- Comprendre le Death Cross et son impact symbolique
- Réactions du marché et des investisseurs face au Death Cross
- Enjeux de réputation, perception et interprétation des signaux faibles
- Stratégies de communication financière et de crise face au Death Cross
- Retours d’expérience et bonnes pratiques à retenir
Comprendre le Death Cross et son impact symbolique
Le Death Cross (ou « croix de la mort ») est une figure de l’analyse technique redoutée par de nombreux intervenants de marché. Il se produit lorsque la moyenne mobile à court terme (généralement sur 50 jours) croise à la baisse la moyenne mobile à long terme (souvent sur 200 jours). Concrètement, cela signifie que le cours moyen récent de l’action passe en dessous de son cours moyen de long terme, ce qui signale un renversement baissier de tendance analyse Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom. Les analystes techniques y voient un point charnière où une correction à court terme peut se transformer en tendance baissière durable.
Malgré son nom inquiétant et l’angoisse qu’il suscite, le Death Cross n’est pas toujours synonyme de catastrophe boursière. L’histoire financière montre que ce signal ne signifie pas forcément une chute prolongée des cours : dans de nombreux cas, les marchés ont rebondi peu après. Néanmoins, sa charge symbolique est forte. Pour les traders et analystes qui le scrutent, voir une « croix de la mort » sur le graphique d’une entreprise peut déclencher un réflexe de panique. Ce phénomène tient autant de la technique que de la psychologie des investisseurs.
Dans le cadre d’une entreprise cotée, franchir ce seuil technique peut devenir un événement sensible de communication financière. En effet, si le marché interprète le Death Cross comme le signe d’un déclin ou d’une faiblesse de l’entreprise, la réputation de celle-ci peut en souffrir. Un tel signal, pourtant a priori purement graphique, peut alimenter des rumeurs, entamer la confiance des actionnaires et attirer l’attention des médias financiers. Il s’agit donc d’un « signal faible » qu’il convient de ne pas ignorer : mal géré, il peut se transformer en crise de confiance.
Réactions du marché et des investisseurs face au Death Cross
Lorsqu’une action entre en Death Cross, la réaction initiale du marché est souvent empreinte de nervosité, voire de panique. Techniquement, la croix de la mort confirme que la dynamique récente est négative, ce qui renforce le sentiment baissier des investisseurs. Beaucoup d’opérateurs interprètent ce signal financier comme un avertissement de baisse prolongée à venir. En conséquence, il n’est pas rare d’observer des vagues de ventes automatisées ou paniquées :
-
Investisseurs techniques et algorithmiques : De nombreux investisseurs institutionnels et fonds quantitatifs surveillent de près ce type d’indicateur. Le franchissement d’un Death Cross peut déclencher des programmes de vente automatisée (stop-loss, algorithmes), contribuant à accentuer la pression vendeuse sur le titre. En d’autres termes, le signal technique agit comme un déclic qui amplifie le mouvement de baisse par un effet domino. Si l’on prend un exemple récent, l’action Tesla vient de connaitre un Death Cross dans un contexte de marché déjà baissier, ce qui a dores et déjà encouragé certains traders à renforcer leurs positions vendeuses. Ce phénomène auto-entretenu alimente la spirale de baisse du cours.
-
Peur et psychologie de masse : Le Death Cross touche aussi à l’émotionnel. Sachant la symbolique associée (le terme même de croix de la mort évoque le pire), de nombreux investisseurs individuels peuvent céder à la peur et vendre de manière précipitée, simplement parce qu’ils redoutent une catastrophe imminente. Ce panic selling (vente panique) peut conduire des actionnaires à sortir du capital à un moment inopportun, par crainte de pertes plus lourdes. Par exemple, lorsque Meta (Facebook) a vu son cours chuter fortement début 2022 après des résultats décevants, le passage en Death Cross de son action a pu effrayer des porteurs peu avertis, qui ont vendu au plus bas par crainte d’une spirale infernale – alors même qu’un rebond technique s’est produit par la suite.
