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L’Equity Story : récit financier au service de la valeur d’entreprise

equity story

Définition et origines de la notion d’Equity Story

Définition – L’Equity Story désigne « l’histoire dont se sert une entreprise pour se faire valoir auprès d’investisseurs potentiels et les convaincre de sa capacité à générer de la valeur ». En d’autres termes, c’est le récit simple et clair de la proposition de l’entreprise pour les années à venir, destiné à séduire les actionnaires ou investisseurs en exposant comment et pourquoi investir dans celle-ci. Comme le résume un expert en communication financière, il s’agit de « raconter un beau récit pour attirer de nouveaux actionnaires [et] filer cette narration dans le temps pour séduire et fidéliser » – c’est cela la mission de l’equity story. Ce récit recouvre l’histoire de l’action (ou du titre de l’entreprise) et donc, en filigrane, l’histoire de l’entreprise elle-même, présentée sous l’angle de la création de valeur actionnariale.

Origines du concept – Le terme Equity Story est issu du vocabulaire financier anglo-saxon (littéralement « histoire de l’équité/du titre ») et s’est imposé dans le jargon de la communication financière contemporaine. Si l’idée de « raconter l’entreprise aux investisseurs » existe en réalité depuis que les entreprises cherchent des capitaux (on retrouve des pratiques de ce type dès le Moyen Âge pour attirer des financeurs), la formalisation moderne de l’equity story accompagne le développement des marchés boursiers et du métier des relations investisseurs au XXe siècle. Avec la multiplication des introductions en bourse et la compétition pour les capitaux, les entreprises ont dû élaborer de véritables récits stratégiques pour émerger aux yeux des investisseurs. En parallèle, on peut noter l’existence d’un concept voisin, le “credit story”, qui est le récit utilisé par l’entreprise pour convaincre les créanciers (banques, obligataires) de sa capacité à générer des flux financiers stables pour rembourser ses dettes. Cela souligne que, qu’il s’agisse de lever des fonds propres (equity) ou de la dette, la composante narrative a toujours été un outil clé pour inspirer confiance aux financeurs. Néanmoins, l’equity story se concentre sur la vision actionnariale (croissance, création de valeur future) plutôt que sur la solvabilité à court terme.

En somme, l’equity story est un pilier de la communication financière : c’est le récit stratégique de l’entreprise orienté vers les investisseurs en capital, visant à leur donner envie de “faire partie de l’histoire” de l’entreprise en y investissant. Ce récit, pour être efficace, doit parler d’avenir autant (voire plus) que du passé, transformer faits et chiffres en un propos cohérent et captivant, et refléter fidèlement l’identité de l’entreprise.

Enjeux stratégiques et rôle de l’Equity Story dans les opérations de communication financière

Une equity story percutante est cruciale dans de nombreuses situations stratégiques de la vie d’une entreprise, notamment lors des grandes opérations financières ou périodes charnières. Voici les principaux contextes dans lesquels l’equity story joue un rôle déterminant :

  • Introduction en bourse (IPO) : Lorsqu’une entreprise se prépare à entrer en Bourse, elle doit convaincre des investisseurs de souscrire à ses actions lors de l’IPO. L’equity story est alors le cœur du discours d’introduction : elle synthétise la vision et le potentiel de l’entreprise pour justifier le prix d’introduction et susciter la demande. Un IPO n’est pas qu’une affaire de chiffres, c’est aussi une opération de séduction financière. Les investisseurs institutionnels, en particulier, passent en revue des dizaines d’equity stories ; il faut donc proposer un récit clair, authentique et différenciant. Une IPO réussie dépend en partie de la qualité de cette histoire : un récit trop faible ou confus peut entraîner un désintérêt du marché, une sous-souscription ou une valorisation inférieure aux attentes. A contrario, un récit convaincant peut permettre de maximiser la valorisation et d’attirer un actionnariat de qualité sur le long terme. On a vu des exemples célèbres où une introduction a échoué en grande partie à cause d’une equity story mal ficelée – l’entreprise WeWork, par exemple, n’a pas réussi à faire accepter sa narration exagérément « tech » et a dû renoncer à son IPO en 2019.

  • Levées de fonds (startups, augmentations de capital) : Que ce soit une jeune startup recherchant du capital-risque ou une entreprise déjà cotée réalisant une augmentation de capital, l’enjeu est le même : convaincre des investisseurs d’apporter des fonds. « Lever des fonds, quel que soit le moyen […] nécessite de convaincre des investisseurs et autres analystes. C’est là qu’entre en jeu l’equity story, c’est-à-dire l’histoire, présente et à venir, de l’entreprise au regard des éléments qui peuvent intéresser des investisseurs ». Pour les startups, l’equity story prend souvent la forme d’un pitch aux venture capitalists ou business angels, mettant en avant une vision innovante, un fort potentiel de croissance et une équipe à même d’exécuter le plan. Dans le cas d’une entreprise établie, il s’agira de rassurer sur la trajectoire de croissance et la création de valeur additionnelle rendue possible par les nouveaux capitaux. Dans tous les cas, l’entreprise doit se démarquer des nombreuses autres sollicitant des financements : un storytelling maîtrisé peut faire la différence pour séduire des investisseurs exigeants. Il a été souligné par des professionnels que « le storytelling est clé » dans une levée de fonds et que trop peu d’entreprises ou de banques d’affaires y accordent assez d’importance lors de la préparation des dossiers. Le récit doit compléter les données financières du business plan en leur donnant du sens, en projetant l’investisseur dans le futur de l’entreprise.

  • Fusion-acquisition (M&A) et “exit” : Dans une opération de cession d’entreprise (vente totale ou partielle, sortie d’un fonds d’investissement, etc.), l’equity story sert à valoriser l’entreprise aux yeux des acquéreurs potentiels. Il s’agit ici de raconter l’entreprise de manière à démontrer tout son potentiel de création de valeur future afin de justifier un prix de vente élevé. « Une equity story bien conçue peut considérablement améliorer la proposition de valeur d’une entreprise aux yeux des investisseurs ou des acheteurs potentiels ». Concrètement, le cédant (souvent aidé par une banque d’affaires) va mettre en avant les atouts de la société, sa stratégie et ses perspectives, pour susciter de l’appétit et éventuellement créer une dynamique concurrentielle entre acheteurs. Du point de vue de l’acquéreur (entreprise qui rachète une autre ou fusionne), il faut également un récit cohérent pour ses propres actionnaires : expliquer l’acquisition aux marchés financiers (via un communiqué de presse, une présentation investisseurs) fait appel aux codes de l’equity story. On repositionne l’histoire de l’entreprise en intégrant la cible acquise : comment l’opération va renforcer la vision stratégique, quelles synergies et quelles perspectives nouvelles elle ouvre. En somme, dans tout processus de M&A, l’equity story est soit un outil de vente, soit un outil de légitimation stratégique – dans les deux cas, elle vise à convaincre du bien-fondé de l’opération en projetant une image attrayante de l’avenir.

  • Communication financière courante et périodes de crise : En dehors des transactions exceptionnelles, l’equity story joue un rôle continu dans la communication aux actionnaires, analystes et investisseurs, notamment lors des résultats trimestriels ou annuels, des assemblées générales, des investor days, etc. Une entreprise cotée entretient son equity story dans la durée pour fidéliser son actionnariat. En période de crise (par exemple, si les résultats sont en baisse, ou en plein choc exogène touchant le secteur), le management s’appuiera sur l’equity story pour rassurer les investisseurs. Il rappellera les fondamentaux de l’entreprise, sa vision de long terme et les mesures prises pour surmonter les difficultés, afin de maintenir la confiance. L’equity story sert alors de boussole narrative pour garder les parties prenantes alignées sur la trajectoire de long terme malgré les turbulences court-terme. En ce sens, elle est un élément de communication de crise vis-à-vis des marchés financiers : elle permet de cadrer le discours et d’éviter que seules les rumeurs ou l’incertitude ne guident la perception. Une equity story solide aide à stabiliser le cours de bourse en période agitée en rappelant les perspectives de croissance et en réaffirmant la confiance du management dans la stratégie.

