Rédaction de guides internes de communication de crise d’entreprises
Les crises frapperont tôt ou tard – ce n’est qu’une question de quand, pas de si rappelle Florian Silnicki, Expert en communication de crise à la tête de l’agence LaFrenchCom. Si votre entreprise n’a pas de guide interne de communication de crise, vous jouez avec le feu. En pleine tempête médiatique ou opérationnelle, improviser n’est pas une stratégie mais une recette pour aggraver la situation. Ne pas avoir ce plan, c’est comme naviguer en pleine tempête sans boussole ni gilet de sauvetage. Comme le disait Benjamin Franklin : « En ne vous préparant pas, vous vous préparez à échouer. ». Dirigeants et communicants, voici pourquoi ce guide est indispensable, comment le bâtir correctement et les erreurs fatales à éviter.
Sans guide interne, bonjour les dégâts : pourquoi ce manuel est vital
Ne pas disposer d’un guide de communication de crise, c’est s’exposer à des erreurs coûteuses. L’expert en gestion de crise le souligne : « L’absence d’un plan de communication de crise mène souvent à des erreurs fatales, telles que des messages contradictoires ou des délais de réponse excessifs ». En clair, sans plan, chaque décideur y va de sa solution improvisée – et c’est la cacophonie. Messages discordants, silences prolongés, informations erronées : le chaos s’installe.
Des exemples concrets ? BP en 2010, suite à l’explosion de Deepwater Horizon, a réagi de manière désastreuse. Leur communication initiale a été maladroite, manquant d’empathie et minimisant la gravité de la situation – un cocktail toxique qui a transformé BP en symbole d’irresponsabilité environnementale et détruit sa réputation pendant des années. Sans guide clair, les dirigeants de BP ont gaffé en série, offrant un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire. Autre scénario courant : l’email interne qui fuit, les employé·e·s mal briefé·e·s qui disent tout et son contraire sur les réseaux… Sans cadre, la crise s’emballe contre vous. L’agence LaFrenchCom résume les risques en l’absence de plan : rumeurs non maîtrisées, pertes de confiance des clients et partenaires, coûts financiers colossaux, et même un désengagement des employés laissés dans le flou. En somme, vous perdez sur tous les tableaux.
À l’inverse, un bon guide de crise peut sauver les meubles – et même votre entreprise. Rappelez-vous Johnson & Johnson pendant la crise du Tylenol en 1982 : des capsules empoisonnées auraient pu couler la compagnie, mais grâce à une communication de crise exemplaire (rappel massif des produits, transparence totale, messages rassurants), J&J a non seulement évité le naufrage, mais a renforcé la confiance du public. La leçon est claire : préparer un plan à l’avance évite le pilotage à vue paniqué. Quand la crise frappe, vous appuyez sur « Play » et tout le monde sait quoi faire, quand et comment. Votre réactivité est immédiate, coordonnée, cohérente – exactement ce qu’il faut pour garder la maîtrise du récit et limiter la casse.
Ce qu’un bon guide doit contenir : le kit de survie de la communication de crise
Un guide interne de communication de crise, c’est votre manuel de survie lorsque tout part en vrille. LaFrenchCom définit ce manuel comme un document détaillant « les procédures, les contacts d’urgence et les messages clés pour diverses situations de crise ». En d’autres termes, il doit fournir toutes les infos et directives nécessaires pour affronter n’importe quelle crise la tête froide. Concrètement, un bon guide doit contenir au minimum :
- Des scénarios de crise identifiés – Listez les types de crises les plus probables pour votre activité (accident industriel, bad buzz sur les réseaux, cyberattaque, scandale interne, etc.) et les niveaux de gravité. On n’affronte pas une rumeur Twitter comme un rappel massif de produit.
- Les rôles et responsabilités de chacun – Qui compose la cellule de crise ? Qui est le porte-parole officiel face aux médias ? Qui contacte les clients VIP ou les régulateurs ? Chaque membre de l’équipe de crise doit savoir précisément ce qu’il a à faire (et ce qu’il ne doit pas faire).