-
Amplification médiatique : Les médias financiers jouent également un rôle dans la réaction du marché. Un signal technique spectaculaire comme le Death Cross fait souvent les gros titres sur les sites boursiers et les réseaux sociaux spécialisés. Cette couverture peut alimenter l’inquiétude du public. La répétition de titres du type « L’action X entre en Death Cross, les analystes craignent une poursuite de la chute » crée un climat anxiogène propice à la surréaction. Comme le souligne une analyse de l’agence de gestion de crise financière, le flux constant de nouvelles négatives peut attiser le sentiment d’urgence et pousser les investisseurs à agir impulsivement. En ce sens, le Death Cross n’est pas qu’un indicateur passif : c’est un événement médiatique qui influence la psychologie collective.
-
Effet de groupe (groupthink) : Dans les salles de marché, chacun observe la réaction des autres. Si certains gros investisseurs commencent à vendre ou expriment publiquement leur pessimisme après un Death Cross, cela peut créer un effet de contagion. Par mimétisme ou par peur d’« être le dernier sorti », d’autres vendent aussi. Cette dynamique de troupeau est bien connue en finance comportementale : un indicateur chartiste comme le Death Cross peut servir de point de ralliement aux baissiers, renforçant la conviction partagée que « le marché a basculé en tendance négative ».
Il convient de nuancer que toutes les croix de la mort ne débouchent pas sur un krach boursier. Souvent, le marché avait déjà beaucoup baissé avant que le signal n’apparaisse, et une partie du pire est passé. Par exemple, une étude a montré qu’un peu plus de la moitié des Death Cross sur le S&P 500 sur les 50 dernières années sont survenus après le creux de la correction, le marché ayant même tendance à rebondir légèrement dans les mois suivants en moyenne. Autrement dit, le Death Cross est un indicateur retardé : il confirme une faiblesse existante plus qu’il ne prédit à coup sûr l’avenir. Cependant, cela n’empêche pas qu’au moment où il se forme, la perception immédiate soit très négative.
Pour une entreprise cotée, il est crucial de comprendre ces mécanismes de marché. Un Death Cross peut sembler anodin aux yeux d’un dirigeant focalisé sur les fondamentaux, mais il peut provoquer un véritable émoi parmi les investisseurs. Ignorer cet émoi serait une erreur. Avant même de communiquer, l’entreprise doit prendre la mesure du sentiment du marché : est-on face à un simple signal technique dans un marché rationnel, ou à un début de panique et de défiance généralisée envers la valeur ? Cette évaluation initiale va guider la stratégie de communication de crise à adopter.
Exemple illustratif – Credit Suisse 2022 : La banque suisse Credit Suisse a connu en 2022 une chute prolongée de son action, ponctuée de signaux alarmants (cours au plus bas historique, explosion des CDS, etc., équivalents d’une croix de la mort sur la confiance du marché). Les rumeurs de faillite imminente affolaient les marchés, au point que la banque a été affublée du sobriquet moqueur de « Debit Suisse » Cet exemple montre à quel point, au-delà des indicateurs chiffrés, le narratif peut virer au cauchemar pour l’entreprise : les spéculations allaient bon train, comparant la situation à un « nouveau Lehman Brothers ».
En résumé, le Death Cross agit comme un signal d’alarme psychologique sur les marchés. Les investisseurs techniques y voient un feu rouge, les médias un titre alarmant, et la foule un possible point de non-retour. La réaction type est donc la méfiance accrue, la volatilité en hausse et un besoin pressant d’informations rassurantes. C’est pourquoi une entreprise confrontée à ce scénario doit immédiatement se pencher sur les enjeux de communication que cela soulève, notamment en matière de réputation et de perception de la part des parties prenantes.
