- L’anticipation : clé de voûte de la communication de crise
- L’art difficile de la conférence de presse
- Le rôle crucial du media training
- De la pression à l’adrénaline : le quotidien d’un communicant de crise
- Éthique et limites : jusqu’où aller pour protéger un client ?
- Exemples concrets et gestion des réseaux sociaux
- L’avenir de la communication de crise : intelligence artificielle et défis à venir
- Quand « Image is everything » devient la règle
Note au lecteur : Cet entretien a été réalisé avec un communicant de crise chevronné, qui a souhaité préserver la confidentialité de ses clients. Son agence de communication de crise, basée à Paris, accompagne depuis plus de quinze ans des dirigeants, entreprises, personnalités politiques et people dans la gestion de situations sensibles et délicates.
Dans le monde des affaires, des médias et de la politique, l’image publique est un actif précieux et fragile. À l’ère numérique, une rumeur infondée peut se propager en quelques clics et provoquer de lourdes conséquences sur la réputation d’une personnalité ou d’une organisation. C’est là qu’interviennent les agences de communication de crise, en coulisses, pour protéger l’image de leurs clients. Mais que se passe-t-il réellement dans cet univers feutré où chaque mot compte, chaque geste est calibré, et où la transparence est souvent perçue comme une menace autant qu’une vertu ?
Nous avons rencontré ce communicant de crise d’expérience, pour comprendre ce qui se passe en amont et en aval des conférences de presse, des licenciements stratégiques de dirigeants, et des incidents qui pourraient ternir sérieusement l’image d’une entreprise. De l’appel téléphonique annonçant une crise imminente, au contrôle de la situation médiatique, en passant par la formation des porte-parole, le champ d’action de la communication de crise est vaste et souvent méconnu.
Comme le rappelait la légende du tennis Andre Agassi, « Image is everything ». Cet aphorisme pourrait résumer la philosophie de ce conseiller en communication de crise et de son équipe : tout faire pour préserver et contrôler l’image de leurs clients. Dans cet entretien, vous découvrirez quelles sont les coulisses de cette discipline exigeante, les éléments déclencheurs d’une crise et les stratégies mises en place pour éviter que les médias ne s’emparent d’informations préjudiciables.
Nous publions ici la transcription intégrale – ou presque – d’un long entretien qui nous a permis d’appréhender toute la complexité et les subtilités d’une profession encore peu connue du grand public.
« Comment les choses se passent dans le monde des “grands de ce monde” ? Ma question est volontairement provocatrice, mais nous vous apercevons souvent à la télévision, dans un coin, lors des conférences de presse de crise, ou derrière une personnalité publique connue malmenée par les journalistes. Avant d’arriver là, comment vos clients vous contactent-ils ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les coulisses de l’appel à l’agence de communication de crise ? Par exemple, quand un client décide d’annoncer un licenciement stratégique d’un CEO ? »
« Vous touchez, en effet, au cœur de notre métier. Pour reprendre votre exemple : disons qu’un actionnaire majoritaire s’apprête à congédier son CEO. Très souvent, il contacte notre agence avant même d’annoncer officiellement la nouvelle au dirigeant concerné. Vous pourriez vous demander : pourquoi faire appel à nous si tôt ? Eh bien, la raison est relativement simple : dans nos métiers, tout est question d’anticipation et de préparation.
Il s’agit, au moment où l’actionnaire majoritaire prend sa décision, de savoir quels éléments de langage adopter, quels mots préciser et quel angle mettre en avant vis-à-vis des journalistes. Il faut être capable d’expliquer, ou du moins de présenter de façon cohérente et solide, la stratégie de l’entreprise après le licenciement du CEO : pourquoi ce départ était-il nécessaire, dans quelles conditions s’effectue-t-il, quelles perspectives à moyen et long terme pour l’organisation ?
Dans ce type de situation, le fait de travailler main dans la main avec l’équipe dirigeante – et parfois l’équipe juridique de la société – nous permet de rédiger le communiqué de presse officiel, de préparer la conférence de presse éventuelle, ainsi que les sessions de “media training” pour les porte-parole. Ce dernier aspect est essentiel. Face aux journalistes, surtout s’ils sont remontés, chaque mot prononcé peut être repris, déformé, amplifié. Nous formons donc nos clients à répondre de manière précise, à être clairs, à éviter les faux-pas verbaux qui pourraient compromettre la transition, ou pire, donner l’impression qu’il y aurait anguille sous roche.