En résumé, l’equity story est un levier stratégique de première importance dans toutes les opérations de communication financière. Son enjeu principal est d’obtenir la confiance et l’adhésion des investisseurs en donnant du sens aux chiffres. Cela se traduit très concrètement par la quête d’une valorisation juste (ni sous-valorisation par manque de clarté, ni valorisation excessive fondée sur des promesses illusoires). « L’objectif consiste à décrire et expliquer mais aussi à rassurer et à donner de la visibilité sur les perspectives de croissance des résultats […] L’enjeu est bien sûr d’obtenir une valorisation la plus réaliste possible ». Une bonne equity story vise donc l’équilibre entre ambition et crédibilité, pour convaincre sans tromper.

Publics cibles de l’Equity Story et attentes spécifiques

L’equity story, outil de communication financière, s’adresse principalement à des publics externes intéressés par la performance économique et la valeur de l’entreprise. Il est essentiel de bien identifier ces cibles car chacune a des attentes particulières vis-à-vis du récit financier. Parmi les principaux destinataires, on trouve :

  • Investisseurs institutionnels : Ce sont les fonds d’investissement, sociétés de gestion, compagnies d’assurances, caisses de pension, etc., qui investissent des montants importants de manière professionnelle. Ils constituent souvent l’audience clé lors d’une IPO ou d’une levée de fonds significative. Ces investisseurs cherchent un récit structuré et argumenté, qui leur permette de comprendre en quoi l’entreprise représente une opportunité de placement intéressante à moyen/long terme. Ils attendent de l’equity story qu’elle mette en avant les drivers de création de valeur (croissance du marché, avantages compétitifs, stratégie pertinente) tout en démontrant la fiabilité du management. Étant donné qu’ils « passent en revue des dizaines d’autres equity stories », ils sont particulièrement sensibles à la substance du message plus qu’au vernis marketing. Ils veulent entendre votre histoire unique, pas un discours générique. Il faut donc un niveau d’information assez élevé : les institutionnels apprécieront qu’on leur fournisse des données factuelles (taille de marché, parts de marché, projections chiffrées raisonnables) en soutien de la narration. Leur attente fondamentale est de comprendre comment l’entreprise va créer de la valeur sur le long terme, et pourquoi elle est unique dans sa capacité à réussir. En outre, beaucoup d’investisseurs institutionnels adoptent une approche ESG (environnement, social, gouvernance) : une equity story qui intègre les enjeux de durabilité et de gouvernance renforcera l’attrait pour ces publics. Enfin, notons que les investisseurs “long-terme” (« intrinsic investors » dans le jargon) sont souvent sceptiques vis-à-vis des récits trop enjôleurs ou centrés sur le court terme : ils attendent une vision cohérente avec des étapes concrètes déjà franchies, gage de crédibilité.

  • Analystes financiers : On distingue les analystes sell-side (ceux des banques de marché, qui publient des recommandations au grand public) et buy-side (ceux des fonds, en interne). Dans les deux cas, ce sont des professionnels dont le métier est d’évaluer la valeur de l’entreprise en modélisant ses perspectives. Ils sont destinataires de l’equity story via les présentations investisseurs, rapports annuels, conférences de résultats, etc., et jouent un rôle d’intermédiaires dans la mesure où leurs analyses influenceront d’autres investisseurs. Les analystes attendent avant tout de l’equity story une cohérence chiffrée. Ils scrutent si le discours stratégique s’aligne avec les indicateurs financiers fournis. Par exemple, si l’entreprise met en avant la croissance de son marché, l’analyste s’attend à voir des données précises sur la taille de ce marché et des hypothèses de croissance réalistes. Les analystes apprécient un récit qui met clairement en lien la stratégie annoncée et les résultats financiers escomptés. Ils ont besoin de matériau pour nourrir leurs modèles : ainsi, mentionner des objectifs (même indicatifs) de marges, de chiffre d’affaires futur, ou des KPI clés spécifiques au secteur est bien perçu, tant que cela reste crédible. En somme, leur attente est double : un storytelling qui donne du sens (vision, avantages compétitifs, plans d’action) et des éléments tangibles pour quantifier cette vision. Si l’equity story est trop vague ou purement qualitative, l’analyste aura du mal à la traduire en projection financière et pourra émettre un avis réservé. De plus, les analystes comparent avec les concurrents : il est donc utile que l’equity story situe l’entreprise par rapport à son secteur et explicite en quoi sa proposition est différente ou meilleure (ceci aide l’analyste à justifier une recommandation positive par rapport aux autres titres du secteur).

  • Investisseurs individuels (actionnaires “grand public”) : Il convient de noter que dans le cas d’entreprises cotées, surtout lors d’une IPO ou dans le cadre d’actions cotées sur des places accessibles aux particuliers, le grand public investisseur est également une cible. Ces investisseurs individuels accèdent à l’equity story via des canaux tels que le prospectus (document de référence), les interviews médiatiques du PDG, les vidéos de présentation ou articles de presse. Leurs attentes sont proches de celles des institutionnels (apprécier le potentiel de gain et le risque), mais avec un besoin souvent plus grand de pédagogie et de simplicité. Une bonne equity story doit donc pouvoir être déclinée de manière compréhensible pour un non-spécialiste, sans jargon inutile, afin d’embarquer aussi l’actionnaire individuel. Par exemple, expliquer en termes clairs « d’où vient l’entreprise, où elle va, comment elle y va et avec quels atouts » est nécessaire pour tout public. Les particuliers sont également sensibles à l’aspect narratif humain (histoire du fondateur, mission sociétale de l’entreprise, etc.) qui peut renforcer leur attachement à la marque et les décider à investir sur la durée.

  • Médias économiques et financiers : La presse économique (journaux, sites web d’information financière, chaînes TV spécialisées) constitue une cible indirecte mais importante. Les journalistes économiques relaient en effet des éléments de l’equity story lorsqu’ils couvrent l’actualité de l’entreprise (annonce d’une IPO, résultats annuels, etc.). Eux recherchent un angle intéressant et des messages clés à transmettre à leur audience. Ils apprécient une equity story bien formulée car elle leur fournit une trame pour leurs articles : par exemple, pouvoir écrire « La vision de l’entreprise X est de révolutionner tel marché grâce à [tel atout]… » ou « La société mise sur [telle stratégie] pour doubler de taille d’ici trois ans… ». Les médias servent de courroie de transmission auprès du grand public investisseur et même des partenaires ou clients, il est donc crucial que l’equity story comporte des messages clairs, éventuellement chiffrés, facilement citables. Par ailleurs, les journalistes sont par nature critiques : ils vérifieront si le récit n’est pas trop embellisseur ou en décalage avec la réalité. Leur attente est donc de trouver dans l’equity story de la crédibilité et de la transparence (au moins sur les informations publiques). Une incohérence ou des promesses farfelues seront rapidement pointées dans les médias, ce qui peut entacher la réputation de l’entreprise. En somme, soigner son equity story, c’est aussi faciliter une couverture médiatique positive ou neutre, plutôt que de prêter flanc à la critique.

  • Autres parties prenantes : On peut enfin mentionner d’autres publics qui, sans être directement visés par l’equity story, y portent attention. Par exemple, les salariés de l’entreprise – surtout si elle est cotée ou en passe de l’être – seront sensibles au récit donné aux actionnaires (cela peut impacter leur fierté d’appartenance ou leurs inquiétudes, notamment s’ils bénéficient de plans d’actionnariat salarié). De même, les régulateurs et pouvoirs publics peuvent jeter un œil à l’equity story lors d’une opération marquante, pour s’assurer que le discours reste dans les clous réglementaires et ne survend pas indûment l’entreprise. Enfin, les clients et partenaires de l’entreprise peuvent par ricochet entendre parler de l’equity story à travers la presse et y trouver des indications sur la pérennité ou la stratégie future de la société. Cela peut renforcer (ou affaiblir) la confiance qu’ils ont dans la relation d’affaires. Par exemple, un grand client qui lit que son fournisseur affiche une vision convaincante et des finances saines sera rassuré sur la continuité du partenariat.