Enjeux de réputation, perception et interprétation des signaux faibles
Un Death Cross n’est pas qu’un événement boursier technique : c’est aussi un événement symbolique qui peut affecter la réputation d’une entreprise cotée et la perception qu’en ont ses publics. Plusieurs enjeux se dessinent :
-
Confiance des investisseurs et crédibilité managériale : Le cours de bourse est souvent perçu, à tort ou à raison, comme un baromètre de la confiance dans l’équipe dirigeante et la stratégie de l’entreprise. Lorsque le titre franchit un seuil aussi emblématique que la croix de la mort, certains investisseurs interprètent cela comme le signe que « le marché » désapprouve la trajectoire de l’entreprise. Cela peut entamer la crédibilité du management. Par exemple, le fonds activiste Bluebell, en s’attaquant à Danone fin 2020, soulignait que la performance boursière de la société sous le règne d’Emmanuel Faber était « décevante » et reflétait un échec stratégique. En d’autres termes, la faiblesse persistante du cours (qui avait perdu 27% en 2020) a été utilisée comme argument pour remettre en cause la direction en place. Le risque réputationnel ici est clair : si rien n’est fait, l’entreprise peut être perçue comme mal gérée, ce qui ouvre la porte aux critiques publiques, aux baisses de recommandations d’analystes, voire aux offensives d’actionnaires activistes.
-
Interprétation des signaux faibles et rumeurs : Un Death Cross en lui-même n’altère pas les fondamentaux économiques d’une entreprise. Cependant, il constitue un signal faible qui peut encourager les observateurs à « chercher la cause cachée ». Si le marché voit une configuration baissière, certains se demanderont pourquoi : Y a-t-il un problème sous-jacent que tout le monde n’aurait pas encore identifié ? Des rumeurs peuvent naître ou prendre de l’ampleur à cette occasion. Par exemple, autour de l’action Atos, dont la chute boursière a été vertigineuse entre 2020 et 2022, la communication financière jugée défaillante a nourri la méfiance de nombreux actionnaires. Faute d’explications claires et convaincantes sur la dégradation de la performance, certains investisseurs ont pu imaginer le pire – soupçonnant des difficultés cachées, ce qui a enclenché un cercle vicieux de perte de confiance. Le danger est que le marché surinterprète le signal technique en y voyant la partie émergée d’un iceberg de problèmes (par exemple, des ventes en baisse, un endettement hors de contrôle, etc.). L’entreprise se retrouve alors à devoir démentir ou clarifier des rumeurs au lieu de communiquer sereinement sur sa stratégie.
-
Réputation et valorisation de marque : Pour les entreprises grand public, la baisse prolongée du cours de bourse peut même finir par atteindre la réputation de la marque commerciale. Si les médias grand public s’emparent du sujet (« L’action de Renault s’effondre, le marché doute de la stratégie électrique », par exemple), cela peut semer le doute chez les partenaires commerciaux, les clients ou les talents potentiels. Une entreprise en apparence en difficulté financière perd de son aura, ce qui peut compliquer les négociations avec les fournisseurs, la relation avec les distributeurs, etc. Dans le cas de Renault, lors de la crise Ghosn fin 2018, le cours de l’action avait fortement chuté. Au-delà de la crise de gouvernance immédiate, cela posait la question de la perception de la solidité du constructeur par le public et l’État français (actionnaire). Renault a dû très vite rassurer sur la continuité de l’entreprise et la poursuite de l’alliance avec Nissan pour éviter une érosion de confiance de l’écosystème.