De plus, dans ces périodes turbulentes, on voit souvent le CEO sortant communiquer aussi de son côté. Il a sa propre stratégie de défense, son propre entourage, ses réseaux médiatiques et éventuellement des soutiens. Notre rôle consiste alors à renforcer le positionnement de notre client, à maîtriser la façon dont l’information est perçue, pour éviter qu’une éventuelle cacophonie médiatique ne vienne affaiblir le message de l’actionnaire majoritaire.
Dans le monde des affaires, il est très fréquent que des agences comme la nôtre gèrent plusieurs dossiers de crise simultanément : un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) en cours, le départ précipité d’un PDG, une fusion qui soulève des protestations syndicales, ou encore des affaires de harcèlement interne qui commencent à fuiter dans la presse. Et chaque cas est unique. Nous adaptons donc notre stratégie de communication de crise en fonction de la nature de la situation, de l’état d’esprit des parties prenantes et de l’actualité.
Notre mission première – et ça peut paraître un peu froid ou cynique – consiste à contrôler l’image publique de nos clients, à la protéger et parfois même à l’embellir. Comme le soulignait André Agassi : “Image is everything”. Il faut le comprendre littéralement quand on est confronté à une vague d’articles négatifs qui peuvent se répandre à une vitesse fulgurante. Et si l’on agit trop tard, la réputation est déjà entachée, voire lourdement endommagée. D’où l’importance de nous contacter tôt. »
L’anticipation : clé de voûte de la communication de crise
« Vous venez d’employer le mot “anticipation”. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette préparation en amont ? Prenons un cas fictif : une multinationale soupçonne qu’un scandale va éclater dans la presse, que faites-vous ? »
« La communication de crise, c’est effectivement 90 % de préparation, et 10 % d’improvisation. Lorsque vous savez ou soupçonnez qu’un scandale est sur le point d’éclater, vous commencez à envisager différents scénarios de riposte ou de justification. Tout se fait en étroite collaboration avec les avocats, les juristes internes et l’équipe dirigeante :
- Collecte d’informations : Avant même d’élaborer un discours, nous recueillons tous les faits, toutes les données, documents, emails, rapports qui pourraient être utilisés par la presse ou les tribunaux. Nous cherchons à comprendre non seulement la vérité factuelle, mais également comment la nouvelle pourrait être perçue.
- Identification des enjeux : Ensuite, nous listons les parties prenantes potentiellement concernées : médias, associations, influenceurs, actionnaires, salariés, syndicats, etc. Quelles sont leurs attentes, leurs craintes, et comment pourraient-ils réagir ?
- Élaboration de scénarios : Sur la base de ces informations, nous construisons plusieurs scénarios d’évolution de la crise. Par exemple, scénario optimiste : l’affaire est finalement moins grave que prévu et la tempête médiatique retombe rapidement. Scénario pessimiste : la révélation prend une ampleur internationale, des plaintes s’enchaînent, et cela se transforme en véritable séisme médiatique.
- Préparation d’éléments de langage : Pour chaque scénario, on prépare des “éléments de langage” (en anglais, on parle de “talking points”) clairs et concis. C’est un travail de dentellière : chaque mot est pensé pour répondre aux attentes du public, désamorcer la colère, éviter la panique et préserver l’image de l’entreprise ou de la personnalité concernée.
- Media training : Une fois ces messages structurés, on forme les porte-parole. Comment rester zen face à une question piège ? Comment reconnaître sa part de responsabilité sans pour autant se mettre dans l’illégalité ou s’auto-incriminer ? Quels arguments solides mettre en avant pour calmer le jeu ?
- Outils de veille : Nous installons également toute une série d’outils de veille : alertes sur les réseaux sociaux, monitoring en temps réel des articles, des tweets et des posts Facebook ou LinkedIn. Cela permet de réagir immédiatement quand un nouveau rebondissement se produit.
- Plan d’actions concrètes : Enfin, nous fixons un plan détaillé sur la manière d’aborder la presse, de diffuser le communiqué, d’organiser, si nécessaire, une conférence de presse, et de répondre individuellement aux journalistes les plus influents.