En résumé, l’equity story doit être pensée en fonction de plusieurs audiences cibles. Toutes partagent un besoin commun de confiance et de compréhension, mais chacune a des attentes spécifiques quant au niveau de détail, à l’angle du récit et aux preuves apportées. Une façon de résumer serait : offrir aux investisseurs une vision enthousiasmante mais crédible de la création de valeur future, fournir aux analystes et professionnels les données et explications nécessaires pour valider cette vision, et donner aux relais d’opinion (médias) des messages forts et clairs à diffuser. En gardant ces publics à l’esprit, l’entreprise peut adapter la forme de son récit sans jamais trahir le fond – car la cohérence et l’authenticité du message à travers les audiences sont capitales pour établir une réputation solide (nous y reviendrons). Notons d’ailleurs que certaines entreprises proposent différentes mises en forme de leur equity story selon le public : un pitch deck très visuel et condensé pour les VCs, un document d’enregistrement plus détaillé pour l’AMF et les analystes lors d’une IPO, un communiqué de presse orienté grand public, etc. – tout en racontant au fond la même histoire.

A ce stade, nous avons vu pourquoi l’equity story est essentielle et pour qui elle est conçue. Passons maintenant au contenu même de cette histoire : de quels ingrédients se compose-t-elle généralement ?

Composantes clés d’une Equity Story

Même si chaque entreprise a une histoire singulière, les equity stories efficaces abordent souvent un ensemble de thèmes clés récurrents. Ce sont les chapitres indispensables du récit financier, que l’on doit retrouver de manière plus ou moins développée selon les cas. Voici les composantes principales d’une equity story, telles qu’elles ressortent des meilleures pratiques en communication financière :

  • Vision et mission : L’equity story s’ouvre généralement sur la vision d’ensemble de l’entreprise, sa raison d’être et sa mission. Il s’agit de situer pourquoi l’entreprise existe, quelle problématique de marché elle entend résoudre ou quelle opportunité elle veut saisir. Cela donne le cap et le sens profond du récit. Par exemple, une startup pourra énoncer sa vision de « révolutionner la mobilité urbaine », tandis qu’une entreprise industrielle cotée mettra en avant « être le leader européen des solutions durables dans son secteur ». La vision doit être inspirante tout en restant liée à l’activité réelle. Elle permet d’embarquer l’auditoire en l’élevant au-dessus des seuls chiffres. Attention toutefois à ne pas en faire une simple déclaration vague : la vision doit se décliner concrètement dans la stratégie présentée ensuite. Elle fait le lien entre l’identité de la marque (côté image publique) et les objectifs actionnariaux.

  • Stratégie et modèle d’affaires : C’est le cœur du récit, où l’entreprise explique comment elle compte réaliser sa vision et créer de la valeur. On y décrit la stratégie mise en place : les axes de développement, le modèle économique, les relais de croissance envisagés. Par exemple, la stratégie peut être d’étendre le business model actuel à de nouveaux pays, de lancer une nouvelle gamme de produits, ou d’accélérer la croissance via des acquisitions ciblées. Selon un professionnel, on retrouve quasi systématiquement dans une equity story la stratégie de l’entreprise et la mise en perspective de celle-ci dans son environnement concurrentiel. La crédibilité de l’equity story repose largement sur la clarté et la pertinence de la stratégie : il faut montrer que l’équipe dirigeante sait où elle va et comment elle va y aller. Cela inclut souvent un rappel du modèle économique (sources de revenus, segments clients, avantages concurrentiels). Il s’agit de démontrer que ce modèle est viable et scalable, ou bien d’expliquer comment il va évoluer pour le devenir. Cette partie du récit doit aussi aborder les facteurs clés de succès sur lesquels l’entreprise va s’appuyer (par ex. innovation technologique, excellence opérationnelle, partenariats stratégiques…). En somme, la stratégie répond à la question : « Quelle est notre feuille de route pour générer de la croissance et des profits ? ».

  • Taille de marché et positionnement concurrentiel : Un investisseur veut savoir l’entreprise se situe et évolue. L’equity story doit donc brosser le contexte de marché : quelle est la taille de l’opportunité (marché large en croissance rapide ou niche rentable en consolidation…), quelles sont les tendances qui jouent en faveur de l’entreprise (évolutions technologiques, changements sociétaux, réglementation favorable, etc.), et comment la société se positionne par rapport à ses concurrents. Cette composante est cruciale pour établir le potentiel de croissance : un marché porteur et une entreprise bien placée dedans forment un duo attractif. On attend du récit qu’il identifie clairement les drivers externes de la croissance (par exemple : un e-commerçant soulignera l’essor structurel du commerce en ligne, un fabricant de batteries évoquera la transition énergétique qui dope la demande, etc.). Par ailleurs, présenter le paysage concurrentiel et la part de marché de l’entreprise ou ses atouts distinctifs permet à l’investisseur d’évaluer son avantage compétitif. En quoi l’entreprise est-elle différente des autres ? – c’est une question à laquelle l’equity story doit répondre franchement. Peut-être a-t-elle une avance technologique, une marque plus forte, un coût de revient inférieur, une proximité unique avec ses clients… Ces avantages concurrentiels doivent être mis en lumière car ils justifient pourquoi l’entreprise a (ou aura) une longueur d’avance. Selon McKinsey, il convient de décrire les tendances de marché avec des données tangibles (taille, croissance historique) et de situer la société dans ce cadre (parts de marché, classement) pour montrer son « best owner advantage » – c’est-à-dire en quoi elle est idéalement positionnée pour réussir dans ce contexte. En résumé, cette partie du récit pose la scène et crédibilise le potentiel en montrant un alignement entre opportunité de marché et capacité interne à la saisir.

  • Performance passée et réalisations clés : Bien que l’equity story soit tournée vers l’avenir, elle s’appuie sur le passé pour établir la crédibilité. Il est important de rappeler les grandes étapes franchies et les succès déjà obtenus par l’entreprise. Des milestones historiques, comme une croissance régulière du chiffre d’affaires sur plusieurs années, la conquête d’un nombre significatif de clients, le développement d’une technologie brevetée, ou encore la résilience pendant une crise sectorielle, sont autant de preuves tangibles de la solidité du projet. « Les réalisations passées constituent un socle important pour le succès futur et jouent un rôle clé dans l’évaluation des entreprises » note par exemple un article d’une société cotée. Montrer une trajectoire positive (même modeste) installe la confiance : si malgré les obstacles l’entreprise a su progresser ou tenir ses promesses, l’investisseur sera plus enclin à croire aux objectifs annoncés. À l’inverse, occulter un passé chaotique est dangereux – mieux vaut alors l’expliquer (ex : nouveau management qui a redressé la barre, pivot du modèle économique désormais achevé, etc.). Parmi les éléments de performance souvent mis en avant, on trouve la croissance du chiffre d’affaires et des parts de marché, l’amélioration des marges, la génération de trésorerie ou la constance de dividendes versés (pour les sociétés matures). Par exemple, le groupe d’assurances Baloise souligne envers ses investisseurs qu’il n’a jamais réduit son dividende depuis 2003, même durant les crises, démontrant ainsi une fiabilité dont peu de concurrents peuvent se targuer. Ce type de track record rassure énormément les actionnaires sur la capacité de l’entreprise à tenir ses engagements financiers.