-
Médiatisation et enjeu narratif : Un Death Cross sur une grande capitalisation peut devenir une histoire médiatique : « La chute de l’entreprise X s’amplifie, un indicateur de marché passe au rouge ». Les journalistes vont chercher à expliquer le pourquoi du signal, sollicitant les analystes ou les concurrents. Si l’entreprise n’apporte pas elle-même des éléments de contexte, elle subit le récit plutôt que de le maîtriser. Prenons l’exemple de Meta (Facebook) : en 2022, l’entreprise a vu son action dévisser après des résultats en demi-teinte et des doutes sur son virage vers le métavers. La presse financière a abondamment commenté la perte de vitesse de Meta, soulignant des indicateurs techniques baissiers sur le titre. Meta a d’abord insisté sur sa vision long terme (investissements massifs dans le métavers) – un discours qui n’a pas rassuré le marché, au point que l’action a continué sa descente. Ce n’est qu’en changeant de narration début 2023 (annonce de réduction des coûts, « année de l’efficacité » selon Zuckerberg) que la perception s’est améliorée et que le cours a rebondi. Cet exemple montre que le narratif construit autour du signal est décisif : une même réalité boursière (action en baisse, indicateurs dans le rouge) peut être perçue différemment selon le discours de l’entreprise.
En somme, les enjeux pour l’entreprise qui voit apparaître un Death Cross sur son cours sont loin d’être purement techniques. Il s’agit d’abord de ne pas sous-estimer l’impact symbolique sur la confiance des parties prenantes. La direction doit se montrer consciente que même un signal “statistique” peut entamer la confiance, déclencher des rumeurs ou servir de catalyseur à des mécontentements latents. Toute la question est donc : comment réagir en communication pour contrer ces effets pervers ?
Il ne s’agit pas de “communiquer pour communiquer”, mais bien de préserver la confiance en expliquant, en contextualisant, et en montrant la maîtrise de la situation. Dans la suite, nous allons détailler les stratégies de communication financière et de crise qu’une entreprise peut mettre en œuvre face à un Death Cross, afin de reprendre la main sur la perception et rassurer efficacement les investisseurs et autres publics clés.
Stratégies de communication financière et de crise face au Death Cross
Face à un Death Cross et à la défiance qu’il peut engendrer, les entreprises cotées disposent de tout un arsenal de techniques de communication pour contenir la crise, rassurer les parties prenantes et éventuellement renverser la narrative en leur faveur. Nous aborderons ci-dessous les principaux axes d’action : le timing de la prise de parole, la narration stratégique à adopter, le choix des canaux de diffusion, le ciblage des parties prenantes et le rôle des dirigeants dans la communication. Chacun de ces aspects doit être soigneusement pensé et coordonné pour maximiser l’efficacité de la communication de crise.
Timing des prises de parole : quand et comment s’exprimer ?
« Timing is everything » – En matière de communication de crise boursière, le moment où l’on prend la parole peut faire la différence entre apaiser les esprits ou laisser la panique s’installer. Plusieurs principes guident le timing optimal face à un Death Cross :
-
Ni trop tôt, ni trop tard : Il faut éviter deux écueils. D’une part, attendre trop longtemps avant de communiquer risquerait de laisser les rumeurs et l’anxiété s’emballer sans contre-discours. D’autre part, communiquer prématurément ou de manière précipitée, sans message clair, peut donner l’impression que l’entreprise panique ou confirmer aux yeux du marché qu’« il y a un problème ». L’idéal est de surveiller proactivement l’évolution du cours et des indicateurs techniques afin d’anticiper le Death Cross. Si l’on voit venir ce croisement (par exemple, la MM50 se rapproche dangereusement de la MM200 après une période de baisse), il peut être judicieux de préparer en amont une prise de parole. Ainsi, on peut déclencher la communication au bon moment, ni dans la précipitation, ni dans le déni.