Cette étape préparatoire est absolument cruciale. Ceux qui pensent que la communication de crise consiste simplement à “parler sous pression” se trompent. Plus la préparation est solide et nuancée, mieux on saura improviser le moment venu, car on aura déjà envisagé la plupart des questions délicates, voire des attaques potentielles. »
L’art difficile de la conférence de presse
« Vous parlez beaucoup de la conférence de presse. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez lorsque vous organisez un tel événement dans un contexte de crise ? »
« Ah, la conférence de presse… c’est souvent un moment-clé, un point d’inflexion dans la gestion d’une crise. D’abord, vous devez savoir si vous allez réellement en organiser une. En communication de crise, on aime dire qu’une conférence de presse n’est pas toujours nécessaire ; parfois, quelques interviews bien ciblées avec des médias précis sont plus efficaces.
Mais disons que vous décidez d’aller au “contact” des journalistes devant les caméras, pour montrer que vous n’avez rien à cacher. Les difficultés sont nombreuses :
- La préparation logistique : la salle, l’invitation des journalistes, la coordination avec l’équipe technique, la régie son, lumière… La moindre faille logistique peut nuire au sérieux du message.
- La scénographie : qui prend la parole, où se place-t-il, quel est l’arrière-plan ? Un PDG isolé derrière un pupitre peut paraître vulnérable. Plusieurs personnes assises à une même table peuvent dégager une image d’unité, mais aussi noyer le message.
- La gestion du temps : Il faut éviter les conférences-fleuves qui s’éternisent et finissent par ennuyer ou agacer les journalistes. Mais en même temps, il ne faut pas laisser l’impression qu’on fuit les questions.
- La maîtrise du discours : souvent, en situation de stress, les porte-parole peuvent se laisser emporter par l’émotion et parler trop. Or, donner trop de détails peut ouvrir la porte à des polémiques ou soulever de nouvelles questions sensibles.
- Les questions pièges : certains journalistes, surtout dans un contexte de crise, n’hésitent pas à adopter un ton accusateur ou à poser des questions agressives. Il s’agit alors de ne pas perdre son sang-froid, ni d’esquiver la question. L’enjeu est de trouver le bon équilibre entre la transparence et la protection de certaines informations confidentielles ou encore sous investigation légale.
- Le story-telling : au-delà des faits, il est parfois nécessaire de raconter une “histoire” qui permette au public de comprendre la situation et les décisions prises. Cela implique de maîtriser l’aspect narratif : “voici ce qui s’est passé, voici les responsabilités, voici ce que nous mettons en place pour remédier à la situation”.
Enfin, il faut garder en tête que la conférence de presse n’est pas une fin en soi, mais plutôt un début ou un jalon dans la gestion médiatique. Après la conférence, il faut analyser la couverture presse, les réactions sur les réseaux sociaux, et continuer à communiquer auprès des différents canaux. C’est un marathon, pas un sprint. »
Le rôle crucial du media training
« Vous avez évoqué le media training. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment formez-vous concrètement les dirigeants ou les personnalités à affronter la presse ? »
« Le media training est un volet majeur de notre travail. Il ne s’agit pas uniquement d’apprendre à “faire joli” devant une caméra, mais de savoir gérer la pression et la complexité des questions qui peuvent être posées.
Concrètement, nous organisons souvent des sessions intensives dans un studio que nous avons équipé pour simuler de véritables plateaux télé. Le client arrive, on l’installe face à une caméra, parfois un journaliste qui joue les contradicteurs, et on enregistre l’entretien. Ensuite, on lui fait un débrief détaillé : posture, élocution, langage du corps, clarté des arguments, pertinence des réponses.
- La posture : se tenir droit, regarder l’interlocuteur dans les yeux, ne pas gesticuler de manière nerveuse, éviter de jouer avec un stylo ou un papier.
- La voix : moduler son timbre, parler ni trop vite ni trop lentement, articuler, éviter les tics de langage (“euh”, “vous savez”, “en fait”).
- Le fond : être capable de répondre à une question de manière concise, structurée et pédagogique. Ne pas s’éparpiller dans des détails qui n’intéressent pas le public.
- La sérénité : face à une question hostile, on apprend à rester impassible, à prendre une légère respiration avant de répondre, à diffuser un sentiment de confiance.
Après ces exercices, on revoit la vidéo ensemble et on analyse chaque séquence. C’est souvent une expérience un peu douloureuse pour les participants, car se voir à l’écran avec ses défauts, son stress, ses petits tics, c’est déstabilisant. Mais c’est aussi le meilleur moyen de progresser.