  • Indicateurs financiers et projections : Une equity story efficace combine habilement les mots et les chiffres. Après avoir raconté qualitativement la stratégie et le marché, il faut quantifier l’opportunité. Les investisseurs attendent de connaître les objectifs financiers ou au moins les perspectives chiffrées. Cela inclut généralement la mention de quelques indicateurs clés (KPI) passés et futurs : chiffre d’affaires actuel et cible à horizon 3-5 ans, marge d’EBITDA visée, volume d’utilisateurs ou de ventes, etc., selon la nature du business. Il ne s’agit pas de donner un plan financier détaillé dans le récit narratif (les tableaux pourront figurer en annexe ou dans le document financier officiel), mais de fournir des ordres de grandeur pour appuyer le scénario de croissance. Par exemple : « notre objectif est de doubler le chiffre d’affaires d’ici 3 ans, pour atteindre ~50 M€, avec une marge d’EBITDA de l’ordre de 25% ». Ces chiffres doivent être réalistes (ni trop conservateurs ni complètement hors d’atteinte, mais le « most likely » testé en scénario). Ils montrent que l’entreprise a un plan et qu’elle s’engage sur des résultats tangibles. Les projections financières sont souvent accompagnées d’hypothèses explicites (taux de croissance du marché, gains de part de marché attendus, investissement requis…). Il est aussi utile de souligner la structure financière (par ex. faible endettement, ce qui donne une flexibilité pour investir). En outre, chaque secteur a ses KPI spécifiques (ainsi dans le e-commerce on parlera de coût d’acquisition client, dans le SaaS du taux de rétention, dans l’industrie du carnet de commandes, etc.). Inclure ces KPI sectoriels montre qu’on maîtrise les codes de son marché et permet aux investisseurs de comparer avec les pairs. Enfin, l’equity story peut évoquer la politique de retour aux actionnaires (dividendes, rachat d’actions) pour les entreprises matures, car c’est un élément d’attractivité pour certains investisseurs. En synthèse, la partie financière du récit fournit les preuves chiffrées que le futur décrit est atteignable et mesurable.

  • Équipe dirigeante et gouvernance : « Les hommes et les femmes font la différence » – cet adage vaut aussi pour les equity stories. Les investisseurs attachent beaucoup d’importance à la qualité du management. Une bonne equity story mettra donc en avant l’équipe dirigeante, en soulignant ses compétences, son expérience et sa vision. Par exemple, mentionner que le CEO a 20 ans d’expérience dans le secteur, que le CTO est le co-inventeur de la technologie clé, ou que le CFO a mené avec succès plusieurs introductions en bourse auparavant, peut renforcer la confiance. Si des figures de proue (fondateur charismatique, experts reconnus, administrateurs de renom) sont impliquées, elles méritent d’être intégrées au récit. L’objectif est de montrer que l’entreprise est entre de bonnes mains, capables d’exécuter la stratégie présentée. Dans certains cas, l’equity story peut aussi évoquer la gouvernance (composition du conseil d’administration, présence d’investisseurs de référence…) pour rassurer sur le contrôle et l’accompagnement stratégique. Cela intéresse surtout les institutionnels qui sont sensibles aux bonnes pratiques de gouvernance. De plus, si l’entreprise a des actionnaires clés ou partenaires stratégiques (par ex. un grand groupe qui possède déjà 20% du capital, ou un partenariat commercial structurant), cela peut être mentionné pour souligner un soutien ou un écosystème favorable. Bien entendu, l’accent doit rester sur l’équipe opérationnelle, car in fine ce sont les dirigeants qui devront “incarner” l’equity story devant les investisseurs.

  • Facteurs de risque et défis : Une composante parfois négligée du récit, mais pourtant importante pour la crédibilité, est l’évocation des risques ou défis à relever. Une equity story uniquement triomphale peut susciter la méfiance ; au contraire, reconnaître un ou deux enjeux majeurs et expliquer comment l’entreprise les adresse peut renforcer la confiance. Par exemple, admettre que le marché est très concurrentiel mais montrer comment l’entreprise se différencie pour éviter la pression sur les prix, ou reconnaître que la croissance nécessitera des recrutements et préciser la stratégie RH pour attirer les talents. Aborder les risques de front prouve l’honnêteté du discours et prépare aussi les investisseurs à la gestion de ces risques. Bien entendu, il ne s’agit pas d’insister lourdement sur les menaces au point de faire peur, mais d’intégrer dans la narration que l’entreprise est consciente des obstacles et a un plan pour les surmonter. Ce point est particulièrement apprécié des investisseurs sophistiqués : « Si vous ne pouvez pas anticiper et traiter les objections de base, votre equity story échouera » rappelle McKinsey. En d’autres termes, une histoire solide doit adresser les questions qui fâchent avant même qu’elles ne soient posées.

  • Éléments ESG et engagements : De plus en plus, les composantes environnementales, sociales et de gouvernance s’intègrent à l’equity story. Les investisseurs sont attentifs à la durabilité du modèle et à la gestion des enjeux extra-financiers. Ainsi, il est fréquent de voir dans l’equity story un passage sur la mission de l’entreprise (si elle en a formulé une), sur ses engagements RSE (par ex. réduction de son empreinte carbone, impact social positif, etc.) et sur sa gouvernance éthique. Ces éléments font en réalité le pont entre l’histoire de marque et l’histoire financière (nous y reviendrons au chapitre suivant). Ils contribuent à présenter l’entreprise comme responsable et tournée vers le long terme, ce qui rassure sur sa pérennité. Par exemple, une entreprise industrielle pourra intégrer dans son récit qu’elle investit dans des procédés bas carbone, ou une fintech mettra en avant son engagement pour l’inclusion financière. Il est judicieux de lier ces aspects ESG à la proposition de valeur : montrer qu’ils ne sont pas juste “cosmétiques” mais qu’ils créent aussi de la valeur ou réduisent des risques (réglementaires, réputationnels). Une equity story qui omet complètement ces sujets peut paraître incomplète en 2025, sauf cas particulier.

Pour synthétiser, on pourrait dire qu’une equity story réussie doit combiner une vision inspirante, une stratégie claire, des preuves de performance, un potentiel de croissance chiffré et une équipe de qualité, le tout en étant honnête sur les défis et cohérent avec les valeurs de l’entreprise. Bien sûr, la pondération de ces composantes varie selon le profil de l’entreprise : une startup mettra l’accent sur la vision et le marché potentiel, une société mature insistera davantage sur son track record et sa génération de cash, une entreprise en retournement sur son nouveau management et sa stratégie de redressement, etc. Chaque chapitre du récit doit s’enchaîner logiquement pour raconter une histoire unique – celle de l’entreprise – et donner envie d’en faire partie en investissant.

Notons enfin que, si « chaque equity story est différente », on retrouve malgré tout presque toujours les ingrédients évoqués ci-dessus, au moins implicitement. Olivier Psaume (directeur de la communication financière d’un grand groupe) rappelle que quasiment systématiquement, l’equity story traite de la stratégie de l’entreprise, de l’évolution attendue de sa profitabilité, et de la mise en perspective de la société dans son environnement, auxquels s’ajoutent au besoin la présentation de l’équipe de direction, de la gouvernance, ou du contexte réglementaire. Cette remarque confirme la liste de composantes que nous avons détaillée.

Après avoir listé quoi raconter, il faut examiner comment construire ce récit de manière structurée et percutante. C’est l’objet du chapitre suivant.

