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La culture du risque comme fondement de la résilience territoriale

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Dans un monde marqué par la multiplication et l’intensification des aléas, la nécessité de développer une « culture du risque » apparaît plus pressante que jamais. Les catastrophes naturelles (inondations, séismes, tempêtes) et technologiques (accidents industriels, pollutions massives), de même que les crises sanitaires (épidémies, pandémies), mettent en évidence l’importance de la préparation et de la coordination entre les acteurs d’un territoire. Il ne suffit plus de gérer la crise lorsqu’elle survient ; il faut apprendre à la prévenir, à en atténuer les effets et à s’organiser de manière proactive pour limiter les dommages insiste l’expert en gestion de crise Florian Silnicki qui dirige l’agence LaFrenchCom.

La culture du risque découle d’une prise de conscience approfondie des dangers auxquels une communauté peut être exposée. Elle inclut la compréhension des vulnérabilités propres à son réseau d’acteurs – entreprises, institutions, citoyens, associations –, et la volonté collective de réduire ces fragilités pour mieux prévenir les risques. Trois piliers fondamentaux définissent cette notion : la conscience (reconnaître l’existence même des risques), la connaissance (comprendre leur nature, leur probabilité, leurs conséquences) et la mémoire collective (se souvenir des catastrophes passées et intégrer les enseignements qui en découlent). Au carrefour de ces trois piliers, la culture du risque ne peut naître que d’une co-production : collectivités, pouvoirs publics, entreprises, communautés scientifiques, associations et citoyens ont chacun un rôle à jouer pour ancrer durablement un état d’esprit de résilience sur un territoire.

Définir la culture du risque

Un concept au carrefour de plusieurs disciplines

La culture du risque est une notion relativement récente dans le champ de la gestion de crise et de la résilience. Elle résulte d’un croisement de disciplines variées : sociologie, géographie, urbanisme, sciences de l’ingénieur, psychologie, etc. Au départ cantonnée à l’étude de risques industriels (comme la sûreté nucléaire ou la prévention d’accidents chimiques), cette préoccupation s’est étendue à tous les types de menaces. Le risque est désormais appréhendé de manière globale, incluant aussi bien les risques naturels (séismes, volcans, inondations) que les risques sanitaires (pandémies, maladies émergentes), en passant par les risques politiques ou économiques.

La culture du risque s’appuie sur l’idée que les catastrophes ne sont pas uniquement des événements « naturels » ou « accidentels » indépendants de l’action humaine : elles résultent souvent d’une rencontre entre un aléa (un phénomène potentiellement dangereux) et une vulnérabilité (ex. : un territoire densément peuplé, des habitations non adaptées, une faible conscience du danger). Cette compréhension plus systémique incite à développer une posture préventive et partagée, plutôt que de se limiter à une gestion opérationnelle ex post.

Les trois piliers fondamentaux

  1. Conscience des risques : il s’agit de la capacité à percevoir et admettre que des dangers existent. Cette conscience implique de ne plus occulter la probabilité, même faible, d’un événement extrême ou grave. Elle est cruciale, car une société dénuée de conscience des risques se retrouve toujours surprise par la crise et réagit dans l’urgence, avec des conséquences souvent aggravées.

  2. Connaissance des dangers potentiels : au-delà d’une simple prise de conscience, il faut développer une connaissance approfondie des aléas, de leurs causes, de leur fréquence possible, de leur intensité, et de leurs conséquences directes ou indirectes. Cette connaissance se nourrit de l’expertise scientifique et technique, de données historiques, de modélisations et simulations. Plus elle est précise, plus les politiques de prévention et de préparation sont susceptibles d’être efficaces.

  3. Mémoire collective : enfin, la culture du risque s’alimente de l’histoire et des leçons tirées des catastrophes ou incidents passés. Les sociétés qui n’apprennent pas de leurs erreurs répètent souvent les mêmes schémas de vulnérabilité. À l’inverse, une mémoire collective permettant de capitaliser sur les expériences antérieures peut stimuler l’amélioration des normes, des comportements et des infrastructures.