À mesure que la crise évolue, les éléments de langage peuvent changer. On refait donc parfois plusieurs sessions de media training pour intégrer les nouveaux messages clés. C’est un processus continu, pas un one-shot. Et d’expérience, même les meilleurs orateurs peuvent faire un faux pas s’ils ne sont pas bien préparés au contexte tendu d’une crise médiatique. »
De la pression à l’adrénaline : le quotidien d’un communicant de crise
« Comment vit-on ces moments de forte pression au quotidien ? Entre le stress de la presse, les attentes du client, et la nécessité d’être sur tous les fronts en même temps, n’est-ce pas un métier très éprouvant ? »
« Je ne vais pas vous mentir : la communication de crise est un métier très prenant, avec des pics d’adrénaline assez élevés. Quand un client vous appelle en panique, qu’un scandale éclate un dimanche soir, vous devez être disponible, répondre, mobiliser vos équipes, commencer à rédiger un communiqué à minuit.
C’est un choix de vie. Certains professionnels de la communication préfèrent se spécialiser dans la publicité, la création de contenus, ou l’événementiel. Nous, dans la gestion de crise, nous savons que nous sommes en première ligne lorsque la tempête arrive.
Cela peut créer une forme de stress, mais aussi de l’excitation. On se sent utile, nécessaire. Et, il faut l’avouer, il y a une part de satisfaction à voir qu’une crise se résout ou s’atténue grâce à notre stratégie. C’est un peu comme un pompier qui éteint un incendie : c’est prenant et risqué, mais quand l’opération est réussie, on ressent un sentiment de fierté.
Après, il est évident qu’il faut savoir décompresser, lever le pied quand c’est possible. Nos journées peuvent être très longues, surtout quand il y a des clients basés dans différents fuseaux horaires. On peut passer d’un briefing de crise à Paris, à un appel avec Hong Kong en pleine nuit, puis à une visioconférence avec New York au petit matin. C’est un rythme qui ne pardonne pas.
La clé, selon moi, réside dans la capacité à maintenir une bonne hygiène de vie, à déléguer à des équipes de confiance et à poser des limites lorsqu’il n’y a pas d’urgence vitale. Il est certain que tout le monde ne tient pas le choc : j’ai vu des collègues quitter ce secteur car la pression était trop forte ou que cela empiétait trop sur leur vie familiale.
Mais dans l’ensemble, c’est un métier passionnant pour qui aime le défi, la réactivité, la stratégie et le contact humain. On se trouve souvent au cœur de décisions majeures, on côtoie des dirigeants qui ont un impact considérable sur l’économie ou la politique. C’est assez fascinant, même si ça peut aussi être moralement complexe, car nous sommes les “spin doctors” de l’ombre. Nous ne prenons pas les décisions de licenciement ou de fusion, nous les communiquons. Il faut parfois composer avec des décisions qui ne nous plaisent pas forcément. Mais c’est là toute la déontologie de notre métier. »
Éthique et limites : jusqu’où aller pour protéger un client ?
« Vous parlez de déontologie. Comment gérez-vous l’aspect éthique ? Existe-t-il des situations où vous refusez de travailler pour un client, ou de communiquer sur un dossier, parce que vous jugez cela contraire à vos valeurs ? »
« Oui, absolument. L’un des mythes qui entourent la communication de crise, c’est l’idée que nous serions prêts à tout pour protéger un client, y compris mentir ou manipuler les faits. Ce n’est pas tout à fait vrai. D’abord, notre crédibilité est en jeu : si nous mentons sciemment et que le mensonge est découvert, c’est nous-mêmes qui perdons toute légitimité, et plus personne ne fera appel à nous.
Ensuite, nous avons une charte éthique en interne. Nous refusons, par exemple, de défendre des causes qui violent les droits de l’homme ou qui vont à l’encontre de la loi. Nous avons déjà décliné des clients douteux, je ne donnerai pas de noms, mais qui cherchaient à “blanchir” leur image alors qu’il y avait des accusations très graves de corruption ou de crimes environnementaux.
En communication de crise, il y a une différence entre “mettre en perspective” ou “expliquer” la réalité, et “falsifier” la réalité. Nous sommes sur une ligne de crête. Bien sûr, nous allons tenter de donner la version la plus favorable des faits pour nos clients, en soulignant les aspects positifs, en minimisant les impacts négatifs, à condition que ça reste dans les limites de la vérité légale et de la décence.