Étapes et méthode de construction de l’Equity Story

Construire une equity story efficace nécessite une démarche méthodique. On ne s’improvise pas storyteller financier du jour au lendemain : l’exercice demande du temps, de la réflexion et une collaboration entre plusieurs acteurs de l’entreprise. Nous allons décrire les principales étapes pour élaborer une equity story, depuis la collecte d’informations jusqu’à la diffusion multicanale du récit. Ces étapes peuvent se dérouler de façon itérative, mais pour la clarté on les présente ici de manière séquentielle :

  1. Collecte d’informations et analyse interne/externe – C’est la phase préparatoire indispensable. Il s’agit de réunir tous les éléments factuels qui serviront de matière première au récit. Cette collecte inclut :

    • Les données internes : performances financières historiques (chiffre d’affaires, marges, croissance), indicateurs opérationnels, résultats d’études de marché internes, plan stratégique existant, roadmap produits, atouts technologiques, etc. Il convient également de réaliser des entretiens avec les dirigeants et responsables clés pour capter leur vision, leurs messages et anecdotes. Par exemple, le directeur R&D pourra fournir des informations sur la technologie unique de l’entreprise, le directeur commercial sur l’évolution de la clientèle, etc.

    • Les données externes : analyse du marché et de la concurrence (taille et croissance du marché cible, parts de marché de l’entreprise et de ses concurrents, tendances sectorielles, benchmarks de valorisation d’entreprises comparables, attentes générales des investisseurs dans ce secteur). Il est fréquent de s’appuyer sur des études sectorielles ou des rapports d’analystes existants pour étayer cette analyse.

    • L’identité de l’entreprise : éléments de brand narrative (mission, valeurs, histoire fondatrice) qui devront être alignés avec le discours financier.

    À cette étape, on “plonge au cœur de l’entreprise” pour comprendre sa proposition de valeur unique, son positionnement stratégique, son potentiel de croissance et sa situation financière. En somme, on dresse un inventaire structuré de tout ce qui peut entrer dans l’histoire. Cette phase peut être pilotée par la direction financière ou la direction de la communication financière, souvent avec l’aide d’un conseiller extérieur (agence spécialisée, banque d’affaires) qui apporte du recul. Le résultat attendu de l’étape 1 est une base d’informations exhaustive et une bonne compréhension partagée de l’entreprise et de son environnement.

  2. Hiérarchisation des messages et définition de l’angle – Une fois la moisson d’informations effectuée, l’étape clé est de choisir ce qui va structurer le récit. Il faut trier, sélectionner et prioriser les éléments les plus pertinents pour les investisseurs. L’equity story ne peut pas tout dire : elle n’est pas un rapport annuel exhaustif, c’est une mise en intrigue stratégique. Comme le conseille Alexandra Prigent-Labeis, experte en storytelling financier, il faut « écrire une histoire, sans chercher à donner un panorama exhaustif de la société […] la seule question est : que doivent retenir et répéter les gens à l’issue de notre conversation ? ». Cette réflexion conduit à définir un message central (par exemple, « notre société est en train de conquérir telle position grâce à telle force, ce qui va décupler sa valeur dans les 5 ans ») et quelques messages-clés secondaires qui serviront de piliers au récit (liés aux composantes vues plus haut : un message sur la vision, un sur l’avantage compétitif majeur, un sur la performance financière attendue, etc.). Autrement dit, on élabore le plan de l’histoire : quels chapitres et dans quel ordre. Il est souvent recommandé de commencer par la fin, c’est-à-dire par le message le plus fort sur le futur, afin de capter d’emblée l’attention et de donner le ton. Par exemple, on peut décider d’ouvrir l’equity story par un aperçu de la vision future et des objectifs financiers cibles, avant de revenir détailler d’où l’entreprise vient et comment elle va procéder. Durant cette étape de hiérarchisation, on élimine (ou relègue en annexe) les éléments trop secondaires qui alourdiraient le récit. On cherche également l’angle narratif le plus pertinent : pour certaines entreprises ce sera l’innovation technologique, pour d’autres la transformation réussie d’un business model traditionnel, pour d’autres la conquête d’un marché émergent, etc. Ce fil rouge doit correspondre à la réalité de l’entreprise tout en mettant en valeur ce qui la rend attractive.

  3. Rédaction et mise en récit – C’est l’étape de storytelling à proprement parler. Munis du plan et des messages clés, les responsables vont rédiger le récit dans un langage clair, percutant et pédagogique. Il s’agit de transformer la matière brute en une histoire cohérente et agréable à suivre. Quelques principes de base de la rédaction d’une equity story :

    • Clarté et concision : adopter un style simple, éviter le jargon technique ou l’excès d’acronymes financiers, expliquer les termes si besoin. Les paragraphes doivent être courts, les idées bien séparées. Il faut aller à l’essentiel pour tenir l’attention. Un adage est souvent cité : une bonne equity story devrait pouvoir tenir en une vingtaine de pages maximum (en présentation PowerPoint par exemple), ce qui force à la synthèse.

    • Contexte et pédagogie : ne pas hésiter à rappeler le contexte ou à fournir des comparaisons pour que le lecteur comprenne bien la situation. Par exemple, plutôt que de dire “nous visons 10 % de part de marché”, on peut écrire “nous visons 10 % de part de marché, ce qui ferait de nous le n°3 du secteur, contre 5 % aujourd’hui”. L’histoire doit être compréhensible même pour quelqu’un qui ne connaît pas encore l’entreprise en détail. L’équilibre entre information technique et narration accessible est crucial pour rassurer l’auditoire.

    • Illustration par les faits : appuyer les affirmations par des données concrètes ou des exemples. Si on affirme que le produit est leader de son segment, on peut ajouter “(classé n°1 par Gartner en 2024)”. Si on parle d’innovation, on mentionne le nombre de brevets déposés, etc. Des éléments factuels disséminés dans le récit lui donnent du poids et de la crédibilité : « Les éléments présentés doivent être factuels, clairs, crédibles, solides… Bref, il faut donner des preuves ».

    • Storytelling dynamique : utiliser les techniques narratives pour captiver le lecteur. Par exemple, construire un fil conducteur (une métaphore, une success story client…), soigner les transitions entre chapitres, éventuellement créer un peu de suspense sur la révélation de certains chiffres clés plus loin dans le document. Sans tomber dans le “roman”, on peut rendre la lecture moins aride qu’un rapport financier classique. Certains introduisent une trame “problème – solution – résultats” empruntée au storytelling : on pose le défi que l’entreprise doit relever, on explique sa solution/stratégie, et on montre les résultats attendus. Ce schéma parle bien aux investisseurs car il rappelle que la création de valeur vient de la résolution de problèmes ou de la capture d’opportunités.

    • Cohérence de ton : l’equity story doit avoir une voix unifiée, même si plusieurs mains ont contribué à sa rédaction. Il faut relire l’ensemble pour s’assurer que le ton est constant (ni trop technique à un endroit ni trop marketing à un autre, par exemple) et que chaque partie semble bien appartenir à la même histoire. L’usage de la première personne du pluriel (“nous”) est courant pour impliquer l’équipe dirigeante dans le récit. Il convient d’éviter les dissonances, par exemple ne pas vanter la prudence financière dans un paragraphe puis promettre des dépenses extravagantes dans un autre.

    • Vérification des faits : tout ce qui figure dans l’equity story doit être exact et à jour. Cette étape de rédaction inclut donc une validation par les départements compétents (finance, technique, juridique…) de chaque information chiffrée ou assertive. Une erreur factuelle découverte par un investisseur ruinerait la crédibilité de l’ensemble du récit.

    La rédaction aboutit généralement à un document narratif structuré (souvent une présentation PowerPoint pour l’oral, éventuellement un document Word type “document d’enregistrement” pour une IPO). Il est conseillé de rédiger une version synthétique orale (un pitch de quelques minutes) en parallèle, car la narration devra aussi pouvoir être déclamée efficacement par le dirigeant. Comme le rappelle A. Prigent-Labeis, “la prise de parole est nécessaire, l’écrit ne suffit pas” : il faut donc penser l’histoire pour l’oral autant que pour l’écrit.

