La tendance au jeunisme n’est-ce pas un facteur de crise ?

Sommaire

Question :

“Changer l’organisation en érigeant le jeunisme d’une entreprise comme atout absolu n’est-ce pas générateur de crises ?”

Réponse :

Cette question est intéressante car nous observons que la crise est souvent l’occasion de changements forts dans les organisations de nos clients qui tentent d’en tirer les leçons autant pour prévenir la crise que pour en guérir ses effets.

Si la crise peut faire naitre le changement, le changement sans accompagnement peut faire naitre la crise.

Savoir changer est pourtant la clé du management durable dans les entreprises.

Développement durable, croissance durable et maintenant management durable. Pas de doute, le monde de l’entreprise cherche des alternatives à l’obsession du court terme. Sans remettre en cause, pour l’instant, sa fascination pour le jeunisme. Le monde du conseil en communication ne fait pas exception à la règle. Avec une question: le manager et le consultant en communication ont-ils pour vocation de durer, mais surtout, cette attente est-elle même souhaitable ? Loin d’être un débat byzantin, le sujet affecte la nature de la relation client/consultant dans son ensemble. De quoi stimuler la réflexion des agences de communication de crise à Paris, comme la notre.

Au contraire, l’entreprise, sciemment ou non, lance un message selon lequel tout doit changer très vite, méthodes de travail, postes, fonctions et personnels. Du coup, on sent un mouvement de déstabilisation toucher de plus en plus d’individus. Le changement est certes profitable mais quand il devient trop rapide, qu’il adopte un rythme exagéré, il n’est plus possible de se fixer des repères ou même d’imposer des règles. En effet, pourquoi respecter des normes dont on sait qu’elles ne s’inscrivent pas dans la durée ? Par conséquent, dans de nombreuses institutions, jusque dans les grandes écoles de commerce, de nombreux étudiants se posent une double question: que signifie être un manager aujourd’hui et le monde du conseil offre-t-il toujours des possibilités de carrière à long terme ?

Ces interrogations sont d’autant plus révélatrices que les étudiants en question sont, en principe, des individus ayant fait le choix professionnel des changements à haute vitesse: vie internationale, changements réguliers d’attributions, rémunérations variables, intégration de nouvelles méthodologies, ouverture aux technologies… Et pourtant, même dans des organisations d’essence libérale comme HEC ou l’EDHEC, beaucoup de jeunes gens ont envisagé dans les dernières années de rejoindre l’administration pour avoir un minimum de sécurité, ou pour le dire autrement, de durabilité. Sans même parler de la revendication d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle qui fait tort aux métiers du conseil en communication de crise, réputés chronophages.

Les dirigeants d’entreprises qui font face à une crise ont eux-mêmes du mal à gérer les changements… qu’ils imposent. C’est un signal faible qui doit alerter.

Dans notre activité de consultant en gestion de crise, nous rencontrons beaucoup de dirigeants d’entreprise. Nous constatons que presque tous établissent, consciemment ou non, un parallèle entre aptitude au changement et jeunisme. Tout se passe comme si, une fois passé le cap des 50 ans, on ne pouvait plus confier de postes opérationnels à des hommes ou des femmes pourtant expérimentés. L’obsession de la jeunesse qui traverse toute notre société se retrouve évidemment dans les murs de l’entreprise. 

Il faut pointer quelques particularismes intéressants. Autant la jeunesse est systématiquement mise en avant dans certaines fonctions, par exemple dans les activités liées au marketing et à la communication, autant pour d’autres, l’âge représente toujours une garantie de sérieux, voire de crédibilité. Ainsi, un vieil avocat ou un vieux fiscaliste, cela rassure. C’est vrai dans les entreprises comme dans les sociétés de conseil. Un consultant ayant atteint un âge certain diffuse une image de maturité et d’expérience qui incite son client à lui faire confiance. Ainsi, il ne faut pas oublier que l’âge rime souvent avec expérience. Mais les décideurs ont en fait encore du mal à mettre en oeuvre un management capable de concilier différentes générations et différentes méthodes de travail. Et c’est pourtant une nécessité aujourd’hui.

J’ai 50 ans donc je sais tout !

Pour autant, il faut éviter l’écueil du énième réquisitoire (exercice stérile) contre une société qui transforme inéluctablement ses seniors en victimes. Si la fascination pour la jeunesse nuit évidemment à l’émergence d’un management durable au plein sens du terme, il faut admettre que trop de cadres d’entreprises ayant atteint la cinquantaine ont le sentiment, injustifié, de n’avoir plus rien à apprendre.