- Les procédures de communication internes et externes – Décrivez étape par étape comment l’information circule. Par quels canaux alerter en interne (email, SMS d’alerte, réunion d’urgence) ? Quelle est la chaîne de validation pour les messages publics ? Quelle hiérarchie décisionnelle pour approuver un communiqué de presse ? Rien ne doit être laissé au hasard sur le qui dit quoi, quand, et à qui.
- Des messages-clés et scripts préapprouvés – Préparez des trames de messages pour chaque scénario majeur. Par exemple, un brouillon de communiqué de presse pour un accident sur site, ou des éléments de langage pour répondre aux médias en cas de crise sanitaire. Le jour J, ces messages clés vous font gagner un temps précieux et assurent la cohérence du discours.
- Une liste de contacts et outils de gestion de crise – Incluez l’annuaire de crise : coordonnées 24/7 des dirigeants, de l’équipe comm, juristes, porte-parole, agences externes, pompiers, police, etc. Prévoyez également les accès aux outils critiques : comptes réseaux sociaux de l’entreprise, interface d’envoi d’alertes SMS, plateformes de surveillance médias… Tout doit être accessible immédiatement.
Ces éléments forment la base d’un plan de crise solide et opérationnel. Vous pouvez y ajouter un kit média prêt à l’emploi avec des communiqués types, des biographies de dirigeants, des photos officielles et les infos de contact pour les médias. L’idée est d’avoir sous la main tout ce qu’il faut pour informer rapidement, correctement et de manière contrôlée.
Enfin, n’oubliez pas la communication interne dans votre guide. Trop d’entreprises concentrent tous leurs efforts sur la presse et Twitter, en oubliant leurs propres employés – une erreur tragique. Vos collaborateurs sont souvent les premiers affectés par la crise et les premiers ambassadeurs (ou détracteurs) de l’entreprise. Informez-les en temps réel, avec transparence. Si vous les laissez dans le brouillard, attendez-vous à ce que la panique et la désinformation se propagent en interne. Un bon guide prévoira donc un plan d’info interne : notes de service prêtes à envoyer, réunions d’équipe quotidiennes, FAQ interne actualisée, etc. Vos troupes doivent recevoir la même histoire que le public, sans décalage.
Comment l’élaborer efficacement : plan d’action pour créer votre guide
D’accord, vous êtes convaincu qu’il vous faut ce fameux guide. Mais par où commencer ? Pas de panique. Voici un plan d’action concret et direct pour élaborer efficacement votre guide interne de communication de crise :
- Identifiez vos risques majeurs – Commencez par une cartographie des crises potentielles. Réunissez vos équipes (dirigeants, communication, opérations, juridique, RH…) et brainstormez tout ce qui pourrait mal tourner et ternir votre réputation ou interrompre votre activité. Scénarisez ces menaces : du pire cas (ex. scandale public) aux incidents moins critiques. Cette étape pose les fondations réalistes de votre guide.
- Impliquez la direction et les responsables clés – La direction générale doit être partie prenante de l’élaboration. Sans soutien du sommet, votre beau plan restera lettre morte. Assurez-vous que le CEO et les VP concernés sponsorisent le projet et valident les grands principes. (D’ailleurs, ne pas impliquer la direction est une erreur classique qui conduit à un manque de soutien lors de la crise). De même, associez les responsables de chaque département clé pour qu’ils apportent leur expertise et adhèrent au processus.
- Attribuez les rôles et responsabilités – Constituez votre équipe de crise et définissez dès maintenant qui fait quoi. N’attendez pas le jour J pour décider qui sera le porte-parole ou qui devra appeler tel client important. Inscrivez noir sur blanc : responsables de la cellule de crise (et suppléants en cas d’absence), porte-parole media, référents pour chaque partie prenante (clients, employés, autorités, réseaux sociaux, etc.), personne en charge de la logistique/tech, etc. Clarifiez aussi la chaîne de commandement : en cas de crise, qui prend les décisions finales ? Qui valide les messages avant diffusion ?