-
Communication flash en cas de besoin : Si le Death Cross s’accompagne d’une chute brutale du cours ou d’un volume inhabituel (signe d’une panique naissante), une communication rapide peut s’imposer. Par exemple, publier un communiqué officiel dès le lendemain pour indiquer que l’entreprise a conscience de la situation et pour éventuellement clarifier les raisons connues de la baisse (s’il y en a : résultats en baisse, news sectorielle, etc.) ou au contraire signaler qu’aucun élément fondamental nouveau ne la justifie. Il arrive que les régulateurs boursiers eux-mêmes sollicitent les entreprises lors de mouvements anormaux (demande de renseignements de l’AMF en France). Répondre rapidement par un communiqué du type « La société X n’a pas connaissance d’éléments particuliers justifiant la récente évolution du cours » est une façon de rassurer sur le fait qu’il n’y a pas de « cadavre dans le placard ». Cette transparence dans l’instantané aide à couper court à certaines spéculations.
-
Profiter des fenêtres de communication existantes : Si le Death Cross survient à l’approche d’une échéance de communication programmée (par exemple la publication trimestrielle, ou une assemblée d’actionnaires, ou une journée investisseurs), il peut être opportun d’accélérer cette échéance ou d’en ajuster l’ordre du jour pour adresser la situation. Par exemple, si une Journée Investisseurs était prévue dans un mois mais que la crise de confiance est là, avancer cet événement ou y ajouter un segment spécifique sur la solidité financière et la stratégie de redressement peut permettre de reprendre l’initiative plus vite. De même, si l’entreprise publie bientôt ses résultats, elle peut dès l’avant-propos du communiqué de résultats commenter la récente évolution du cours afin de la remettre en perspective par rapport aux fondamentaux présentés.
-
Exemple Credit Suisse : En octobre 2022, alors que les marchés commençaient à spéculer fébrilement sur la solidité de Credit Suisse (CDS en hausse record, action en chute libre), la direction de la banque n’a pas attendu la publication de son plan stratégique fin octobre. Dès le week-end précédant, elle a enclenché une communication de crise éclair : selon les médias, plusieurs cadres ont passé le week-end à rassurer clients et investisseurs inquiets, par des appels et des entretiens off records. Surtout, le lundi, le CEO Ulrich Körner a adressé une note interne (immédiatement filtrée à la presse) affirmant la solidité de la banque et appelant à ne pas confondre la chute du cours en Bourse avec la situation réelle de liquidité. Ce timing proactif – communiquer avant l’ouverture des marchés et occuper l’espace médiatique dès le début de semaine – a contribué à enrayer la panique naissante. En effet, dans les jours qui ont suivi, le titre a repris quelques couleurs (+9% de rebond enregistré le lendemain de ces actions). Cet exemple illustre l’importance d’agir vite pour combler le vide d’information et montrer au marché que la direction est sur le pont.
-
Exemple Atos (contre-exemple) : À l’inverse, l’entreprise de services numériques Atos a souvent été critiquée pour son attentisme en communication financière lors de ses déboires. Par exemple, après la découverte d’erreurs comptables en 2021 aux USA, Atos s’est contentée d’un communiqué très technique, puis n’a plus communiqué jusqu’à ses résultats suivants, laissant pendant des semaines le cours plonger et les spéculations aller bon train. Ce silence radio entre deux communications réglementaires a été perçu comme un manque de transparence et a entretenu la défiance. Le titre, déjà malmené, a continué de chuter et a enchaîné les Death Cross successifs. Ce cas souligne qu’attendre la « grande messe » suivante (ex : les résultats trimestriels) n’est pas toujours tenable en période de crise : il faut savoir sortir du calendrier initial et communiquer en temps réel si la situation l’exige.
En résumé, le timing idéal consiste à occuper le terrain rapidement une fois le signal d’alarme enclenché, tout en s’assurant d’avoir un message construit. Communiquer vite ne veut pas dire communiquer brouillon. Il vaut mieux préparer un plan de communication en amont (scénario de baisse) pour ne pas être pris de court. Et surtout, ne pas laisser une faille temporelle où seule la peur s’exprime. Comme le dit un principe de base en communication de crise : « si vous ne racontez pas votre histoire, d’autres le feront à votre place ». Le timing sert précisément à reprendre la main sur l’histoire dès le début.