Au-delà des questions d’âge, cette fermeture à l’acquisition de connaissances supplémentaires et autres talents innovants représente un problème de fond. Psychologiquement parlant, la vieillesse se définit par l’incapacité à intégrer de nouveaux changements qu’ils soient d’ordre affectif ou cognitif. Nous sommes par exemple frappés de voir qu’aux Etats-Unis on crée de véritables villages de seniors. Ces endroits sont conçus pour des gens qui ne veulent plus avoir à changer et s’adapter, mais désirent au contraire organiser un univers à leur image. Cette tendance commence d’ailleurs à se développer en France. Par extension, dans les entreprises, de nombreux individus manifestent cette propension. Bien évidemment, toute la dynamique de l’entreprise s’en ressent et les décideurs ont souvent des difficultés à gérer cette situation, quand ils y parviennent. En d’autres termes, le management durable peut bel et bien exister, à condition que les individus acceptent de se modifier et d’évoluer dans la durée, bref, de continuer à apprendre. Facile à dire mais dans la pratique, il est impossible de décréter l’aptitude au changement. Ce changement doit d’ailleurs pour être fluide, être accompagné. Le changement ne va pas efficacement sans accompagnement.

Beaucoup de grandes entreprises comptent dans leurs rangs des individus qui ne souhaitent plus, ou pensent, ne plus pouvoir évoluer. Et cela crée des points de blocage dans les différents services, génère du stress au sein des équipes et finalement entrave la productivité de l’entreprise donnant parfois nécessaire à des crises. Dans notre travail de consultant en gestion de crise, nous sommes très régulièrement confrontés à cette réalité.

Les dirigeants français sont vraiment à la recherche de nouvelles grilles d’interprétation et de nouveaux modes opératoires pour éviter les crises.

Le management durable, c’est l’aptitude au changement durable

La réflexion sur le management durable n’a rien d’une figure de style mais correspond au contraire, à des préoccupations concrètes vécues au niveau des dirigeants. Alors bien sûr, dans ce travail d’accompagnement où jeunes et «vieux» doivent collaborer, les cabinets de conseil ont un rôle important à jouer.

Une entreprise et donc son management, sont durables dans la mesure où les décideurs acceptent réellement de casser les certitudes existantes pour en reconstruire d’autres, d’explorer de nouvelles méthodes de travail et d’oser briser les fatalités.

Il faut souligner quelques contradictions. On peut tous tomber d’accord pour affirmer que le management durable passe par la capacité de gérer des changements et des mutations en profondeur, sur le long terme. Toutefois, nous notons que les dirigeants d’agences de communication à Paris comme ailleurs recommandent le changement mais reprochent encore trop souvent à leurs consultants en communication d’innover trop souvent en créant de nouvelles méthodes d’approche sans parler des acronymes. Il est d’ailleurs exact que ces effets de modes sont parfois un peu excessifs.

Est-ce à dire que le changement c’est bon pour les autres et moins pour soi-même ? Le débat sur la durabilité des managers, des équipes en place ou même des consultants illustre une réalité démographique que nous connaissons tous: la durée de la vie s’allonge, les carrières vont donc devoir être plus longues et finalement, les entreprises se préparent à devoir gérer les individus plus longtemps et donc à les faire évoluer. Soutenir que les entreprises sont enthousiastes à ce sujet serait pour le moins exagéré. Mais sur le terrain, il n’y aura guère moyen de faire autrement.

La responsabilité des managers est de conserver les individus en capacité de changer sur le plan comportemental. La dimension psychologique de ce problème est bien sûr importante puisqu’il concerne des individus, mais il ne faut pas perdre de vue le caractère systémique de ce que doit être une prestation de conseil. Etablir un diagnostic objectif, extérieur est au coeur même de la relation entre un consultant et son client. Or, nous remarquons que la baisse continue de la culture générale chez les générations plus jeunes risque d’affecter à terme la qualité et la profondeur du regard du consultant en communication de crise.

Une autre façon d’écorner le jeunisme ambiant que vous décrivez dans votre question : acquérir une bonne culture générale et de l’expérience, cela demande en effet du temps. Et donc, la capacité de manager et de s’auto-manager dans la durée. Oui, le management durable n’est pas un faux débat.