- Rédigez des procédures claires et des messages types – Munis de vos scénarios et de vos équipes désignées, décrivez pas à pas les actions à mener pour chaque type de crise. Quelle est la procédure interne dès qu’un incident survient ? (Ex: “Si un incident X se produit, le manager sur place appelle immédiatement le DirCom et le DG; en parallèle on stoppe la production; dans l’heure une réunion de crise est convoquée…”). Prévoyez des checklists simples pour ne rien oublier sous la pression. En parallèle, préparez des messages d’attente (“holding statements”) et communiqués pré-rédigés. Adoptez un ton clair, factuel et humain dans ces brouillons, quitte à les affiner le moment venu. Évitez absolument le charabia juridique ou technique qui embrouillera tout le monde. (Un conseil de base : utilisez un langage clair et concis, sans jargon inutile.)
- Faites valider et approuver le guide – Une fois le contenu rédigé, ne le gardez pas dans votre coin. Présentez-le à la direction pour validation finale. Passez-le également au peigne fin avec les équipes juridiques et RH, afin de vous assurer que rien ne manque (par ex., conformité légale des messages, alignement avec les politiques RH sur la gestion d’un accident du travail, etc.). Cette validation collective garantit que tout le monde adhère au plan et le respectera en cas de crise.
- Entraînez-vous ! – Un guide non testé est un guide douteux. Organisez des exercices de simulation de crise pour passer votre plan au crash-test. Par exemple, simulez une attaque cyber en conditions réelles : comment réagit votre équipe de crise minute par minute ? Où le processus cale-t-il ? Ces drills révèlent les failles (numéro de téléphone obsolète, porte-parole pas à l’aise, confusion dans la chaîne de validation…) afin de les corriger pendant qu’il en est encore temps. LaFrenchCom recommande ces simulations régulières pour tester les plans, identifier les lacunes et former l’équipe à réagir rapidement. Faites-en un rituel annuel (au minimum) avec différents scénarios.
- Diffusez le guide et formez vos équipes – Un document aussi crucial ne doit pas prendre la poussière dans un tiroir. Partagez-le aux membres de la cellule de crise évidemment, mais aussi aux managers concernés qui pourraient être en première ligne. Organisez une séance de formation interne pour passer en revue le guide : chacun doit comprendre son rôle, les procédures, et comment utiliser les outils prévus. Profitez-en pour répondre aux questions et clarifier ce qui pourrait ne pas l’être. En crise, vos collaborateurs doivent déjà connaître la partition avant de la jouer.
- Mettez à jour régulièrement – Votre guide n’est pas figé dans le marbre. Entre aujourd’hui et la prochaine crise, votre entreprise va évoluer : nouveaux produits, nouveaux risques, nouvelles recrues, sans parler de l’écosystème médiatique qui change (hello TikTok…). Il est essentiel de réviser le plan de crise régulièrement pour qu’il reste pertinent face aux nouvelles menaces, aux évolutions technologiques et aux attentes de vos parties prenantes. Concrètement, programmez une relecture annuelle (par exemple à chaque date anniversaire d’une grosse crise passée, histoire de s’en souvenir !). Mettez-le à jour aussi dès qu’un changement majeur survient : nouvelle procédure interne, nouveau DG, retour d’expérience d’une crise récente… Le plan doit vivre. Un plan périmé peut être aussi dangereux que pas de plan du tout.
En suivant ces étapes, vous bâtirez un guide de communication de crise robuste, approuvé et actionnable à tout moment. Le jour où tout va mal, vous et vos équipes saurez exactement comment réagir au quart de tour, sans perdre de temps à “inventer” une stratégie en pleine panique. C’est un gage de sérénité (autant que faire se peut en situation de crise) et d’efficacité.