C’est l’interaction entre ces trois piliers qui fait émerger une authentique culture du risque. Pour prendre un parallèle, on peut dire que la mémoire collective alimente la conscience, qui elle-même oriente la recherche de connaissances, laquelle, enfin, renforce la conscience de nouveaux enjeux et nourrit la mémoire future. Ce cercle vertueux se construit cependant sur la durée et exige un engagement multidisciplinaire et intergénérationnel.

Les fondements : conscience, connaissance et mémoire

La conscience : reconnaître la possibilité du danger

La première étape dans la construction d’une culture du risque est la prise de conscience. Elle se déploie à différents niveaux : l’individu, la famille, l’entreprise, la collectivité, la société. Pour qu’elle s’enracine, il faut combattre deux écueils : la sous-estimation et la banalisation du danger.

  • La sous-estimation survient lorsque l’on pense qu’un événement potentiel est si rare ou si lointain qu’il ne nous concernera jamais. Nombre de territoires inondables, par exemple, ignorent ou négligent cette réalité tant qu’ils n’ont pas été frappés par une crue majeure depuis longtemps. Le phénomène de déni peut être renforcé par un optimisme excessif ou un manque d’information.

  • La banalisation advient quand l’on confond la connaissance du risque (intellectuelle) avec une attitude proactive. Certains individus et collectivités savent qu’il existe un danger, mais ne modifient pas pour autant leurs comportements. Ils considèrent que la probabilité d’occurrence reste faible, ou estiment que le coût de la prévention est trop élevé. Résultat : aucune action concrète n’est entreprise pour se protéger.

Développer la conscience des risques suppose de mettre en place des campagnes d’information et de sensibilisation à tous les niveaux. Les autorités, en collaboration avec les experts et la société civile, peuvent concevoir des supports pédagogiques (affiches, brochures, sites web, applications mobiles) expliquant quels sont les dangers potentiels sur le territoire (ex. : risques d’inondation, de séisme, d’accident industriel) et comment chacun peut se préparer (ex. : plans d’évacuation, comportements de sauvegarde). Cette prise de conscience est essentielle pour passer à l’étape suivante : la connaissance.

La connaissance : comprendre la nature du risque et ses mécanismes

La connaissance des risques va au-delà de l’existence d’un aléa. Elle implique d’analyser le fonctionnement de ce dernier, de mesurer son intensité probable, sa fréquence, et d’identifier précisément les vulnérabilités exposées. Dans un contexte de changement climatique, par exemple, il ne suffit plus de savoir que les canicules existent : il faut en quantifier la probabilité accrue, comprendre leurs effets sur la santé, anticiper l’impact sur les ressources (eau, énergie), et distinguer les populations les plus fragiles (enfants, personnes âgées, travailleurs exposés à la chaleur, etc.).

Cette connaissance se nourrit de diverses sources :

  • Les travaux scientifiques et techniques (modélisation de la montée des eaux, études sismiques, analyses de données météo, études épidémiologiques, etc.)

  • Les retours d’expérience après catastrophes, qui permettent de comprendre les facteurs aggravants (mauvaise planification urbaine, entretien insuffisant des digues, manque de communication entre services d’urgence…)

  • L’observation participative. De plus en plus, des réseaux de citoyens, d’associations ou de chercheurs bénévoles collectent des données de terrain (niveau des fleuves, signaux de subsidence, état des infrastructures) pour affiner la cartographie des risques.

En France, par exemple, la loi impose depuis plusieurs décennies la mise en place de Plans de Prévention des Risques (PPR) pour cartographier les zones exposées aux inondations, aux mouvements de terrain, aux feux de forêt, etc. Ces plans encouragent les communes et intercommunalités à effectuer une analyse précise des aléas et des vulnérabilités (habitat en zone rouge, équipements critiques, etc.). Cette politique publique vise à soutenir la connaissance locale des dangers et à favoriser une urbanisation adaptée, tout en incitant à réduire les constructions dans les zones les plus exposées. Néanmoins, la mise en œuvre sur le terrain demeure parfois difficile, car elle se heurte à des intérêts économiques, politiques ou individuels (ex. : pression foncière).