  4. Révision et appropriation interne – Une fois un projet rédigé, il doit être relu et challengé en interne (et éventuellement par un regard externe critique) pour s’assurer de son efficacité. Il est utile de tester l’equity story auprès de quelques parties prenantes de confiance (par exemple un administrateur, ou un investisseur amical) pour voir si les messages sont bien compris et convaincants. On pourra ainsi ajuster des passages peu clairs ou trop longs. Cette étape inclut surtout l’alignment du top management : l’équipe dirigeante doit non seulement valider le contenu, mais aussi se l’approprier complètement. L’equity story devient en quelque sorte la ligne officielle du discours aux investisseurs ; il faut donc que le PDG, le directeur financier, etc., soient tous à l’aise avec chaque élément avancé. S’ils n’y croient pas eux-mêmes, cela se ressentira. Parfois, les consultants en communication financière jouent le rôle d’entraîneurs pour aider les dirigeants à intégrer le récit, en organisant des sessions de répétition (simulations de Q&A avec des investisseurs fictifs, par exemple). À noter : ceux qui ont construit le récit ne sont pas toujours les mieux placés pour le présenter spontanément (ils peuvent être trop plongés dans les détails) – d’où l’importance de cette phase d’appropriation pour gagner en recul et en aisance.

  5. Déclinaison multicanale et support visuel – Une equity story, une fois définie dans son contenu, va être déclinée sous plusieurs formats en fonction des canaux de communication financière. Parmi les principales livrables on retrouve :

    • La présentation investisseurs (investor deck) : souvent un diaporama d’une vingtaine de pages qui servira de support lors des roadshows, des réunions avec des investisseurs ou des conférences. Elle reprend les points clés du récit, enrichis de graphiques, tableaux et visuels pour illustrer les messages. Une bonne présentation est un savant mélange de texte concis et de données visuelles. « Présenter l’histoire de manière à capter l’attention […] en créant des documents de marketing de grande qualité (tels que le mémorandum d’information) et des présentations aux investisseurs, accompagnées de diagrammes, de graphiques et d’infographies qui enrichissent l’histoire et rendent l’information plus facile à assimiler » est vivement conseillé. L’aspect esthétique et la clarté visuelle comptent : diagrammes bien choisis, infographies illustrant le business model, etc., permettent de frapper l’esprit et d’ancrer certains messages (une image vaut mille mots, y compris en finance).

    • Le mémo ou prospectus : dans le cadre d’une IPO ou d’une levée de fonds importante, un document plus détaillé et officiel est produit (Document d’Enregistrement Universel, prospectus AMF, Information Memorandum dans le non-coté, etc.). Bien qu’encadré juridiquement, son chapitre introductif (Lettre du PDG, résumé stratégique) est souvent rédigé à partir de l’equity story. Ce document sert de référence pour les analystes et investisseurs institutionnels qui voudraient creuser chaque point.

    • Le communiqué de presse et le dossier de presse : destinés aux médias, ils reprennent l’equity story dans un format narratif court. Le communiqué d’annonce d’une IPO, par exemple, doit en une page résumer la vision, la stratégie, quelques chiffres clés et les objectifs de l’opération. Le dossier de presse fourni aux journalistes peut inclure des encarts reprenant les éléments du récit (historique de l’entreprise, bio du fondateur, description du marché adressé…).

    • Le rapport annuel : pour une entreprise cotée, le rapport annuel est un rendez-vous de communication financière où l’equity story trouve naturellement sa place, notamment dans le chapitre introductif et le discours aux actionnaires. D’une année sur l’autre, on voit l’évolution du récit (objectifs atteints ou non, nouvel élan, etc.) mais le fil conducteur reste cohérent si l’equity story est bien articulée à la stratégie réelle.

    • Les supports web et réseaux : la section “Investisseurs” du site web de l’entreprise reprend généralement l’equity story (sous forme de texte ou de vidéo du dirigeant). De plus, des éléments du récit peuvent être diffusés sur LinkedIn, Twitter ou autres réseaux professionnels lors de l’annonce d’un événement financier. La cohérence cross-média est importante : un investisseur qui lit le communiqué de presse puis va sur le site doit y retrouver les mêmes messages-clés.

    • Le pitch oral : enfin, il ne faut pas oublier la déclinaison orale pure. Le script du discours du PDG en roadshow ou en AG, les Q&A préparées pour les questions difficiles, tout cela doit être aligné avec l’equity story. On peut envisager un “elevator pitch” (résumé en 1 minute) et un pitch plus détaillé (quelques minutes) qui sont des versions condensées du récit pour des occasions informelles ou très courtes.

    Chaque canal a ses spécificités (contraintes réglementaires, temps de présentation limité, audience différente), mais tous doivent raconter fondamentalement la même histoire. Il s’agit de reformuler sans contredire. Par exemple, la vision globale sera identique partout, mais le rapport annuel donnera plus de détails financiers alors que le communiqué restera général. Une erreur serait d’envoyer des messages divergents selon les supports ; au contraire, la force d’une equity story bien orchestrée est d’offrir un discours unifié, démultiplié sur plusieurs plateformes pour toucher l’ensemble des cibles identifiées au chapitre 3.

  6. Communication active et dialogue avec les investisseurs – L’equity story prend vie lorsqu’elle est racontée et discutée avec le public visé. Après avoir diffusé les supports, vient l’heure des roadshows, réunions d’investisseurs, conférences téléphoniques, etc. C’est là que le dirigeant (accompagné éventuellement du CFO) incarne le récit. « Une fois rédigée, l’equity story doit, dans la plupart des cas, être incarnée par le dirigeant. Il la fera vivre auprès des investisseurs […] lors des incontournables roadshows, voire auprès des journalistes ». Ce storytelling oral est un art en soi : il faut raconter l’equity story de façon convaincante, maîtriser sa voix, son timing, et adapter le discours en fonction des réactions. Le dialogue qui s’instaure lors des questions-réponses est crucial : il permet de compléter le récit sur les points qui intéressent le plus l’auditoire, et de renforcer des aspects qui auraient pu rester flous. C’est pourquoi l’equity story n’est jamais figée : à force de la présenter, le management peut l’ajuster légèrement pour répondre aux préoccupations fréquentes des investisseurs (sans changer le fond, on peut éclaircir une explication, ajouter une anecdote parlante, etc.). Ce retour du terrain est précieux pour peaufiner continuellement le message. Au-delà des rencontres initiales, maintenir une communication continue fait partie de l’entretien de l’equity story : publications trimestrielles, participation à des événements investisseurs, présence sur les salons ou conférences sectorielles, etc., tout cela alimente le fil narratif et montre que l’entreprise exécute ce qu’elle a annoncé.

En suivant ces étapes – analyse, hiérarchisation, rédaction, validation, diffusion multicanale et interaction – l’entreprise se donne les moyens de construire une equity story solide et de la porter efficacement sur la place financière. Bien sûr, ce processus n’est pas ponctuel : l’equity story doit évoluer avec l’entreprise (voir plus loin la notion de constance et d’ajustement marginal). Pour finir ce chapitre, soulignons que la construction de l’equity story est souvent un travail d’équipe pluridisciplinaire. La direction générale et la direction financière en sont pilotes, la communication apporte son savoir-faire narratif, éventuellement le marketing s’il s’agit de lier marque et equity story, et les conseils extérieurs (banquiers, agences) apportent méthode et regard critique. Cette collaboration garantit qu’à l’arrivée, le récit soit à la fois fidèle à la stratégie et percutant dans la forme.

Après avoir vu comment bâtir et déployer l’equity story, intéressons-nous à son positionnement plus large dans la communication de l’entreprise : comment s’articule-t-elle avec le brand narrative et la réputation corporate ?

Articulation entre Equity Story, brand narrative et réputation corporate

Une entreprise peut raconter plusieurs histoires en parallèle, selon les publics qu’elle adresse : l’histoire pour ses clients (récit de marque), l’histoire pour ses employés (récit interne, culture d’entreprise), l’histoire pour ses investisseurs (equity story), etc. Idéalement, ces récits ne doivent pas être contradictoires, au contraire ils doivent se renforcer mutuellement pour construire une réputation corporate cohérente et solide. Dans cette section, nous examinons comment l’equity story s’articule avec le récit de marque et contribue à la réputation globale de l’entreprise.