Les erreurs à éviter absolument : ne plombez pas votre guide
Même avec la meilleure volonté, certaines erreurs classiques peuvent réduire à néant l’efficacité de votre guide de crise. Voici les pièges à éviter à tout prix lors de son élaboration (et de son utilisation) :
- Manque de clarté – Un guide confus, verbeux ou trop complexe est un guide inutile. Souvenez-vous qu’en situation de crise, vos équipes seront sous stress intense. Si vos instructions ressemblent à un manuel de 200 pages ou à du jargon juridique, elles ne seront pas appliquées correctement – ou pas lues du tout. Soyez précis et direct. Par exemple, au lieu de “En cas d’événement indésirable d’ampleur significative, l’entité opérationnelle procédera à une cessation temporaire d’activité”, écrivez “**Si un incident grave survient, arrêtez immédiatement la production.” Mieux vaut des phrases simples qui ne laissent aucune place au doute. Un conseil courant des experts est d’adopter un langage clair, concis, et compréhensible de tous. Votre guide doit pouvoir être lu et assimilé en quelques minutes par quelqu’un de stressé – c’est un vrai test. Trop de jargon ou de technique – C’est lié à la clarté, mais cela mérite son propre avertissement. Remplir votre plan de termes techniques, d’acronymes obscurs ou de langage “corporate” est la garantie de perdre votre audience au pire moment. Un employé paniqué n’a pas le temps de décoder du sabir d’initiés. D’ailleurs, les messages très techniques ou formulés dans un jargon spécialisé ne trouveront aucune résonance dans les situations chargées émotionnellement. Traduisez vos procédures dans la langue du terrain. Chaque terme technique devrait être expliqué simplement (ou évité). Parlez de “client en colère sur Twitter” plutôt que de « risque de bad buzz BtoC multi-canal ». Le jargon n’impressionne personne en temps de crise – il ralentit l’action. Allez à l’essentiel avec des mots simples.
- Pas de mise à jour régulière – On l’a évoqué plus haut : ne pas actualiser son guide, c’est partir à la guerre avec des cartes obsolètes. Un plan daté de 5 ans, jamais révisé, c’est l’assurance de contacts périmés (le portable du dir comm parti depuis 3 ans…), de procédures hors d’usage, ou d’ignorer de nouveaux risques (qui parlait sérieusement de cyberattaque il y a 15 ans ?). LaFrenchCom insiste sur la nécessité de mettre à jour le plan pour qu’il reste pertinent face aux nouvelles réalités. Faites vivre ce document. Erreur fatale : découvrir en pleine crise que le porte-parole désigné est injoignable ou que votre protocole de communication ne couvre pas les réseaux sociaux émergents. Un bon réflexe est de le relire à date fixe (annuellement, semestriellement) et après chaque exercice de simulation ou crise vécue, pour y intégrer les leçons apprises.
- Absence de responsables clairement identifiés – Un guide de crise sans responsables désignés, c’est un orchestre sans chef. Si personne ne sait qui doit parler aux médias, qui prend les décisions ou qui contacte les secours, attendez-vous à des flottements délétères. Chaque minute compte en crise : il faut un organigramme de crise limpide. Assurez-vous qu’à chaque tâche correspond un nom (et un suppléant). L’efficacité d’une réponse de crise repose sur une coordination sans faille – ce qui implique que chacun connaît son rôle sur le bout des doigts. Une communication de crise efficace nécessite d’avoir défini ces rôles à l’avance pour éviter la confusion. Ne présumez pas que “quelqu’un s’en occupera” : désignez-le explicitement. Et si des changements de personnel ont lieu, mettez le guide à jour immédiatement (voir point précédent).
En évitant scrupuleusement ces écueils, vous donnez toutes les chances à votre guide de crise d’être opérationnel et pertinent le jour où vous en aurez besoin. Restez simple, à jour, et organisé.
En conclusion, un guide interne de communication de crise n’est pas un luxe ou un document de plus « pour la forme » – c’est une assurance vie pour votre entreprise. Sans lui, vous avancez en équilibre sur un fil au-dessus du vide : la moindre rafale (médiatique ou autre) peut vous faire chuter. Avec lui, vous disposez d’une feuille de route claire pour naviguer dans la tourmente, protéger vos employés, rassurer vos clients et sauver ce qui peut l’être de votre réputation.
Alors, dirigeants et communicants, prenez ce sujet au sérieux. Anticipez l’orage avant qu’il n’éclate. Investissez du temps dès maintenant pour élaborer (ou mettre à jour) votre guide interne de gestion de crise. Chaque heure passée à planifier aujourd’hui en épargnera dix en pleine tourmente. Quand la crise surviendra – car elle surviendra – vous serez prêts à activer une réponse rapide, coordonnée et maîtrisée, au lieu de subir les événements. Et c’est sans doute ce qui fera la différence entre une crise gérée avec succès et un désastre incontrôlé pour votre entreprise. À vous de jouer, dès maintenant. Les crises n’attendent pas, et votre préparation d’aujourd’hui est la clé de votre résilience de demain.