Guide pratique pour les chefs d’entreprise : réagir à une information fausse dans la presse

erreur

Une information erronée publiée sur votre entreprise peut causer de sérieux dommages à votre réputation et à votre valorisation. En tant que dirigeant d’entreprise (que vous gériez une PME familial ou un grand groupe industriel), il est essentiel de savoir comment réagir de manière structurée et efficace lorsqu’un article d’un journaliste contient des informations fausses ou trompeuses.

Identifier les types d’erreurs journalistiques

Avant d’agir avec votre agence de communication, déterminez quelle(s) erreur(s) l’article contient. Les journalistes peuvent commettre différentes formes d’erreurs, involontaires ou non, qui nécessitent des approches légèrement différentes :

  • Erreur factuelle : une donnée objective est fausse (date, chiffre, nom…). Exemple : un chiffre de vente ou une date d’événement est incorrect. Parfois, il s’agit d’une coquille mineure (un zéro en trop) qui ne change pas fondamentalement le sens, mais même une erreur bénigne mérite d’être signalée.

  • Citation déformée ou sortie de son contexte : vos propos ou ceux d’un collaborateur sont mal retranscrits, partiels ou altérés, donnant un sens inexact. Exemple : une phrase que vous avez dite est tronquée, conduisant à une interprétation erronée de votre message.

  • Accusation infondée : l’article vous attribue des faits graves sans preuve, ou avance une allégation erronée portant atteinte à l’honneur de l’entreprise. Exemple : on vous accuse de pratiques illégales ou contraires à l’éthique sans fondement avéré.

  • Interprétation biaisée : sans qu’une donnée précise soit fausse, le journaliste propose une lecture très orientée des faits, pouvant induire le public en erreur. Exemple : l’article rapproche des faits de manière tendancieuse ou omet des éléments de contexte importants, donnant une image injustement négative de la situation.

  • Autres erreurs : orthographe d’un nom propre, confusion entre deux personnes ou entités, image mal légendée, etc.

Attention : ne confondez pas un article défavorable avec un article erroné insiste Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom. Un journaliste a parfaitement le droit de porter un regard critique sur votre entreprise, votre style de management, votre stratégie ou vos résultats. Si l’article de presse est négatif dans le ton mais factuellement exact, vous ne pouvez pas exiger une correction au titre de l’erreur. Concentrez-vous donc sur les éléments objectivement faux ou trompeurs.

Vérifier et qualifier l’erreur

Une fois l’erreur identifiée, vérifiez rigoureusement les faits de votre côté. Il faut vous assurer à 100 % que c’est bien le média qui se trompe et non votre entreprise :

  • Rassemblez vos preuves : données internes, documents officiels, enregistrements de l’interview si disponible, échanges d’emails… Tout élément concret appuyant la vérité sera précieux pour démontrer l’erreur au journaliste.

  • Évaluez la gravité et l’impact : une coquille mineure sans conséquence sur le fond n’a pas la même portée qu’une accusation erronée de fraude. Toutefois, même une petite erreur mérite correction par principe d’exactitude. Classez l’erreur en bénigne, significative ou grave selon son effet sur le sens de l’article et sur l’image de l’entreprise.

  • Est-elle isolée ou y en a-t-il plusieurs ? Parfois, une erreur en cache d’autres. Relisez l’article entièrement.

  • Déterminez si l’erreur relève de la déontologie ou du droit : une simple imprécision factuelle relève de la déontologie (bonne pratique journalistique) et se réglera souvent à l’amiable. En revanche, une allégation très grave et fausse peut relever du domaine juridique (diffamation).

Exemple concret : vous découvrez un article où l’un de vos produits est présenté comme ayant échoué à un test de sécurité, alors qu’il n’en est rien. C’est une erreur factuelle significative : elle peut faire douter de la qualité de vos produits et affecter la confiance des clients. Vous réunissez donc le certificat de conformité du produit et le rapport d’audit prouvant qu’il a réussi les tests. Vous êtes ainsi prêt à démontrer clairement l’erreur au journaliste.

En qualifiant bien l’erreur et son importance, vous pourrez adapter votre démarche : courriel poli pour une petite correction, ou réaction plus formelle pour une erreur majeure.

Prendre contact avec la rédaction : qui et quand ?

Une fois sûr de l’erreur, réagissez rapidement. Plus une information fausse circule, plus les dégâts potentiels augmentent (partages sur les réseaux, reprises par d’autres médias, etc.). Idéalement, contactez la rédaction dans les heures qui suivent la publication en ligne de l’article erroné, ou dès que possible après avoir lu un papier imprimé.

Qui contacter exactement ? Cela dépend de la situation :

  • Le journaliste auteur de l’article : c’est généralement votre premier interlocuteur. C’est lui qui a écrit l’information erronée, il est donc le mieux placé pour comprendre le problème et le corriger rapidement.

  • Le rédacteur en chef ou un responsable éditorial : si vous n’avez pas de réponse rapide de l’auteur, ou si l’article contient des accusations graves, n’hésitez pas à monter d’un cran. Pour trouver le bon contact, consultez l’ours (encadré des mentions légales du journal) ou le site web du média.