La mémoire collective : apprendre des catastrophes passées

On ne peut construire une culture du risque durable sans tirer les leçons du passé. La mémoire collective des événements passés permet de garder à l’esprit que les catastrophes ne sont pas de pures abstractions, mais des réalités qui peuvent frapper à nouveau. Pour autant, le temps passant, le souvenir de certaines crises tend à s’estomper, en particulier d’une génération à l’autre. Ainsi, après une crue historique, les habitants touchés sont conscients pendant quelques années du potentiel destructeur des inondations, puis la vigilance décline au fil du temps, surtout si les infrastructures de protection créent un sentiment de fausse sécurité.

  • La documentation (rapports, photos, vidéos, témoignages) est cruciale pour entretenir cette mémoire. Les archives historiques permettent également de reconstituer des phénomènes antérieurs (ex. : crue de la Seine en 1910 à Paris, éruptions volcaniques dans les Antilles françaises, etc.) et de montrer que rien n’empêche ces événements de se reproduire, parfois de façon plus violente.

  • La commémoration de certains désastres peut être un moyen de maintenir la mémoire vive dans l’espace public. Par exemple, au Japon, le souvenir du tremblement de terre de Kobe (1995) fait l’objet de musées, de mémoriaux et d’actions pédagogiques pour ne pas oublier l’ampleur des dégâts et encourager la population à se préparer.

  • Le retour d’expérience (RETEX) est une démarche formalisée qui consiste à analyser un événement passé, ses causes, la manière dont il a été géré, les dysfonctionnements observés et les mesures correctives à envisager. Les RETEX peuvent être organisés par des organismes officiels (ministères, agences) ou des instances professionnelles (ex. : industrie pétrochimique, secteur du nucléaire). Ces analyses, si elles sont partagées publiquement, constituent un socle de connaissances permettant d’éviter de reproduire les erreurs.

En somme, la mémoire collective vient compléter la conscience et la connaissance des risques. Lorsqu’une société intègre véritablement le souvenir des catastrophes antérieures et en tire des enseignements, elle augmente considérablement sa capacité de résilience. Cette prise en compte du passé, couplée à l’analyse des évolutions futures (ex. : évolution démographique, changement climatique, transformations urbaines), sert de fondation solide pour mettre en place des stratégies de prévention et d’adaptation.

La co-production d’une culture du risque

Pourquoi la co-production est indispensable

La culture du risque ne peut être imposée unilatéralement d’en haut par l’État ou les collectivités territoriales. Elle ne peut non plus reposer uniquement sur les épaules des citoyens ou des entreprises. Son élaboration requiert une co-production, c’est-à-dire un processus collaboratif où chaque acteur apporte sa vision, son savoir, son expertise, et participe à la mise en œuvre d’actions concrètes. Cette co-production repose sur l’idée que le risque et la vulnérabilité sont des phénomènes systémiques : ils concernent l’ensemble du tissu social, économique et environnemental d’un territoire.

  • Les pouvoirs publics (État, régions, départements, communes) fixent le cadre réglementaire, financent une partie des infrastructures, élaborent des plans de prévention et d’organisation des secours.

  • Les collectivités locales sont au plus proche du terrain : elles connaissent la réalité démographique et géographique, engagent des actions de sensibilisation, coordonnent les interventions en cas de crise.

  • Les entreprises ont la responsabilité de sécuriser leurs installations, de former leurs salariés, d’anticiper la continuité d’activité en cas de sinistre, et de respecter des normes qui protègent la population environnante.

  • Les citoyens eux-mêmes ne doivent pas être de simples bénéficiaires passifs de la protection publique. Ils peuvent s’impliquer en se formant aux gestes qui sauvent, en participant à des exercices d’alerte, en intégrant des associations de protection civile, ou tout simplement en prenant des précautions pour réduire leur exposition (ex. : stock de vivres, aménagement résilient de l’habitat, etc.).

  • Les scientifiques et les experts techniques jouent un rôle pivot en fournissant des connaissances sur les aléas, en élaborant des modèles prédictifs, en évaluant l’efficacité des mesures de protection, etc.

