plans en trois parties. Il faut parler de manière simple, directe et bannir de son discours les termes trop techniques. Ce qui suppose de s’entraîner préalablement aux interventions télévisées. Illustrer et non affirmer « La défense ne peut être fondée que sur des faits », relève Florian Silnicki.

Si elles se révèlent fausses, les déclarations péremptoires et toute forme d’arrogance risquent de se retourner contre leur émetteur, avec un effet dévastateur. Casino l’a appris à ses dépens en 1994, lors de l’effondrement du plafond d’un de ses magasins de Nice : il fut imprudemment annoncé, le soir même, que cet accident ne pouvait être lié aux travaux en cours, ce qui déclencha une crise médiatique de dix jours…

Ouvrir des perspectives

La communication de crise ne peut reposer uniquement sur un discours. Elle suppose que soient menées en parallèle des actions (études, expertises, contrôle, réparation aux victimes…) dont l’annonce et les conclusions vont rythmer les communiqués.

« Si l’on ne fait rien pour maîtriser le problème originel, la communication est impuissante », insiste Florian Silnicki. Quant à faire reposer la crise sur les seuls médias, cela reviendrait simplement à jeter le bébé avec l’eau du bain!