AccueilFAQLa communication de crise face à la terreur des palaces

La communication de crise face à la terreur des palaces

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Toute l’année, monsieur Incognito fouille les dessous des grands hôtels et des meilleurs restaurants. Quelle stratégie de communication allez vous déployer pour protéger la réputation de votre prestigieux établissement ?

Le client est en jeans et sa carte de crédit n’en peut plus. Elle ne passe pas. La réception de cet hôtel de grande classe (appelons-le l’hôtel Z) exige donc un paiement comptant et refuse à ce client douteux sa clé électronique de mini-bar. Le lendemain matin, le même client (costume trois pièces, serviette de cuir et look très Prince de Galles) se représente à la réception et règle sa petite note rubis sur l’ongle. Puis il sort sa carte de visite et demande à voir le maître des lieux.

Aussitôt averti, le directeur général se précipite à la rencontre de ce monsieur pour qui il mettra les petits plats dans les très grands: c’est lui qui décide de la note qu’obtiendra son établissement dans le «Guide du luxe», la bible du touriste de luxe. L’inspecteur n’est pas tout à fait content. La demande de paiement comptant et de dépôt d’une avance qu’on lui a faite hier était justifiée mais pourquoi lui a-t-on, grande indélicatesse, refusé la clé électronique du mini-bar ? Le directeur acquiesce, promet de corriger la situation.

Tout ceci n’est que routine pour l’inspecteur. Aussi incognito que possible, il hante ainsi près de 200 palaces par an, distribuant fort parcimonieusement, les commentaires élogieux qui consacrent la qualité des hôtels aux yeux des millions de membres que compte son guide sélect. Dans chacun des établissements, il effectue un séjour type d’une quinzaine d’heures pendant lequel il «essaie» le plus de services possibles, du huit trous de golf à la salle à manger en passant par le lavage des chemises.

Des petites comédies comme celle qu’il a jouée la veille à la réception de l’hôtel Z sont monnaie courante.

Pour attribuer son commentaire, l’inspecteur se fie aussi un peu à son flair et à ses goûts personnels («je hais les fleurs en plastique»).

De la largeur des couloirs au nombre de cintres dans les placards, plus de 200 critères évaluent l’aménagement physique de l’hôtel. Le service des établissements 5 étoiles est aussi étudié sous plus de 200 angles: le portier se doit d’apprendre le nom des clients; tous les bagagistes sont tenus de faire la conversation au client et d’accrocher la housse de vêtements dans le placard.

Son commentaire est extrêmement important, question d’image, de prestige, de réputation.

Les histoires sont nombreuses de restaurateurs français ayant englouti de véritables fortunes pour se mériter une troisième étoile au Michelin. Mais le jeu en vaut la chandelle. «Mon chiffre d’affaires a grimpé de 60 %, mon calendrier de réservation atteint maintenant trois mois et j’ai fait la une du New York Times », confiait récemment un grand chef français.

On ne se lance pas dans de telles dépenses pour satisfaire le premier rédacteur de guide venu. Et les directeurs d’hôtel interrogés sont unanimes: l’évaluation de monsieur Incognito est draconienne mais juste. Il est rare que des hôteliers qui se voient déclassés nous appellent pour se plaindre. Mais vérification faite, la mesure est presque toujours justifiée. Le système est juste, et fiable.

Chaque établissement répertorié fait l’objet d’une vérification annuelle.

Ne rien laisser passer

À l’hôtel Z, le grand test annuel n’est pas encore terminé: monsieur l’inspecteur veut visiter des chambres. Le grand patron délègue son adjoint, qui appelle le directeur de l’entretien ménager, qui appelle son assistant. Tous ces messieurs, cravate de soie et souliers vernis, accompagneront l’inspecteur dans sa tournée. Une heure durant, ils le regarderont passer un doigt soupçonneux sur les boiseries et le dessus des armoires, déshabiller les lits jusqu’au matelas à la recherche de la moindre tache, se mettre à quatre pattes pour débusquer les «moutons» jusque sous les lits, fussent-ils à baldaquins.

Même scénario dans les salles de bain. On tâte l’épaisseur des peignoirs, on compte le nombre de shampoings, savons, parfums que comprend l’ensemble de toilette offert par la maison, on vérifie la propreté du lavabo. L’inspecteur prend des notes et sème, ici et là, un commentaire flegmatique. Dans une chambre: «On ne peut regarder la télévision sans bouger le fauteuil.»

Malgré les apparences, l’exercice est paraît-il loin de la futilité. Monsieur l’inspecteur assure avoir trouvé des bouts de cigarettes, des papiers mouchoirs et même des préservatifs usagés derrière des tables de chevet d’hôtels apparemment très respectables.

Rien de ce genre ici, le responsable de l’entretien peut respirer. Mais monsieur l’inspecteur a quelques réserves côté service. Il sort son calepin: l’employé qui a pris sa réservation ne lui a pas offert une de leurs chambres conçues par un designer; le bagagiste, hier soir, n’a pas suspendu sa housse à vêtements dans la penderie ce qui a froissé ses chemises; ni fleurs ni fruits frais n’accompagnaient le petit déjeuner qu’on lui a monté à sa chambre ce matin.