La co-production est indispensable car chaque acteur détient une partie de la solution. Les institutions, par exemple, ne peuvent mettre en place des plans d’évacuation pertinents sans la participation active de la population, qui doit être au courant des consignes et prête à les appliquer. Inversement, les citoyens ne peuvent se mobiliser efficacement s’ils ne bénéficient pas d’un cadre clair et de ressources suffisantes (communication, infrastructures, équipements).

Les bénéfices d’un processus de co-construction

Ce processus collaboratif n’est pas toujours aisé à mettre en place. Il requiert du dialogue, de la transparence et une volonté de rapprocher des univers parfois très différents (ex. : élus, riverains, industriels). Toutefois, lorsque la co-production fonctionne, elle produit des bénéfices majeurs pour la culture du risque :

  1. Renforcement du sentiment d’appartenance : en impliquant activement les citoyens dans la préparation au risque, on renforce leur sentiment de responsabilité et de solidarité envers le territoire.

  2. Meilleure prise en compte de la réalité locale : grâce à la concertation, les actions retenues (plans de circulation en cas d’inondation, localisations d’abris, consignes d’alerte) sont mieux adaptées aux spécificités du terrain.

  3. Partage de savoirs multiples : experts, associations, habitants et services de secours peuvent échanger leurs connaissances. Les habitants détiennent souvent une connaissance empirique (ex. : repérer un cours d’eau qui déborde régulièrement) tandis que les chercheurs apportent une vision plus globale.

  4. Création de valeurs partagées : par exemple, le souci de la prévention et la conscience de la vulnérabilité peuvent devenir des « valeurs communes » acceptées par tous, ce qui facilite l’acceptation de mesures restrictives (ex. : interdiction de construire en zone inondable) ou d’investissements coûteux (renforcement de digues, travaux d’adaptation).

La culture du risque naît ainsi d’une dynamique sociale et collective, où la somme des efforts consentis se traduit par une résilience accrue face aux chocs éventuels.

La culture du risque comme levier de résilience

Résilience individuelle et résilience collective

Le concept de résilience, largement popularisé dans le domaine des risques et des catastrophes, désigne la capacité d’un système (individu, entreprise, communauté, société) à absorber une perturbation, à s’en relever et à continuer de fonctionner, éventuellement en se transformant pour mieux faire face aux menaces futures.

  • La résilience individuelle peut désigner la capacité d’une personne à faire face au stress, au trauma, ou aux difficultés suite à un aléa majeur.

  • La résilience organisationnelle touche la continuité d’activité (business continuity) des entreprises, l’adaptabilité des collectivités, etc.

  • La résilience collective englobe à la fois les dimensions humaines, économiques, sociales, environnementales et institutionnelles. Elle implique une coordination poussée et une solidarité à l’échelle du territoire.

La culture du risque devient alors un véritable « levier de résilience » : en prenant conscience du danger, en développant des connaissances pour s’y préparer, en se souvenant des leçons du passé et en coopérant pour mettre en place des stratégies préventives, une société se dote de mécanismes de protection et d’adaptation qui limiteront l’ampleur des dommages lorsqu’une catastrophe surviendra.

Exemples concrets de démarches de renforcement de la culture du risque

Le Japon et la prévention sismique

Le Japon est fréquemment cité en exemple pour sa forte culture du risque sismique. Pays situé sur la ceinture de feu du Pacifique, il subit régulièrement des séismes et tsunamis meurtriers. À force d’expériences douloureuses (séisme de Kobe en 1995, séisme et tsunami de Tōhoku en 2011), le Japon a développé des normes de construction antisismiques très strictes, un système d’alerte précoce très performant, et, surtout, un programme de sensibilisation intense de la population. Les exercices d’évacuation sont menés régulièrement dans les écoles et les entreprises ; la connaissance des gestes de sauvegarde est largement diffusée ; la mémoire des catastrophes passées est entretenue par des commémorations, des musées et des supports pédagogiques. Ainsi, la population réagit plus rapidement et de manière ordonnée en cas d’alerte, ce qui sauve des vies.

