Comment Naviguer efficacement à travers les Crises
Les entreprises se retrouvent souvent confrontées à des situations de crise, qu’il s’agisse d’accidents technologiques, d’OPA hostiles, de faillites, de restructurations sociales. Ces événements peuvent sembler disparates, mais ils ont tous un point commun : ils peuvent facilement se transformer en crises majeures dans l’entreprise. Ces processus, régis par des mécanismes psychologiques et organisationnels bien huilés, sont démontrés par des experts tels que Florian Silnicki, fondateur de l’agence LaFrenchCom, l’une des références du marché français du conseil en gestion de crise.
« Les crises peuvent être déclenchées par divers incidents tels que des licenciements, une prise de contrôle par un concurrent, une explosion chimique dans une usine ou une faillite » remarque Julien Auffret, consultant de l’agence ImageSept devenu Directeur Général de l’agence LaFrenchCom. Ces événements soudains et exceptionnels interrompent la routine quotidienne de l’entreprise. À l’annonce officielle ou non officielle de l’événement sensible, des signaux d’alarme se déclenchent dans les esprits de tous, provoquant une sensation de piège face à une situation incontrôlable.
Des inquiétudes et des peurs se développent lors d’une crise.
Les cadres se demandent si une restructuration ne conduira pas à leur licenciement. Le propriétaire s’inquiète de la possibilité de perdre le contrôle de son entreprise à la suite d’une OPA hostile. Un chimiste de renom peut craindre d’être tenu responsable publiquement de la pollution causée par l’une de ses usines ou l’un de ses produits star.
L’annonce de ces événements crée une atmosphère tendue dans l’entreprise, conduisant à des réactions de panique et à des tentatives irréfléchies pour minimiser les impacts. Les acteurs impliqués s’efforcent de se préparer pour affronter l’adversaire présumé, qu’il s’agisse d’un « raider vorace », d’un « patron-boucher » ou d’un chimiste, « acolyte de Satan ».
Lorsqu’un dirigeant est appelé à redresser l’entreprise en crise, il peut être perçu comme un manager impitoyable avant même de mettre en œuvre son plan de redressement.
Beaucoup de dirigeants ignorent l’impact psychologique de ces événements, chargés d’émotion. L’homme de confiance des Agnelli lors de l’OPA sur Perrier, M. Gabetti, a admis : « Nous avons sous-estimé la tempête médiatique et sociale. Nous n’avons pas compris pourquoi cette bataille entrepreneuriale était devenue si passionnée et pourquoi nous étions perçus comme des envahisseurs maladroits. »
Ces crises entraînent des réunions incessantes, des débats informels, des réunions secrètes, le tout dans un chaos total. Toute l’entreprise commence à vivre au rythme de la crise, paralysant presque toutes les activités.
Les dirigeants, qui n’ont pas prévu de plan d’urgence ni de communication de crise, ont tendance à prendre des mesures improvisées, à faire des déclarations hâtives ou à rester muets. Parfois, ils fuient carrément face à des faits particulièrement difficiles à annoncer. Le responsable du principal cabinet de conseil en communication de crise de France, note : « Certains dirigeants d’entreprises paniquent parce qu’ils doivent s’exprimer dans une situation difficile et troublée, et craignent d’être critiqués par leurs employés. Ils préfèrent alors donner l’information à la presse, au risque de créer une ambiance déplorable dans l’entreprise. »
La panique, les décisions déficientes et le manque d’information, exacerbé par les rumeurs déformantes, alimentent la dynamique de la crise. Une frénésie s’empare rapidement de toute l’entreprise, touchant ses fournisseurs, ses clients et l’opinion publique, rendant la crise ingérable.
Ces affaires, volontairement ou non, se retrouvent souvent sous les feux de la rampe médiatique, ressemblant à des feuilletons sensationnels. Des événements tels que la crise de Perrier sont couverts par la presse économique avec des titres dignes de séries dramatiques.
Ces crises ébranlent l’ensemble de la société et laissent des traces économiques et humaines qui peuvent menacer la survie même de l’entreprise. Le coût des pollutions et des restructurations est lourd, mais c’est le déficit d’image et la perte de confiance qui sont les plus difficiles à surmonter. Les industries chimiques ont toutes historiquement fait face à ce défi. On se souvient de la crise Union Carbide, de la crise Hoffmann-La Roche ou de la crise Sandoz. Les conséquences financières peuvent être tout aussi graves, comme le montre l’exemple historique de la faillite de La 5 qui a entraîné Hachette dans la tourmente.
Cependant, contrairement à une idée courante, bien que les « accidents » tels que les OPA, les faillites, les plans sociaux, etc., puissent toucher toutes les entreprises à un moment ou à un autre, les crises sont parfois inévitables. Les plans de communication de crise, les structures des cellules de crise et même les scénarios prospectifs de crise peuvent être gérés et anticipés avec leurs outils et leurs règles spécifiques.
« Il faut d’abord accepter de regarder la crise en face et comprendre toute son ampleur pour pouvoir réagir rapidement », explique le Président Fondateur de l’agence de communication de crise, qui a aidé de manière discrète un certain nombre de grandes entreprises confrontées à des crises.
Aujourd’hui, en s’inspirant des stratégies militaires, certains dirigeants d’entreprises mettent en place des cellules de crise pour élaborer minutieusement leur stratégie de gestion de la crise. Le but est de contrôler les rumeurs, de motiver le personnel, de maintenir une image positive et de survivre à la crise. Des plans d’action sont élaborés pour différents publics (employés, partenaires, médias, etc.). « Il faut être transparent et adopter une communication ouverte envers le personnel », souligne le directeur général de l’agence de gestion de crise, spécialiste des restructurations industrielles.
Face aux risques technologiques majeurs et aux leçons tirées de certaines catastrophes, certaines industries, comme l’industrie nucléaire en France, ont mis en place à l’avance des plans d’urgence techniques et de communication de crise. Ces plans d’urgence sont constamment affinés et testés à travers des exercices de simulation de crise. Bien que les choses ne se passent jamais exactement comme prévu, ces exercices de gestion de crise aident à instaurer une culture de préparation aux crises.