Narration stratégique : storytelling de résistance ou de transformation
Au-delà du quand, il y a le quoi et le comment dire. C’est ici qu’intervient la narration stratégique. Face à un Death Cross, l’entreprise doit construire un discours cohérent et rassurant qui permette de replacer ce signal technique dans un contexte plus large, maîtrisé et porteur d’espoir. Deux approches narratives ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent se combiner :
-
Storytelling de résistance (ou de résilience) : Il s’agit d’adopter une narration axée sur la solidité de l’entreprise et sa capacité à surmonter les turbulences. Le message clé est : « Certes, notre action souffre actuellement, mais notre entreprise est solide et saura traverser cette tempête ». Concrètement, cela consiste à mettre en avant les fondamentaux robustes : par exemple, souligner que la situation financière reste saine (trésorerie, marges, carnets de commande) et que le modèle économique est viable. On peut évoquer l’historique de l’entreprise : « Nous avons déjà connu des cycles difficiles et nous en sommes toujours sortis plus forts ». Ce storytelling de résistance vise à remettre en perspective le signal court terme (Death Cross) par rapport à la trajectoire long terme de l’entreprise. Par exemple, Tesla et son PDG Elon Musk ont souvent utilisé ce registre face aux attaques des vendeurs à découvert : Musk rappelait que Tesla avait déjà frôlé la faillite en 2008 et 2018 mais qu’à chaque fois l’entreprise avait rebondi en innovant, incitant ainsi ses partisans à « garder la foi » malgré les soubresauts boursiers. Attention toutefois à ne pas tomber dans un optimisme creux : la résistance doit se démontrer avec des faits (par ex. « nous conservons une croissance de X% de nos ventes malgré le contexte » ou « nous disposons de €Y de liquidités, nous donnant la flexibilité nécessaire »). Ce registre narratif est particulièrement utile si la cause de la baisse est exogène (crise sectorielle, conjoncture, etc.) : on souligne alors la capacité de l’entreprise à résister aux vents contraires.
-
Storytelling de transformation : Si la baisse du cours reflète en partie des interrogations sur la stratégie ou la performance de l’entreprise, il peut être judicieux d’orienter la communication vers le thème de la transformation positive en cours. Le message clé devient : « Certes, nous traversons une phase de transition difficile, mais c’est pour construire un futur meilleur ». Cette narration reconnaît implicitement qu’il y a des défis, mais les présente comme les étapes nécessaires d’un plan de redressement ou de mutation. Par exemple, Renault en 2020-2021, confronté à des pertes historiques et à un cours en berne (Death Cross fin 2019 puis nouveau plancher en 2020), a lancé le plan Renaulution avec un storytelling assumé : il fallait passer par des réductions de coûts et un recentrage pour sauver l’entreprise, mais qu’au bout du tunnel (horizon 2023-2025) Renault reviendrait plus innovant et rentable. Ce récit de transformation, incarné par le nouveau CEO Luca de Meo, a redonné une vision aux investisseurs, qui ont commencé à y croire (le titre a peu à peu regagné du terrain en 2021). Autre exemple, Meta (Facebook) : Mark Zuckerberg, voyant la méfiance envers son investissement massif dans le métavers, a ajusté son discours en fin 2022 en promettant une « année 2023 de l’efficacité », c’est-à-dire une transformation de l’entreprise vers plus de rationalité et un recentrage sur les priorités (monétisation de Reels, IA, etc.). En annonçant des mesures concrètes (licenciements, baisse des dépenses), il a construit un nouveau récit où la baisse de 2022 était présentée comme le catalyseur d’une remise en question salutaire, prélude à un rebond. Les marchés ont été réceptifs et l’action Meta a fortement rebondi dès début 2023.
