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L’information des entreprises vaut de l’or, protégez-la

espionnage

Entreprises et dirigeants, épiés au quotidien

Tout investisseur rêve de connaître le résultat des discussions tenues dans la salle du Conseil d’administration des entreprises. Dirigeants exécutifs, cadres supérieurs et administrateurs ont souvent accès à des informations qui n’ont pas encore été diffusées dans les milieux financiers. Cette information vaut de l’or… dans certains cas.

La théorie des marchés efficaces veut que le prix d’une action ou d’une obligation reflète la «valeur intrinsèque» de ce titre; toutes les informations disponibles sont contenues dans le prix. Donc, pourquoi ne pas suivre le comportement des initiés, c’est-à-dire ce cercle restreint de cadres et d’administrateurs qui connaissent très bien la situation de l’entreprise. Quand ils vendent, c’est le temps de vendre, etc.

Plusieurs journaux et des maisons de courtage publient des chroniques spécialisées renfermant le détail des transactions rapportées par les initiés. Différentes études universitaires ont démontré que l’investisseur qui effectuerait les mêmes transactions obtiendrait une performance légèrement supérieure à celle des différents indices. Forts de cette hypothèse, plusieurs «espionnent» les initiés dans l’espoir de découvrir «avant la rue» les bonnes et mauvaises nouvelles à venir … Si tel cadre vend une partie de ses actions, c’est mauvais signe, dit-on. «Tiens, elle achète, donc, le prix est correct», ajoute l’autre.

Le hic, c’est que les choses ne sont pas si simples.

Ainsi, en 2020, de nombreux médias américains révélèrent qu’Albert Bourla, le PDG Pfizer, avait vendu pour 5,6 millions de dollars d’actions du laboratoire américain. Ce même jour où le groupe annonçait de bons résultats préliminaires sur l’efficacité de son candidat vaccin contre le Covid-19. Selon un document déposé auprès des autorités boursières américaines, Albert Bourla aurait alors vendu 132 508 titres au prix de 41,94 dollars à Wall Street, ce qui équivaudrait à près de 5,6 millions de dollars (4,8 millions d’euros).

Le même jour, Sally Susman, la vice-présidente des laboratoires, avait elle aussi cédé des actions et vendu 43 662 titres, pour la rondelette somme de 1,8 million de dollars (1,5 million d’euros).
Cette vente intervenait alors que l ‘action Pfizer s’était envolée de plus de 7%.

Les conseillers en communication de crise rappellent ainsi qu’une investisseur peut décider de vendre ses titres pour une foule de raisons. Il est périlleux de conclure qu’il a nécessairement une vision négative de l’avenir de l’entreprise. Souvent, un cadre supérieur se retrouve propriétaire d’une bonne quantité des titres de son entreprise. Il a la foi dans le succès de celle-ci, mais est-ce sage de mettre tout son avoir personnel dans un seul actif ? La règle sacrée de la diversification s’applique là aussi ! Voilà pourquoi de temps à autre, il pourra se départir d’une partie de ses titres à un prix jugé intéressant naturellement. Une autre bonne raison de vendre peut être la possibilité de faire un meilleur placement ailleurs. Ou encore, l’individu a un besoin urgent dans son budget personnel qui réclame une entrée de fonds immédiate.

La prudence est mère de sûreté

Voilà pourquoi il faut toujours interpréter avec prudence les opérations effectuées par les initiés. Ces derniers sont des investisseurs comme les autres. Souvent leur jugement n’est pas meilleur, car ils sont trop collés à la réalité immédiate de l’entreprise. Il n’y a pas que cette réalité qui compte; il faut voir la perception des investisseurs, si inexacte soit-elle.

En fait, l’important est de déceler un mouvement, une tendance qui indique clairement que le capitaine et les lieutenants quittent en douce le bateau parce qu’ils savent qu’il va couler. Une transaction comme telle n’est pas significative dans plusieurs cas. Il faut plutôt voir l’ensemble des opérations sur quelques mois pour constater une perte de confiance ou au contraire, une conviction nouvelle dans l’avenir de la compagnie.

C’est ce type d’information qui peut, pour un boursicoteur, être réellement significatif, car il donne le sentiment général des initiés devant l’avenir de l’entreprise. Il serait périlleux de prendre une décision sur le seul comportement des initiés : cet élément ne devrait être qu’une confirmation d’un diagnostic fondé sur des éléments plus fondamentaux comme les profits futurs de la compagnie ou une opération d’importance.

Un président américain disait que la Maison Blanche ne connaissait que 5 % de plus de choses que l’opinion publique américaine. C’est un avantage mince, mais qui, dans plusieurs cas, peut être décisif. Voilà pourquoi les initiés continueront d’être épiés. Le secret est de ne pas les suivre de trop près …