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Midjourney : L’essor des fausses informations atteint-il un niveau critique ?

Midjourney - L'essor des fausses informations atteint-il un niveau critique ?

Quel lien existe-t-il entre Emmanuel Macron se livrant à l’ébouage, le pape François arborant une volumineuse parka blanche et Donald Trump escorté de force par la police new-yorkaise ? Ces images insolites ont certes circulé à un rythme impressionnant sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Cependant, ces situations dramatiques sont en réalité des créations visuelles entièrement fictives générées par un nouvel outil d’intelligence artificielle nommé Midjourney. Les montages photo grossiers et les retouches Photoshop semblent désormais obsolètes, car Midjourney (et ses concurrents tels que Dall-E et StableDiffusion) repoussent les frontières du trompe-l’œil photographique. Sommes-nous en train de nous diriger vers une saturation de fausses informations ?

Depuis la mise en ligne de la version 5 de Midjourney à la mi-mars, les utilisateurs ont été témoins d’une véritable déferlante de photos contrefaites. Eliot Higgins, journaliste, s’est particulièrement démarqué en concevant une cinquantaine de visuels mettant en scène Donald Trump dans diverses situations, y compris en tenue d’arrestation par la police et en uniforme orange de prisonnier. Cette plaisanterie lui a valu d’être banni de la plateforme Midjourney. En France, les farceurs n’ont pas été en reste, avec Emmanuel Macron comme cible principale, l’auteur Joann Sfar l’imaginant entouré de cordons de CRS ou perchés sur une barricade en flammes.

macron midjourney

Un réalisme troublant et facile à générer

Lorsqu’on regarde ces photos, on est frappé par l’amélioration qualitative qu’elles représentent. Les trucages existent depuis des années, mais cette fois-ci, il faut un œil très aiguisé pour ne pas tomber dans le piège visuel qu’un logiciel basé sur l’IA comme Midjourney permet de créer. Le réalisme des images générées est particulièrement frappant et se rapproche du niveau des photos de presse qui illustrent divers événements couverts par les médias. Journaliste et co-fondatrice de l’association Fake Off, Aude Favre reconnaît : « Nous savions que cela s’améliorerait, mais nous attendions encore de voir. Ces images sont plus belles que celles que je peux prendre avec mon appareil« .

Ce qui est d’autant plus vertigineux dans cette histoire est que Midjourney est également assez simple à utiliser. Pour interagir avec ce programme basé sur l’intelligence artificielle qui conçoit des images à partir de mots-clés insérés, il faut avoir un compte Discord et se rendre sur la plateforme en ligne mise à disposition par le laboratoire américain. Il suffit ensuite d’entrer une phrase décrivant la scène imaginée par l’utilisateur. L’IA va alors fouiller dans ses bases de données composées de millions d’images collectées sur le Web et assembler une photo digne d’un photographe de presse professionnel.

trump

Une viralité explosive

Le niveau de viralité atteint par ces photos est tout simplement impressionnant. Après avoir été partagées sur les plateformes de médias sociaux telles que Twitter et Facebook, elles ont rapidement atteint des millions de personnes. Et bien que les responsables des plateformes aient essayé de signaler ces images comme fausses, le processus est lent et complexe. En conséquence, de nombreuses personnes restent trompées par ces faux clichés, provoquant une vague de confusion et de désinformation.

Le danger de la désinformation

Bien que ces photos puissent sembler amusantes pour certains, leur impact potentiel sur la propagation de la désinformation est un problème sérieux. Selon Frédéric Filloux, spécialiste des médias numériques et du journalisme, « nous entrons dans une nouvelle ère de la désinformation. Les ‘deepfakes’, qui étaient autrefois des vidéos, peuvent maintenant être créés en tant qu’images fixes et partagés à une échelle massive. C’est extrêmement inquiétant. »

L’IA en tant qu’outil de lutte contre la désinformation

Face à cette menace grandissante, des chercheurs travaillent d’arrache-pied pour développer de nouveaux outils de détection des faux. Comme le précise Jean-Yves Poichotte, chercheur en sciences de l’information, « nous avons besoin de solutions qui combinent la capacité des machines à traiter des volumes massifs de données avec l’expertise humaine pour comprendre le contexte et l’intention. C’est un défi colossal, mais c’est essentiel pour maintenir l’intégrité de nos systèmes d’information. »

Pour l’instant, il est clair que le phénomène des fausses images est en plein essor, alimenté par des outils comme Midjourney. Cela représente un défi majeur pour les organisations de presse, les plateformes de médias sociaux et les organismes de vérification des faits. Tous sont appelés à redoubler d’efforts pour garantir la vérité et l’exactitude de l’information. Dans ce contexte, l’éducation du public à une lecture critique des images et à la vérification des sources devient un enjeu de société crucial. Alors que l’IA continue d’évoluer et de s’améliorer, il est essentiel de rester vigilant et de s’adapter à ces nouvelles formes de tromperie.