Récit de marque vs equity story – Le récit de marque (brand narrative) est l’histoire que l’entreprise raconte à ses clients et au grand public pour donner du sens à ses produits/services et à son univers de marque. Il met en avant la mission, les valeurs, l’identité, souvent de façon émotionnelle et engageante. Par exemple, le récit de marque de Nike tourne autour de l’inspiration sportive et du dépassement de soi, celui de Tesla autour de la transition vers l’énergie durable avec une touche d’audace innovante, etc. L’equity story, elle, comme on l’a vu, s’adresse aux investisseurs et se focalise sur la création de valeur financière future. A priori, ces deux récits ont des objectifs différents (séduire un consommateur vs un investisseur), mais ils sont en réalité intimement liés : ils parlent de la même entreprise.

Pour être efficace, une equity story doit intégrer les éléments du récit de marque qui ont un impact sur la proposition de valeur financière. Par exemple, si la marque véhicule des valeurs d’innovation et de qualité, l’equity story pourra montrer comment ces valeurs se traduisent en avantage compétitif et donc en part de marché ou en pricing power. De même, si la marque a une communauté fidèle (atout côté clients), l’equity story valorisera la fidélité de la base client et la réputation qui permet de gagner de nouveaux marchés. Autrement dit, l’equity story est à mi-chemin entre le récit de marque et la business history (histoire économique) de l’entreprise. Les experts en communication d’entreprise notent que leur méthode se situe « à mi-chemin entre le récit de marque et la business history » pour accompagner le déploiement du récit sur tous les médias, signe que ces dimensions doivent être harmonisées.

Concrètement, cela signifie que lors de la construction du récit financier, la direction marketing/communication peut apporter une contribution précieuse. En effet, ce sont souvent eux qui portent la connaissance fine de la marque, de son storytelling grand public, de son identité verbale. Il est pertinent de les impliquer afin de s’assurer que l’equity story “colle” bien à l’ADN de l’entreprise. D’ailleurs, « si la marque joue un rôle essentiel dans l’equity story, le directeur marketing peut être associé » à l’élaboration de celle-ci. Par exemple, une entreprise dont l’argument de vente majeur est la fiabilité aura développé un récit de marque autour de la confiance ; il faut que l’equity story insiste aussi sur la fiabilité (sous un angle financier : stabilité des résultats, prévisibilité). À l’inverse, une dissonance serait très dommageable : imagons une marque qui communique au grand public sur sa responsabilité sociale et écologique, mais dont l’equity story devant les investisseurs ne parle que de profit sans aucune mention ESG – les investisseurs pourraient y voir un manque de sincérité ou de clairvoyance, et le grand public, s’il en a vent, dénoncer une hypocrisie. Aligner les messages évite ce genre de situation.

Cependant, alignement ne veut pas dire identité : l’equity story a son ton propre, plus rationnel et orienté performance. Tout n’est pas transposable tel quel du récit de marque. Par exemple, le storytelling client peut être très centré sur l’émotion et utiliser de la narration imagée, ce qui doit être dosé prudemment dans un discours investisseurs qui attend aussi de la rigueur. Il faut trouver le juste équilibre pour que l’equity story soit à la fois cohérente avec la marque (sur le fond) et crédible pour des financiers (sur la forme). Dans les faits, de plus en plus d’entreprises font coïncider les deux exercices en formulant une “raison d’être” ou un mantra qui peut servir à la fois en communication institutionnelle et en introduction de l’equity story. Par exemple, la raison d’être de Danone “apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre” apparaît dans ses communications RSE mais aussi dans ses présentations investisseurs, pour montrer l’alignement mission – business.

Impact sur la réputation corporate – La réputation corporate se définit comme la perception globale qu’ont l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (clients, investisseurs, pouvoirs publics, employés, etc.). Elle se construit dans le temps, au gré des communications, des actions de l’entreprise et du bouche-à-oreille. L’equity story, en tant que discours officiel auprès de la communauté financière, contribue à forger la réputation de l’entreprise sur des aspects tels que sa crédibilité, son ambition, sa transparence et sa performance attendue.

Une equity story bien construite et tenue dans le temps peut devenir un véritable atout de réputation. Par exemple, si une société annonce une stratégie claire et des objectifs et qu’au fil des années elle délivre effectivement ce qu’elle avait promis, elle gagne une réputation de fiabilité et de sérieux non seulement auprès des investisseurs, mais cela rejaillit aussi en interne (motivation des employés fiers d’atteindre les objectifs) et même auprès des partenaires extérieurs. A contrario, une entreprise qui change sans cesse de discours stratégique ou qui survend ses perspectives et déçoit régulièrement court le risque d’une réputation d’“acteur peu fiable”. Sur les marchés financiers, la sanction est immédiate : les investisseurs finissent par déserter le titre ou à exiger une décote de méfiance. Mais au-delà, les autres publics peuvent aussi percevoir cette instabilité narrative. Aujourd’hui, dans un contexte de méfiance généralisée envers les discours officiels, les entreprises doivent être vigilantes : tout écart entre le discours et les actes est rapidement dénoncé (par les médias, par les ONG, sur les réseaux sociaux). Ainsi, une equity story mensongère ou trop enjolivée peut virer au cauchemar de réputation si la vérité finit par se voir. L’exemple de WeWork mentionné plus tôt l’illustre : l’entreprise se racontait comme une tech révolutionnaire alors qu’elle était essentiellement une foncière de coworking, ce décalage narratif a non seulement fait fuir les investisseurs lors de l’IPO manquée, mais a aussi terni l’image de la société dans l’opinion publique (perçue comme une bulle creuse).

L’authenticité du récit est donc une valeur commune au brand narrative et à l’equity story, au fondement de la réputation. Comme le dit un consultant, « l’equity story équivaut à un engagement de l’entreprise vis-à-vis du marché […] Elle se doit donc d’être authentique ». Une entreprise qui tient parole auprès de ses actionnaires gagne en confiance, ce qui se répercute sur la confiance de ses clients et vice versa. Inversement, attention à ne pas trop en dire : la réputation se joue aussi sur la transparence maîtrisée. Il ne s’agit pas de tout dévoiler non plus (secret industriel, etc.), sinon l’entreprise peut se nuire à elle-même. D’après Carminati, « la transparence n’est pas souhaitable sur tous les sujets, ne serait-ce que pour des raisons concurrentielles ». Il faut donc doser l’information : être sincère sans être naïf. Par exemple, ne pas divulguer ses intentions précises sur un futur produit concurrentiel dans l’equity story, mais tout de même indiquer “nous travaillons sur une innovation majeure” pour rester transparent sur la stratégie.

En résumé, l’equity story fait partie intégrante de la stratégie de storytelling global de l’entreprise. Elle s’appuie sur la trame identitaire de la marque et, en retour, elle renforce (ou affaiblit) la réputation corporate selon qu’elle est bien pensée et tenue ou non. Une équation gagnante est lorsque tous les récits se rejoignent : l’entreprise fait ce qu’elle dit et dit ce qu’elle est. Ainsi, investisseurs, clients, employés entendent des messages cohérents et y croient. Il se crée un cercle vertueux de confiance. À l’inverse, une contradiction flagrante (par ex. prôner l’humain en marketing mais annoncer aux investisseurs une réduction massive des effectifs purement financière) peut provoquer un bad buzz et détériorer la réputation à long terme.

Pour les professionnels de la communication de crise, cet aspect est fondamental : souvent les crises naissent d’un décalage entre le discours et la réalité. Travailler l’alignement equity story – brand narrative, c’est en quelque sorte prévenir des crises potentielles de crédibilité. Une entreprise avec une réputation solide auprès de tous ses publics résiste mieux aux tempêtes : ses investisseurs lui laissent le bénéfice du doute, ses clients restent loyaux, etc. D’où l’importance pour un communicant (même spécialisé crise) de comprendre l’equity story : c’est l’une des facettes du discours corporate qui doit rester crédible en toutes circonstances.