  • Le médiateur ou ombudsman du média : certains grands médias ont un médiateur chargé des relations avec le public.

  • Le service juridique du média : on le contacte généralement dans les cas les plus contentieux (menace de procès, droit de réponse formel).

Conseil : commencez toujours par l’approche la plus directe et informelle (le journaliste), sauf cas très graves. Escaladez aux niveaux supérieurs seulement si nécessaire.

Comment contacter le journaliste : canaux et message efficace

Une fois la personne ciblée identifiée, choisissez le bon canal de communication :

  • Email (courriel) : c’est souvent le moyen le plus approprié. Il permet d’exposer clairement les faits, de joindre des documents si besoin, et de garder une trace écrite.

  • Téléphone : pour une correction très urgente, un appel téléphonique peut accélérer le processus.

  • Message privé sur les réseaux sociaux : si vous n’avez ni email ni téléphone, vous pouvez tenter un message direct sur Twitter (X) ou LinkedIn, surtout si le journaliste est actif sur ces réseaux.

  • Évitez l’interpellation publique immédiate : cela peut braquer le journaliste et l’humilier devant son audience, ce qui n’est pas propice à une correction sereine.

Délai de réaction : ne tardez pas. Si vous envoyez un email mais n’avez pas de retour sous 24 à 48 heures, relancez.

Contenu d’un message efficace :

  1. Identifiez-vous clairement.

  2. Référencez l’article précis.

  3. Expliquez en quoi il y a erreur.

  4. Apportez la correction avec preuves à l’appui.

  5. Restez neutre et constructif.

  6. Proposez votre aide.

Exemple de courriel initial :

« Bonjour M. Dupont,
Je me permets de vous contacter au sujet de votre article “Nouvelles mesures fiscales” paru le 10 avril dans Les Échos. Dans cet article, il est indiqué que XYZ Corporation a été condamnée pour fraude fiscale en 2023. Or, cette information est fausse : notre entreprise n’a fait l’objet d’aucune condamnation. Nous avons au contraire été contrôlés sans redressement (voir attestation jointe de l’administration fiscale). Cette nuance est essentielle car l’article actuel porte gravement atteinte à notre réputation.
Pour le respect de vos lecteurs et de la vérité des faits, je vous saurais gré de bien vouloir rectifier cette erreur. Je reste bien entendu à votre disposition pour échanger à ce sujet.
Cordialement,
[Votre Nom] – Président de XYZ Corporation. »

Adopter le bon ton : courtois mais ferme

Le ton de vos échanges est crucial pour obtenir gain de cause. Il s’agit de construire une relation de résolution de problème, pas un conflit personnel :

  • Courtoisie et respect : commencez toujours par présumer la bonne foi du journaliste.

  • Fermeté sur les faits : soyez catégorique sur le caractère erroné de l’information.

  • Constructif et collaboratif : positionnez-vous comme quelqu’un qui aide le média à offrir la meilleure information possible.

  • Professionnel, pas émotionnel : si l’article vous met en colère ou vous blesse, il est normal d’être remonté. Néanmoins, il faut garder les émotions négatives hors de la communication officielle.

  • Évitez les menaces immédiates : même si vous envisagez en dernier recours un procès ou autre, il est souvent contre-productif de brandir la menace juridique dès le premier contact.

En résumé, “courtois mais ferme” doit être votre mantra.

Arguments et références à mobiliser

Pour convaincre le journaliste ou la rédaction de corriger, appuyez-vous sur des arguments solides, à la fois factuels et déontologiques :

  • Les faits vérifiables : apportez des données prouvant sans ambiguïté le caractère faux de l’information.

  • L’impact de l’erreur : expliquez brièvement en quoi laisser l’erreur non corrigée pose problème.

  • Le rappel des obligations déontologiques : mentionnez les principes éthiques du journalisme qui encouragent la correction des erreurs.

  • Le cadre légal en arrière-plan : la loi sur la presse (loi du 29 juillet 1881) offre notamment un droit de réponse aux personnes mises en cause.

  • Les références externes : vous pouvez citer le Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation (CDJM) qui promeut les bonnes pratiques.

  • Offre d’apporter un complément : si pertinent, proposez de fournir un droit de réponse rédigé ou une version corrigée du passage.

Utilisez ces arguments avec mesure et tact, d’abord pour prouver l’erreur et demander la correction, puis en appui si on vous oppose une fin de non-recevoir.

Si le média refuse de corriger : vos recours

Malgré tous vos efforts, il arrive que la rédaction refuse de donner suite ou ignore votre demande. Des recours existent.

7. a) Exercer votre droit de réponse

C’est le recours prévu par la loi pour quiconque est mis en cause par un média :

  • Envoyez une demande officielle au directeur de la publication : cette demande doit être écrite, généralement sous forme de lettre recommandée. Indiquez précisément l’article mis en cause, l’information que vous contestez et le texte de votre réponse.

  • Respectez les délais légaux : vous disposez de 3 mois maximum à compter de la publication de l’article pour exercer un droit de réponse.