En pratique, le ton du storytelling boursier doit être calibré selon l’audience : résilient et rassurant pour ne pas affoler davantage (éviter le catastrophisme), mais aussi authentique. S’il y a de vrais défis, il vaut mieux les admettre brièvement que de donner l’impression d’être dans le déni. Par exemple, dire « Nous entendons le message du marché, qui sanctionne nos résultats en deçà des attentes. Nous avons pris des mesures vigoureuses pour y remédier… » montre de l’empathie envers les actionnaires déçus tout en orientant vers l’avenir.
Une bonne narration stratégique financière doit également comporter des éléments de preuve ou des signaux concrets qui crédibilisent l’histoire qu’on raconte. Cela peut inclure l’annonce d’un nouveau projet prometteur, la signature d’un gros contrat, le soutien renouvelé d’un actionnaire de référence, etc., intégrés dans le récit. Par exemple, « Malgré la volatilité actuelle, nous continuons d’exécuter notre stratégie : ce mois-ci, nous avons ouvert deux nouveaux magasins et nos ventes en ligne ont progressé de 15% » – ce genre d’élément dans le discours aide à ancrer le narratif dans la réalité.
Enfin, il faut veiller à la cohérence du storytelling autour de la valorisation dans le temps. Si l’on choisit le registre de la transformation, il faudra le maintenir lors des communications suivantes (quitte à faire un point d’étape régulièrement sur l’avancée du plan de transformation). Changer de récit trop souvent éroderait la crédibilité. Le Death Cross offre paradoxalement une opportunité : celle de refonder le discours vis-à-vis des investisseurs. C’est le moment de vérifier si la proposition de valeur de l’entreprise est bien comprise et d’ajuster la communication stratégique en conséquence.
Choix des canaux de diffusion : où et comment porter le message financier ?
Dans une situation de crise boursière, multiplier les canaux de communication financière de façon cohérente permet de toucher l’ensemble des parties prenantes et de reprendre le contrôle du narratif. Chaque canal a son rôle à jouer :
-
Communiqués officiels et informations réglementées (channel « investisseurs ») : C’est la base. Un communiqué de presse (diffusé via les canaux d’information financière type Business Wire, ou via le site web investisseurs) permet de toucher immédiatement la communauté financière et les médias. Il doit contenir les messages clés définis dans le storytelling (par exemple, réaffirmation des fondamentaux ou annonce d’actions correctives) et éventuellement citer un dirigeant. Il s’agit d’un document formel qui restera comme référence publique. Par exemple, Danone en février 2021, lorsqu’elle était sous la pression des fonds activistes, avait publié un communiqué détaillant un plan de réorganisation interne et un changement de gouvernance, ce qui montrait aux marchés qu’elle prenait au sérieux la situation. Ce communiqué a été largement relayé et a en partie calmé le jeu jusqu’à la décision finale du conseil. De même, en octobre 2022, plusieurs banques européennes ont publié des communiqués rassurants pendant la tempête sur Credit Suisse, pour indiquer qu’elles n’étaient pas exposées et que leurs propres fondamentaux étaient solides – manière de contenir la contagion de la peur.
-
Conférences téléphoniques / webcasts avec les analystes et investisseurs institutionnels : Ce format plus interactif est souvent utilisé autour des publications de résultats, mais peut être convoqué de façon exceptionnelle en cas de crise majeure. Organiser un call dédié où le PDG et le directeur financier s’adressent directement aux analystes sell-side et aux grands investisseurs permet de donner du contexte en voix directe, de montrer le sérieux de l’entreprise et de répondre aux questions brûlantes. Cela évite que chaque analyste interprète de son côté avec des informations partielles. Par exemple, si un Death Cross survient après un avertissement sur résultats, la direction peut inviter dès le lendemain matin les analystes à un webcast pour expliquer en détail les causes du profit warning, les mesures prises, et répondre aux questions. Cette transparence peut éviter des rapports trop sévères de la part des courtiers et désamorcer certaines inquiétudes. Il faut évidemment y être bien préparé, avec un Q&A scripté sur les questions sensibles.