Il nous est arrivé de dire à un client : “Écoutez, si vous avez réellement commis cette faute, assumez-la publiquement, présentez des excuses, proposez un plan d’action pour ne pas que cela se reproduise. C’est la seule façon de gérer cette crise.” Certains clients acceptent, d’autres refusent et changent d’agence.
Notre rôle consiste aussi à conseiller nos clients sur la voie la plus crédible et la moins risquée à moyen terme. Mentir peut paraître plus simple sur le moment, mais c’est se tirer une balle dans le pied si, plus tard, la vérité émerge. Or, la vérité finit souvent par émerger, surtout à l’ère des réseaux sociaux et des lanceurs d’alerte.
Donc, oui, il y a une éthique. Nous ne sommes pas des avocats, nous ne plaidons pas pour gagner à tout prix, nous sommes des communicants de crise spécialisés dans la communication sous contrainte judiciaire : notre crédibilité et notre réputation sont notre capital le plus précieux. Le perdre reviendrait à se couper définitivement du marché. »
Exemples concrets et gestion des réseaux sociaux
« Pouvez-vous nous donner un exemple, sans citer de noms, d’une crise que vous avez réussie à contenir grâce à votre intervention ? Comment avez-vous procédé ? »
« Je vais vous donner un exemple généraliste, mais qui illustre bien comment cela se passe. Nous avons travaillé pour une entreprise du secteur agroalimentaire, confrontée à des soupçons de contamination d’un lot de produits. Les médias commençaient à s’emparer de l’affaire, des influenceurs sur les réseaux sociaux appelaient au boycott, et plusieurs associations de consommateurs se préparaient à alerter l’opinion publique.
Dès que nous avons été sollicités, nous avons fait un état des lieux précis :
- D’où vient la rumeur de contamination ?
- Existe-t-il des preuves tangibles ?
- L’entreprise a-t-elle fait des contrôles sanitaires ?
Nous avons découvert que l’entreprise avait mené des tests internes prouvant qu’il n’y avait pas de contamination sur le lot incriminé. Mais ces tests, réalisés en interne, n’étaient pas jugés crédibles par les consommateurs. Nous avons donc conseillé à notre client de faire appel à un laboratoire indépendant, réputé, pour refaire les analyses et publier les résultats de manière transparente.
Ensuite, nous avons mis en place une cellule de crise, et un plan de communication pour informer les médias et les associations de consommateurs :
- Communiqué officiel : annonçant la mise en place de ce test indépendant et rappelant l’importance de la qualité pour l’entreprise.
- Conférence de presse : pour expliquer les démarches, présenter l’historique de l’entreprise en matière de normes sanitaires, répondre aux questions.
- Campagne sur les réseaux sociaux : pour dialoguer directement avec les consommateurs inquiets, leur donner la possibilité d’échanger avec un porte-parole de la société et de poser des questions en direct.
- Interviews ciblées : avec des médias spécialisés dans l’agroalimentaire, afin de présenter les protocoles de contrôle en détail.
En parallèle, nous avons formé le dirigeant et les cadres à répondre aux questions les plus sensibles :
- “Pourquoi tant de suspicions ?”
- “Avez-vous déjà eu des scandales similaires ?”
- “Allez-vous indemniser les consommateurs qui ont jeté leurs produits par précaution ?”
Au final, les tests indépendants ont confirmé qu’il n’y avait pas de contamination. La communication transparente a permis de rassurer les consommateurs, de calmer les associations, et la crise est retombée en moins d’une semaine.
Cet exemple montre à quel point la gestion des réseaux sociaux est cruciale. Aujourd’hui, la presse classique n’est plus le seul arbitre : un simple tweet virulent peut faire boule de neige. Il faut donc déployer une stratégie digitale adaptée, où l’on est capable de s’expliquer sur Twitter, Facebook, Instagram, parfois TikTok, en fonction du public visé.
