Astreinte de crise 24h/24 7j/7

La communication de crise contre le chikungunya

crise

Le gouvernement pas vacciné contre le chikungunya

Un vrai plantage.

Crise sanitaire grave, l’épidémie de chikungunya a touché plus de 155 000 personnes à la Réunion, mettant, de plus, l’économie de l’île en péril. De l’avis de Leo Corporate, la polémique sur la lenteur de l’équipe gouvernementale arrive aujourd’hui de plein fouet en métropole.

« Nous sommes dans une vraie bataille d’opinion et de communication de crise. J’ai entendu dire que le chikungunya avait été importé par les services secrets américains ou encore que c’était un mal venu du ciel. Il faut essayer d’éloigner la polémique et tirer tous ensemble dans le même sens, car nous sommes face à une crise lourde, d’une ampleur sans précédent. » Ainsi s’exprimait le ministre de l’Outre-Mer, François Baroin, le 28 février dernier, lors d’une conférence de presse-bilan relayant les propos du Premier ministre en visite sur l’île deux jours plus tôt.

Début janvier, sur France Inter, ce même ministre déclarait que le chikungunya était une maladie « dont on ne meurt pas », la qualifiant de « grosse grippe ».

Retard à l’allumage, erreur d’évaluation et manque d’intérêt pour un département français perdu dans l’océan Indien : telles sont les principales critiques qui pleuvent sur l’équipe gouvernementale depuis quelques semaines, dans la classe politique et les médias métropolitains. Les critiques fusent cependant depuis bien plus longtemps chez les journalistes et politiciens réunionnais. Déjà, le 10 novembre 2005, la sénatrice communiste de l’île, Gélita Hoarau, avait qualifié en séance publique le chikungunya de « catastrophe sanitaire […] qui fait des ravages », évoquant une « véritable épidémie ».

Santé et économie : deux crises associées

Aujourd’hui, le chikungunya a touché un Réunionnais sur cinq. Et la maladie a provoqué, directement ou non, quelque 77 décès, selon l’Institut de veille sanitaire, en sachant que, dans cinq cas, les victimes n’étaient a priori atteintes que du chikungunya.

D’un point de vue économique, les conséquences de l’épidémie peuvent être lourdes, dans un département qui enregistrait un taux de croissance de 4 à 6 % ces dernières années. Les arrêts de travail bloquent l’activité de l’île. Quant au secteur touristique, qui représente plus de 300 M € par an de recettes et 10 000 emplois sur l’île, il est touché de plein fouet. Les métropolitains, principaux touristes de la Réunion, évitent la destination. Selon l’association des tours opérateurs français, le Ceto, les réservations sont quasi nulles aujourd’hui. « On enregistrait l’an dernier, entre mars et août, 18 000 réservations de voyages à forfait et 31 000 de vols secs pour la Réunion, explique René-Marc Chikli, le président du Ceto. Cela représente un enjeu total de 35 M € . »

Décalages et dérapages de la communication politique

En réponse à l’épidémie et à la crise économique qui s’y associe, le gouvernement vient d’annoncer une nouvelle enveloppe provisionnelle de 60 M € , s’ajoutant aux 16 M € déjà débloqués. Pourtant, les critiques continuent à enfler, rappelant le couac de la gestion de la crise de la canicule en été 2003.

« Je crois que c’est le décalage entre la perception sur l’île et en métropole qui a créé cet effet de cocotte-minute, analyse Florent Chapel, directeur conseil de Leo Corporate, en charge de la communication de crise du comité du tourisme de la Réunion. Quand un drame se produit en France, on est habitué à ce que le pouvoir politique réagisse très vite. En l’occurrence, la puissance de l’État a mis longtemps à montrer son empathie aux 700 000 Réunionnais. »

Certes, il existe des circonstances atténuantes : la maladie est peu connue et il était difficile de prévoir l’ampleur de l’épidémie. Le gouvernement a également reconnu que la « victoire contre le paludisme nous a fait baisser la garde », en termes de démoustication. Au-delà de la polémique, la vraie bataille de communication va commencer. D’un point de vue sanitaire d’abord, d’autant que la maladie commence à s’étendre sur toute la zone – à Mayotte, aux Seychelles, aux Comores et, dans une moindre mesure, à l’île Maurice – et que le moustique Aedes albopictus est présent dans le sud de la France.

D’un point de vue économique ensuite, la bataille de revalorisation de l’île sera difficile. Car la Réunion était appréciée des métropolitains pour « sa réputation de vacances au soleil mais de vacances sûres et sans risque sanitaire », rappelle un expert en communication de crise.

Léon Bertrand, le ministre délégué au Tourisme, a demandé expressément aux tours opérateurs de ne pas déprogrammer la destination de leurs catalogues, et le Premier ministre a rappelé les atouts de l’île. La Réunion, île paradisiaque et département français comme les autres ? L’équipe gouvernementale, qui s’est engagée à refaire un point sur place dans trois mois, va devoir convaincre.

Selon les experts en communication de crise, « le décalage entre la perception du virus sur l’île et en métrople a créé un effet de cocotte-minute »