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La gestion de crise de Richard Gasquet subissant un contrôle antidopage

La communication de crise de Richard Gasquet

C’est un communiqué envoyé à l’AFP en fin d’après-midi, hier. Il est rédigé à la troisième personne et signé Richard Gasquet, mais l’agent du joueur a signifié ensuite à l’agence de presse qu’elle pouvait placer les mots dans la bouche du joueur, ce qui donne : « L’examen de l’échantillon B du contrôle subi fin mars 2009, pendant le tournoi de Miami, auquel je n’ai pas participé, a confirmé le caractère positif du résultat de l’échantillon A prélevé le même jour. L’analyse capillaire à laquelle je me suis livré le 7 mai 2009 auprès d’un laboratoire indépendant (1) n’a pour sa part révélé aucune trace de cocaïne. Compte tenu de la complexité de ce dossier, je réunis actuellement les preuves de mon innocence et fixerai le moment opportun pour m’exprimer. » Point barre.

La gestion de crise par Lagardère

Autour du joueur s’est mise en place une structure de communication de crise issue du Groupe Lagardère. « Il est urgent de ne pas se précipiter ou de tirer des conclusions hâtives, assurait hier le porte-parole d’Arnaud Lagardère et expert en gestion de crise. Car, après avoir échangé avec Richard Gasquet, il est clair que nous n’en sommes qu’au commencement. Il faut savoir garder son calme et faire preuve de retenue et de sérénité. »

Rappel des faits : le samedi 28 mars, Richard Gasquet subit un contrôle antidopage à Miami quelques heures après avoir déclaré forfait pour le tournoi. Il y a dix jours, au lendemain de son élimination à Rome, il apprend par courrier que le contrôle s’est révélé positif à la cocaïne. La contre-expertise a donc confirmé le résultat.

Question cruciale : compte tenu du forfait de Richard Gasquet pour le Masters 1000 de Miami avant le contrôle antidopage, ce fameux contrôle est-il à considérer comme « hors compétition » ? Question cruciale parce que, hors compétition, la cocaïne n’est pas interdite. Mais l’article F. 4, page 11 du règlement antidopage de l’ITF (la fédération internationale) est clair : « Tout joueur déclarant forfait pour le tableau final d’un tournoi après le lancement du premier match de ce tableau final (ce qui était le cas de Gasquet) doit se soumettre à un contrôle antidopage en cas de désignation. (…) Tout contrôle de ce type est considéré comme étant effectué en période de compétition. »

De ce fait, le Français a bien été pris en infraction. D’ailleurs, il n’aurait même pas été averti par l’ITF si ce contrôle, même positif, avait été considéré comme effectué « hors compétition ».

Le code mondial antidopage dans sa version révisée, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, prévoit une peine de deux ans pour les produits dopants dits « lourds », or la cocaïne ainsi que trois autres stimulants figurent dans cette fameuse liste, à l’inverse de tous les autres stimulants.

Étant donné que les faits qui lui sont reprochés sont postérieurs au 1er janvier 2009, Richard Gasquet devra être soumis à ce barème de sanction. Si l’ITF lui infligeait une peine inférieure à deux ans, l’AMA (Agence mondiale antidopage) ferait appel de cette décision devant le Tribunal arbitral du sport. Bien entendu, si Richard Gasquet, preuves ou témoignages à l’appui, arrivait à prouver formellement son innocence, l’affaire prendrait une toute autre tournure au niveau disciplinaire. Mais y parvenir paraît quasiment impossible, relèverait de l’enquête de police et prendrait un temps infini.

En se soumettant de son plein gré auprès d’un laboratoire indépendant à une analyse capillaire n’ayant apparemment révélé aucune trace de cocaïne, Richard Gasquet a d’abord voulu prouver qu’il n’était pas un consommateur régulier, les cheveux gardant longtemps les traces de cette substance.

Mais ce n’est qu’un argument « moral » visant à défendre son mode de vie adapté aux rigueurs du monde professionnel, ne l’exonérant aucunement de ce qui s’est passé à Miami. Selon toute vraisemblance, le joueur devrait plaider le fait qu’il s’est fait piéger lors d’une soirée privée. La thèse de la prise involontaire et accidentelle étant celle que voulait d’ailleurs privilégier Jean Gachassin, le président de la FFT, qui attendait hier soir de joindre le joueur : « Est-ce que Richard ne se serait pas fait avoir ? Dans quelles circonstances a-t-il été amené à consommer cela ? Il paraît que c’est un peu spécial, dans un endroit privé… Ça me rappelle un peu l’affaire De Villiers en rugby (3). Soyons prudents avant d’accabler le joueur. Mais, évidemment, s’il l’a fait volontairement, c’est grave pour l’élite du tennis français. Et si c’est le cas, je prendrai mes responsabilités. »

À l’appui de la théorie d’un Gasquet tombé des nues au moment des faits, inconscient du danger qui pesait sur lui, il faut se souvenir qu’au tournoi de Rome, le mardi 29 avril, jour très chargé où il avait battu successivement Tsonga et Gulbis, il avait été soumis très tard dans la soirée à un contrôle antidopage. Avant de s’y rendre, alors que l’on devisait sur l’horaire incongru et les contraintes d’un tel acte après une journée à rallonge, il avait souri. « De toute façon, ils peuvent me contrôler cent fois, ils ne trouveront jamais rien. » Deux jours plus tard, il apprenait la très mauvaise nouvelle.

Tout s’est déroulé au Set, un des principaux clubs de South Beach Miami, à l’occasion de la Winter Music Conference. Ce vendredi 27 mars, dans ce festival de musique électronique, c’est au tour du fameux DJ français Bob Sinclar de mettre la foule en transe. Au milieu, un fan pas tout à fait comme les autres : Richard Gasquet, qui espérait depuis longtemps assister à un concert du DJ. Que s’est-il vraiment passé au coeur de cette nuit floridienne agitée ? « J’ai eu Richard au téléphone, racontait hier Santoro sur Europe 1. Il m’a expliqué son dîner, sa soirée… Ou alors je me suis trompé sur lui ce qui m’étonnerait profondément , ou alors il y a un problème ailleurs. Je n’ai aucun doute sur son hygiène de vie, mais il y a eu ce contrôle… Maintenant, il faut attendre. »

Gasquet n’a-t-il pas pris toutes les précautions ? Michaël Llodra, son partenaire du Groupe Lagardère, essayait lui aussi de comprendre. « Je ne sais pas dans quel contexte il a pu prendre de la cocaïne ou s’il s’est fait avoir. Dans les soirées, je fais très attention, je garde mon verre à la main, car je sais que ce genre de bêtises peut arriver très vite… »

(1) Il s’agit du laboratoire d’expertise judiciaire du professeur Pascal Kintz à Strasbourg.