Après ces considérations sur la cohérence globale, terminons ce cours par des recommandations pratiques : quelles sont les bonnes pratiques pour réussir son equity story, et quelles erreurs fréquemment observées faut-il éviter ?

Bonnes pratiques et erreurs fréquentes en matière d’Equity Story

Pour clore, voici une synthèse des meilleures pratiques à adopter lors de la conception et la communication d’une equity story, ainsi que des pièges courants dans lesquels il ne faut pas tomber. Ces recommandations découlent à la fois de l’expérience de professionnels et des points que nous avons déjà abordés.

Bonnes pratiques (les « règles d’or » d’une Equity Story réussie) :

  • Authenticité et sincérité : Une equity story doit reposer sur des éléments exacts et sincères. Il est tentant d’embellir la réalité pour séduire, mais cela se retournera contre l’entreprise si les promesses ne sont pas tenues. Mieux vaut s’engager sur des objectifs réalistes, voire un peu en-deçà, et les dépasser, que l’inverse. En ce sens, l’equity story est un engagement vis-à-vis du marché : elle doit pouvoir être crue. L’authenticité implique aussi d’adopter un ton propre à l’entreprise, qui sonne vrai, plutôt que de copier des formules à la mode. Enfin, être authentique ne signifie pas tout dévoiler (on peut rester discret sur certains points compétitifs), mais tout ce qui est dit doit être vrai.

  • Clarté, pédagogie et transparence raisonnable : La pédagogie doit primer dans l’exposition de l’equity story. Il faut constamment se mettre à la place de l’auditeur : comprend-il bien d’où vient l’entreprise, où elle va, comment et avec quels atouts ? Jargon technique ou financier doit être expliqué ou épuré. Contexte et définitions doivent être fournis pour éviter toute confusion. Par exemple, si vous parlez de “ARR” (Annual Recurring Revenue) devant un public non-initié, précisez que c’est le revenu récurrent annuel. La transparence, dans une certaine mesure, renforce la confiance : ne cachez pas une info importante (un risque, un défi), sans quoi l’investisseur aura l’impression qu’on lui masque quelque chose. Donnez des preuves factuelles à chaque fois que possible (chiffres, exemples concrets) pour asseoir vos dires. En résumé, une bonne pratique est de rendre l’histoire accessible et crédible : n’assumez jamais que “tout le monde sait déjà cela” et n’avancez rien sans un minimum d’éléments tangibles à l’appui.

  • Impact et mémorabilité : L’objectif d’une equity story est de marquer les esprits positivement, de se démarquer des autres opportunités d’investissement. Pour cela, il faut soigner l’impact du récit. Quelques conseils : commencez par un message fort (une phrase choc sur la vision ou un chiffre marquant) plutôt qu’une longue introduction molle. Structurez votre discours de manière à frapper l’attention dès le début et à garder un fil conducteur clair. Utilisez des métaphores ou des images fortes si cela peut aider (sans excès). Par exemple dire “Nous sommes le chef d’orchestre d’un écosystème industriel” donne une image parlante. Veillez également à la qualité formelle : des visuels percutants, un design professionnel de vos slides, contribuent à l’impact. Cependant, attention à ne pas tomber dans l’excès : l’originalité a des limites. Le marché n’aime pas l’humour déplacé ou la fantaisie dans ce contexte sérieux. Rester professionnel est de mise. L’impact vient plus de la pertinence des messages et de la force des preuves que de l’enrobage marketing. Enfin, soyez synthétique : privilégiez quelques messages bien choisis que l’auditoire retiendra, plutôt qu’un trop-plein d’informations où rien ne ressort. Une règle souvent citée est que l’ensemble du pitch doit tenir en 20 minutes environ, support compris.

  • Constance et suivi dans le temps : Une equity story, une fois définie, doit garder des fondamentaux stables dans le temps. Bien sûr, une entreprise évolue et actualise son discours, mais les pivots narratifs trop fréquents sont néfastes. « Hors éléments exceptionnels, une equity story peut évoluer, mais à la marge ; les fondamentaux ne doivent pas ou peu évoluer, sous peine de déstabiliser et de faire perdre la confiance des investisseurs, notamment en Bourse ». La cohérence dans la durée est cruciale pour bâtir la crédibilité. Cela implique de résister à la tentation de changer de storytelling à chaque nouvelle mode ou à chaque trimestre décevant. Si l’histoire initiale est bien pensée, elle doit pouvoir absorber les aléas sans être remise en cause fondamentalement. La constance vaut aussi dans l’exécution : tenez vos promesses ou expliquez honnêtement pourquoi elles sont retardées, mais ne changez pas l’objectif dès que souffle un vent contraire. Être constant, c’est aussi tenir informés régulièrement les investisseurs de l’avancement du plan annoncé, et ne pas annoncer un jour l’opposé de ce qui a été dit six mois plus tôt (sauf cas de force majeure). Cette discipline narrative est saine y compris en interne : « une equity story est structurante pour l’entreprise car, d’une part, elle oblige à poser noir sur blanc la stratégie et les objectifs à 3-4 ans et, d’autre part, elle oblige à s’y tenir » souligne J.-F. Carminati. En somme, la bonne pratique est de considérer l’equity story comme un fil rouge stratégique auquel on se tient, tout en l’ajustant à la marge si nécessaire, mais sans virages incohérents.

  • Personnalisation et incarnation : Bien que l’equity story doive représenter l’entreprise dans son ensemble, n’oubliez pas que ce sont des êtres humains qui la racontent et qui l’écoutent. Personnaliser le récit avec une touche humaine aide à le rendre plus vivant. Par exemple, un PDG peut partager une anecdote personnelle sur pourquoi il croit en la vision de l’entreprise, ou un CTO mentionner sa fierté pour l’innovation développée. Ce genre d’éléments donne de la chaleur au discours et peut créer de l’empathie chez l’auditoire. L’incarnation par le leader est fondamentale : il doit porter l’histoire avec conviction, ce qui nécessite de s’entraîner comme vu précédemment. Une bonne pratique est d’aligner le “storyteller” le plus adapté avec chaque audience – généralement le CEO pour la partie stratégique/vision (car sa parole a plus de poids, il engage l’entreprise au plus haut niveau), et le CFO pour les détails financiers en soutien. Montrez aussi l’équipe : dans une présentation, afficher les visages et bios des dirigeants clés rassure (on voit qui pilote le navire). En résumé, rendez l’histoire incarnée et non pas désincarnée derrière des communiqués anonymes. Les investisseurs investissent autant dans des gens que dans des chiffres.

  • Adaptation aux attentes de l’auditoire : Même si le cœur du message reste le même, il faut savoir adapter l’emphase selon à qui l’on s’adresse (voir chapitre 3). Une bonne pratique est de préparer plusieurs variantes du pitch, ou du moins d’avoir des modules modulables. Par exemple, face à un investisseur très focalisé sur l’ESG, on développera davantage les aspects durables de l’histoire. Avec un investisseur purement “value” intéressé par les dividendes, on insistera sur la génération de cash et le retour aux actionnaires. Cela ne veut pas dire changer l’histoire, mais ajuster la mise en scène des arguments pertinents. Cela rejoint l’idée de déclinaison multi-canale : chaque support ou occasion aura sa version optimisée de l’equity story. Soyez attentifs aux réactions en temps réel : si vous sentez que tel point accroche l’intérêt de l’auditoire, creusez-le un peu plus, quitte à écourter un autre passage. Cette agilité de communication, tout en restant cohérent, est une marque de maîtrise.

  • Anticipation des questions et objections : Les meilleurs communicants financiers préparent en amont les réponses aux questions délicates. Identifiez les points faibles potentiels de votre récit.