Les campagnes de sensibilisation aux inondations en France

En France, certaines régions (Sud-Est, vallées fluviales, littoral atlantique, etc.) sont exposées de longue date aux inondations. Les pouvoirs publics, en partenariat avec les collectivités et des associations, ont lancé diverses campagnes de sensibilisation. Par exemple, le dispositif « Vigicrues » informe en temps réel du niveau des principaux fleuves et rivières, et propose aux citoyens de comprendre l’échelle de vigilance (jaune, orange, rouge). Certaines communes organisent des exercices d’alerte pour tester les sirènes et vérifier que la population connaît les points de rassemblement. Dans le Gard, durement touché par des crues spectaculaires (2002, 2014), des brochures explicatives sont distribuées dans les boîtes aux lettres, détaillant les consignes de sécurité et listant les objets à préparer en cas d’évacuation. Des initiatives de co-construction incluent la participation de riverains et d’associations locales à l’élaboration du Plan Communal de Sauvegarde (PCS).

Les retours d’expérience industriels (SEVESO)

En Europe, la directive SEVESO impose aux sites industriels à haut risque (pétrochimie, raffineries, etc.) de mettre en place des plans d’urgence et d’information de la population. Après chaque incident, un RETEX (retour d’expérience) est réalisé pour identifier les causes et partager les enseignements. Ainsi, l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, qui a fait 31 morts et des milliers de blessés, a profondément marqué la mémoire collective locale. Elle a conduit à un renforcement des mesures de sécurité, à des contrôles plus stricts, et à un dialogue plus soutenu entre industriels, élus et riverains. La loi Bachelot de 2003 a notamment créé les Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT), engageant plus avant la participation des parties prenantes (entreprises, collectivités, associations de riverains). Cette collaboration vise à définir les règles d’urbanisme autour des sites sensibles, à informer régulièrement les habitants et à organiser des exercices de crise.

La prise de conscience post-Covid-19 sur les risques sanitaires

La pandémie de Covid-19 a montré que les risques sanitaires pouvaient surgir à l’échelle mondiale, affectant profondément les sociétés (confinements, saturation des systèmes hospitaliers, crise économique). Elle a suscité une nouvelle prise de conscience quant à la nécessité de se préparer aux épidémies et aux pandémies futures. De nombreux pays travaillent désormais à des plans d’urgence pour garantir la disponibilité de matériel médical (masques, vaccins, lits de réanimation), à l’amélioration de la coordination entre services de santé et administrations, et à la sensibilisation de la population (gestes barrières, vaccination). Les retours d’expérience soulignent aussi le rôle crucial de la communication de crise, notamment pour lutter contre la désinformation et les rumeurs. Même si la perception du risque retombe parfois une fois la crise terminée, la mémoire de la pandémie reste encore vive et pourrait, si elle est entretenue, consolider durablement la culture du risque en matière de santé publique.

Les défis et perspectives pour une véritable culture du risque

Les obstacles à surmonter

  • Le « syndrome d’invincibilité » : souvent, les individus ou les organisations croient que la catastrophe n’arrive qu’aux autres. Cette attitude minimise l’adoption de mesures préventives.

  • Le manque de ressources (humaines, financières) peut freiner les actions d’information, de formation et d’équipement. Les petites communes peuvent par exemple éprouver des difficultés à financer un plan communal de sauvegarde, ou des travaux de renforcement d’infrastructures.

  • La complexité réglementaire : le domaine de la prévention des risques est encadré par de multiples lois, décrets, schémas directeurs, etc. Les acteurs locaux peuvent se sentir perdus devant la multiplicité des dispositifs, ce qui nuit à la lisibilité et à l’efficacité de l’action.

  • La résistance au changement : la culture du risque suppose parfois de modifier des comportements ancrés, par exemple renoncer à construire sur des zones inondables, surélever des habitations, stocker des réserves, former la population, etc. Ces changements peuvent se heurter à des réticences individuelles ou à des pressions économiques.

Les leviers d’action

  • Former dès le plus jeune âge : l’éducation au risque devrait débuter à l’école, par la sensibilisation aux gestes qui sauvent, la compréhension des phénomènes naturels, la visite de sites à risque, etc. Des programmes pédagogiques adaptés peuvent faire naître un état d’esprit de vigilance et de solidarité chez les futurs adultes.