La réactivité est essentielle : si vous laissez proliférer les fausses rumeurs pendant 48 heures, vous vous retrouvez avec des centaines de messages négatifs. Le temps de réaction en communication de crise s’est considérablement raccourci. On ne peut plus attendre la réunion du lundi matin pour réagir. »
L’avenir de la communication de crise : intelligence artificielle et défis à venir
« Voyez-vous des évolutions majeures dans les prochaines années pour votre secteur ? Notamment avec l’apparition de l’intelligence artificielle, des deepfakes, etc. »
« Tout à fait. L’avenir de la communication de crise sera probablement marqué par une montée en puissance des technologies d’IA, des algorithmes de veille et de prédiction des crises. On voit déjà des outils capables d’analyser en temps réel des millions de publications sur les réseaux sociaux et de repérer les signaux faibles d’une crise naissante. Cela permettra aux agences de crise de détecter plus tôt les rumeurs ou les controverses.
En parallèle, on voit émerger les “deepfakes” : ces vidéos truquées, mais très réalistes, où l’on peut faire dire à quelqu’un ce qu’il n’a jamais dit. Cela va poser un défi colossal pour vérifier la véracité des contenus. Les entreprises et personnalités devront se prémunir contre ces attaques sophistiquées, et nous devrons être capables de démontrer rapidement qu’une vidéo est un faux, sous peine de voir leur réputation détruite en quelques heures.
La question de la confiance numérique va donc devenir de plus en plus centrale. Des entreprises vont certifier leurs contenus via la blockchain ou d’autres systèmes d’authentification. Mais il y aura toujours une course entre ceux qui créent la désinformation et ceux qui la démantèlent.
Sur un plan plus humain, je pense aussi que la société demande davantage de transparence et de responsabilité de la part des grandes entreprises et personnalités. Les communicants de crise devront apprendre à conjuguer discours corporate et exigences éthiques. L’époque où l’on pouvait “étouffer” les affaires en achetant le silence de certains médias est révolue. L’information circule sur des canaux multiples, et le public est de plus en plus vigilant.
Enfin, il y a une montée en puissance des micro-influenceurs, des citoyens-journalistes, qui peuvent faire émerger un scandale depuis leur smartphone. La communication de crise devra donc être encore plus à l’écoute, plus réactive, et plus enracinée dans la sincérité. Car si l’on est pris en flagrant délit de manipulation, la sanction est immédiate et parfois irréversible. »
Quand « Image is everything » devient la règle
« Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à une entreprise ou une personnalité qui souhaiterait se prémunir contre les crises médiatiques ? »
« Mon premier conseil serait de ne pas attendre que la crise éclate pour réfléchir à sa communication. Il faut envisager dès maintenant les vulnérabilités potentielles : problèmes de conformité, tensions internes, fautes passées, etc. Avoir un plan de crise, même sommaire, ça peut faire gagner un temps précieux.
Le deuxième conseil, c’est de cultiver une vraie culture de transparence, au moins en interne. Si la direction est honnête avec ses collaborateurs, qu’elle n’essaye pas de camoufler systématiquement les problèmes, elle pourra s’appuyer sur leur soutien en cas de coup dur. Les salariés peuvent être les meilleurs ambassadeurs ou, au contraire, les pires détracteurs d’une entreprise.
Troisièmement, investir dans la relation média sur la durée. Ne pas voir les journalistes comme des ennemis, mais comme des partenaires potentiels d’un dialogue continu. Si votre seule interaction avec la presse a lieu quand vous êtes en crise, vous partez avec un handicap.
Enfin, je citerai encore une fois André Agassi : “Image is everything”. Cela ne veut pas dire qu’il faut être superficiel ou mentir. Cela veut dire qu’il faut prendre conscience du fait que votre image, votre réputation, c’est votre atout numéro un. Prenez-en soin, soyez cohérents, soignez votre communication, et vous serez mieux armés quand la tempête médiatique se lève.
La communication de crise n’est pas une baguette magique. Elle ne remplacera jamais des actes concrets pour résoudre la source profonde d’une crise. Mais, bien utilisée, elle peut amortir le choc, protéger l’essentiel et vous donner le temps d’opérer les changements nécessaires pour sortir grandi d’une situation délicate. »
Dans un monde où l’opinion publique est volage, où les réseaux sociaux font et défont des réputations en quelques instants, la communication de crise apparaît comme un art subtil, mêlant psychologie, rhétorique, sens stratégique et respect – ou du moins prise en compte – de l’éthique.
Alors que nous le voyons régulièrement à la télévision, en retrait derrière un dirigeant ou un politicien en difficulté, nous savons désormais qu’il n’est pas juste un “conseiller occulte”. Il est aussi l’un des maillons essentiels d’un système où l’information fait loi, où la moindre incertitude peut coûter des millions, et où tout faux pas se transforme en feu de forêt médiatique.