  • Rédigez un texte concis et factuel : le droit de réponse doit être de longueur raisonnable et aller à l’essentiel.

  • Le média a l’obligation de publier rapidement : une fois votre demande reçue, le directeur de la publication est tenu d’insérer la réponse dans un délai court ou dans le prochain numéro.

  • En cas de refus de publication : vous pouvez saisir le tribunal en référé pour faire ordonner la publication forcée de la réponse ou engager des poursuites pénales.

Le droit de réponse est un outil puissant pour rectifier publiquement une information fausse.

7. b) Saisir le CDJM (Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation)

Le CDJM est une instance d’autorégulation de la presse qui examine les manquements déontologiques signalés par le public :

  • Rendez-vous sur le site du CDJM et utilisez le formulaire de saisine.

  • Le CDJM instruit le cas de manière contradictoire.

  • Après délibération, il rend un avis. Cet avis n’a pas force de sanction juridique, mais a un poids moral et symbolique.

  • Souvent, la perspective d’un avis défavorable du CDJM incite un média à corriger le problème en amont.

7. c) Envisager une action en justice

C’est le dernier recours, quand le dialogue et les mécanismes précédents ont échoué ou que le préjudice est trop lourd :

  • La plainte en diffamation : si l’information fausse porte atteinte à votre honneur ou celui de l’entreprise, c’est un délit régi par la loi de 1881.

  • L’injonction ou action en responsabilité civile : demande en référé au tribunal d’ordonner la suppression ou la rectification de passages inexacts.

  • Plainte pour fausse nouvelle (rare) : vise la diffusion de fausses informations de nature à troubler la paix publique, dans des cas très particuliers.

Avant d’en arriver là, consultez un avocat spécialisé. Traîner un média en justice est une démarche lourde.

Délais à connaître et écueils à éviter

Maîtriser les délais

  • Droit de réponse : 3 mois après la publication pour envoyer la demande.

  • Diffamation : délai de prescription de 3 mois également.

  • Saisine du CDJM : pas de délai aussi strict, mais il vaut mieux saisir le Conseil dans les semaines qui suivent l’incident.

Éviter les erreurs stratégiques

  • Laisser l’erreur sans réponse : c’est le pire choix.

  • Agir dans la précipitation sans vérifier : risque de vous décrédibiliser.

  • S’éparpiller dans les reproches : restez concentré sur l’information fausse.

  • Adopter un ton agressif ou menaçant d’emblée : cela braquera la rédaction.

  • Médiatiser excessivement le conflit trop tôt : attention à l’effet Streisand.

  • Oublier l’interne : informez vos employés pour éviter la propagation de rumeurs.

Gérer la communication externe en parallèle

Tandis que vous traitez directement avec le média pour corriger l’erreur, n’oubliez pas de maîtriser la communication vers vos autres publics (clients, partenaires, employés, réseaux sociaux…).

  • Communication interne : informez vos collaborateurs.

  • Message aux partenaires et clients importants : prenez les devants si l’article peut inquiéter vos clients, investisseurs ou fournisseurs.

  • Communiqué de presse ou déclaration publique : si l’erreur fait déjà grand bruit, communiquez pour rétablir la vérité.

  • Réseaux sociaux de l’entreprise : diffusez la rectification sur vos canaux.

  • Interviews ou prises de parole : préparez-vous à répondre à d’autres journalistes.

  • Ne pas sur-communiquer : modulez votre communication externe en fonction de l’impact réel de l’erreur et de sa reprise.

Restez cohérent sur tous vos canaux. Alignez les éléments de langage en interne et en externe.

Conclusion et dernières recommandations

Faire face à une information fausse dans la presse est un défi, mais avec une approche méthodique, vous pouvez minimiser les dégâts et rétablir la vérité. En résumé :

  1. Vigilance : surveillez ce qui se dit de votre entreprise.

  2. Calme et analyse : identifiez précisément l’erreur et son importance.

  3. Contact rapide et direct : adressez-vous d’abord au journaliste ou à la rédaction, avec courtoisie et clarté.

  4. Relance et suivi : ne lâchez pas l’affaire, conservez les traces écrites.

  5. Appui sur la déontologie : rappelez les devoirs d’exactitude du journaliste.

  6. Utilisation des recours : droit de réponse, saisine du CDJM, procédure judiciaire en ultime recours.

  7. Communication maîtrisée : informez vos employés, partenaires et clients.

  8. Professionnalisme : un ton courtois mais ferme.

  9. Anticipation à l’avenir : tirez les leçons de cet incident.

En suivant ce guide pratique, vous agirez en dirigeant responsable, soucieux de défendre l’intégrité de votre entreprise tout en respectant le travail journalistique. La clé est de corriger l’erreur sans casser la relation avec les médias.

Votre réputation est un capital précieux : protégez-la avec détermination et intelligence. Une information fausse bien gérée peut souvent être désamorcée rapidement, et un média fautif en tirera leçon. Au final, chaque situation difficile est aussi l’occasion de montrer le professionnalisme et les valeurs de votre entreprise, y compris dans l’adversité médiatique. Bonne gestion de crise, et que la vérité triomphe !