  • Développer la recherche interdisciplinaire : la connaissance scientifique des risques doit être renforcée par des approches complémentaires (sciences humaines et sociales, psychologie, économie, urbanisme, etc.) pour mieux cerner les facteurs de vulnérabilité et d’adhésion de la population.

  • Améliorer la communication de crise et la transparence : en situation d’urgence, il est primordial de diffuser des informations claires, fiables et cohérentes. Un système d’alerte efficace (sirènes, SMS, réseaux sociaux, radio locale) et des porte-parole crédibles (élus, experts, responsables d’associations) participent à la mobilisation collective.

  • Renforcer la coopération internationale : nombre de risques (pandémies, pollution, changement climatique) dépassent les frontières. L’échange de bonnes pratiques, les protocoles de solidarité internationale et les retours d’expérience croisés sont essentiels pour faire progresser la culture du risque à l’échelle globale.

Vers une résilience accrue

En surmontant les obstacles et en exploitant ces leviers, les sociétés peuvent progressivement bâtir une culture du risque robuste, fondée sur la conscience, la connaissance et la mémoire collective, et portée par une co-production entre tous les acteurs. Cet effort continu permet d’accroître la résilience, c’est-à-dire la capacité à faire face aux aléas, à s’adapter et à se relever après une crise, en limitant autant que possible les perturbations socio-économiques et les dommages humains et environnementaux.

La culture du risque s’impose comme un élément central dans la construction de la résilience d’un territoire. Elle repose sur trois piliers indissociables : la conscience d’un danger bien réel, la connaissance approfondie de ses mécanismes et de ses conséquences, et la mémoire collective des événements passés, afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Cette culture ne peut être ni le fruit d’une seule institution ni l’affaire de quelques experts : elle exige la participation conjointe des autorités, des collectivités locales, des entreprises, des scientifiques, de la société civile et des citoyens. En d’autres termes, c’est un véritable processus de co-production, où chacun détient une part de la solution et contribue à un effort collectif visant à reconnaître, prévenir et gérer les risques.

En consolidant la conscience, la connaissance et la mémoire, la culture du risque agit comme un puissant levier de résilience face aux menaces futures, qu’elles soient d’origine naturelle (séismes, inondations, tempêtes), technologique (accidents industriels, pollutions) ou sanitaire (pandémies). Les exemples internationaux montrent à quel point cette culture, lorsqu’elle est profondément ancrée, peut sauver des vies et préserver l’activité économique et sociale. À l’inverse, là où la conscience est faible et la coopération insuffisante, les catastrophes font généralement plus de victimes, et leurs conséquences se prolongent sur le long terme.

La route reste semée d’embûches : sous-estimation du risque, déficit de ressources, cloisonnement entre administrations, manque de mobilisation citoyenne, etc. Pourtant, les possibilités de progrès sont bien réelles. L’éducation à la prévention dès le plus jeune âge, l’amélioration continue de la communication de crise, la mobilisation des expertises pluridisciplinaires et les mécanismes de concertation locale offrent des voies d’action concrètes. De surcroît, l’expérience récente de pandémies ou de catastrophes climatiques majeures (tempêtes, mégafeux, cyclones) rehausse la prise de conscience générale et pourrait accélérer l’adoption de dispositifs plus efficaces.

En définitive, la culture du risque est un chantier permanent, qui exige une volonté politique, une ingéniosité scientifique et technique, ainsi qu’un engagement fort des populations. C’est à travers cette dynamique partagée que l’on peut espérer bâtir des territoires résilients, capables de faire face aux imprévus avec sérénité et efficacité, et de protéger au mieux les vies humaines, les biens et l’environnement. En ce sens, la culture du risque n’est pas une simple accumulation de connaissances sur les catastrophes : c’est un véritable projet de société, un choix collectif de se doter des moyens de comprendre, de prévenir et de surmonter ce que l’avenir peut réserver de plus éprouvant. En conjuguant la conscience, la connaissance et la mémoire, chaque communauté peut se doter des clés pour relever les défis majeurs de notre époque et garantir la pérennité d’un développement harmonieux, durable et solidaire.