La communication de crise, c’est un métier de l’ombre, avec des succès silencieux. Les plus grandes victoires sont celles dont on ne soupçonne même pas l’existence, parce que le scandale ne s’est jamais produit ou est resté sous contrôle. Que ce soit pour congédier un CEO, gérer une rumeur de contamination, ou affronter une crise de réputation sur les réseaux sociaux, les communicants de crise sont là pour organiser la parole, mettre en scène la réponse, et calmer la tempête.
Si « Image is everything » est un mantra parfois décrié – certains y voient la marque d’une superficialité ou d’un cynisme – il cache aussi une réalité plus profonde : la réputation est au cœur de la confiance, et la confiance est le nerf de la réussite, qu’elle soit économique, politique ou sociale.
Dans cet entretien de fond, nous avons entrevu les coulisses de ce métier qui, paradoxalement, est souvent décrié et méconnu. Derrière l’exercice du “spin doctor”, il y a une méthode, un savoir-faire, et souvent une ligne éthique qui impose des limites. On peut s’en réjouir, car dans un monde où la désinformation prolifère, la crédibilité et la sincérité relative d’un communicant de crise peuvent faire la différence entre une situation passagère et un désastre irréversible.
Loin des fantasmes d’une “propagande sans foi ni loi”, les agences de communication de crise opèrent dans un espace de négociation complexe, où le mensonge peut coûter très cher, et où la nuance est reine. Comme dans tout domaine, il y a des acteurs plus ou moins vertueux. Mais tant qu’il existera des crises, il y aura besoin d’experts pour les gérer, pour éviter que la peur ou la panique n’emportent le débat public, et pour tenter, parfois, de faire entendre une vérité plus nuancée que les rumeurs qui circulent à la vitesse de la lumière.
C’est, finalement, toute l’ambiguïté de la communication de crise : à la fois une arme redoutable pour façonner l’opinion, et un bouclier pour préserver des intérêts légitimes. Et si, dans un sens, « Image is everything », alors mieux vaut se donner les moyens de la soigner et de la défendre avec professionnalisme et un zeste de morale.
Nous quittons ce communicant de crise en gardant à l’esprit que ce métier, méconnu et parfois craint, constitue un rouage essentiel de notre société médiatique. Derrière chaque grand scandale, derrière chaque démission soudaine, il y a certainement une équipe comme la sienne qui s’efforce d’anticiper, de structurer le discours et de minimiser les dégâts. Un travail de l’ombre auquel nous ne prêtons parfois attention que lorsque la lumière des projecteurs est déjà braquée sur la scène.
« Comment les choses se passent dans le monde des grands de ce monde ? Ma question est volontairement excessivement provocatrice mais nous vous apercevons souvent à la télévision dans un coin dans les conférences de presse de crise ou derrière une personnalité publique connue malmenée par les journalistes, avant d’arriver là, comment vos clients vous contactent, etc… Peut-on en savoir plus sur les coulisses de l’appel à l’agence de communication de crise par exemple quand un client décide d’annoncer un licenciement stratégique d’un CEO ? »
Quand un client, par exemple un actionnaire majoritaire se prépare à congédier son CEO, il appelle en général notre agence de communication de crise à Paris, avant même d’annoncer la nouvelle au CEO concerné.
Afin de savoir comment «communiquer» la nouvelle aux médias. Savoir quels mots choisir, quels points souligner auprès des journalistes sur le bilan du CEO, sur l’avenir de la stratégie de l’entreprise, etc…
C’est alors notre agence de gestion de crise à Paris qui prépare la conférence de presse, le communiqué de presse, la formation Mediatraining pour s’entraîner à affronter les questions difficiles des journalistes sur le sujet sensible etc…
Nous aidons nos clients à affronter les journalistes afin que leurs messages s’imposent face à ceux du CEO et de son entourage. Dans le monde des affaires, il est fréquent que des agences de communication de crise comme la nôtre traitent de plusieurs dossiers de crise en même temps, PSE, départ d’un PDG, …. Nous aidons nos clients selon les circonstances à protéger leur réputation et à maitriser leur image grâce à une communication de crise adaptée.
C’est Andre Agassi qui le disait: Image is everything! Notre mission première est le contrôle de cette image.