-
Médias traditionnels (presse économique, TV financière) : Aller dans les médias permet de toucher un public plus large et de donner une incarnation humaine au message. Une interview du PDG dans Les Échos ou Le Figaro Économie, ou un passage sur BFM Business, Bloomberg TV, CNBC, etc., donnera l’occasion de délivrer les messages clés dans un format narratif et pédagogique. C’est un exercice délicat (car les journalistes vont chercher la petite phrase), mais potentiellement puissant pour retourner le sentiment si le dirigeant se montre convaincant. Par exemple, en 2019, lorsque l’action Nissan chutait après l’affaire Ghosn, le nouveau CEO Makoto Uchida a accordé des interviews aux médias internationaux affirmant son plan pour restaurer la confiance et soulignant le soutien de Renault – ce qui a aidé à stabiliser l’alliance aux yeux du public. De même, lors du krach de l’action Orpea en 2022 (cas un peu différent car lié à un scandale), la direction a multiplié les passages médias pour redorer l’image et promettre des changements, dans le but de regagner la confiance des parties prenantes.
-
Réseaux sociaux et communication digitale : À l’heure actuelle, ignorer les réseaux sociaux serait une erreur, y compris dans la communication financière. Twitter (rebaptisé X), LinkedIn, voire YouTube peuvent servir de relais directs du message de l’entreprise, sans filtre médiatique, et ainsi toucher aussi bien les investisseurs individuels que les employés ou le grand public. Un fil Twitter du directeur financier expliquant en quelques tweets la situation et renvoyant vers le communiqué, ou un post LinkedIn du PDG exprimant sa vision et sa confiance dans l’avenir de l’entreprise, peuvent humaniser la communication de crise. Attention toutefois : le ton doit rester professionnel et aligné avec le discours officiel (pas d’informations nouvelles uniquement sur les réseaux sociaux, pour respecter l’égalité d’accès à l’info financière). Certains patrons de grandes entreprises tech utilisent abondamment les réseaux : Elon Musk (Tesla) en est l’exemple extrême – il tweete fréquemment sur l’action Tesla, l’économie, ses ressentis. Cela crée une proximité avec une partie du public, mais aussi de la volatilité et des polémiques (son fameux tweet « funding secured » en 2018 lui a valu des sanctions pour communication trompeuse). Une leçon tirée de Musk serait qu’un dirigeant doit garder un ton mesuré et factuel s’il s’exprime sur les réseaux pendant une crise, sous peine d’aggraver le problème. D’autres dirigeants choisissent un style plus sobre : par exemple, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, est présent sur LinkedIn et Twitter où il partage régulièrement des explications sur les résultats ou les actions de l’entreprise, notamment en période de turbulences sur le prix du pétrole, afin d’éclairer le contexte pour le public. Ce type de communication digitale contrôlée peut être un atout pour désamorcer les fausses informations et montrer l’accessibilité du management.
-
Communication interne et réseau des collaborateurs : Un canal parfois sous-estimé est la communication en interne. Les employés sont des parties prenantes clés – ce sont à la fois des actionnaires potentiels (via l’actionnariat salarié), et surtout des ambassadeurs (ou détracteurs) potentiels de l’entreprise à l’extérieur. En temps de crise boursière, il est crucial de informer et rassurer les collaborateurs pour éviter qu’ils ne paniquent (imaginez des employés inquiets pour leur emploi qui en parlent autour d’eux, ce n’est pas bon pour l’image). Une note interne du PDG ou une réunion d’information en visioconférence peut permettre d’expliquer aux salariés la situation du cours, de rappeler que l’entreprise reste saine, etc. Par exemple, Credit Suisse (encore) : le memo d’Ulrich Körner cité plus tôt était destiné aux employés, pour qu’ils gardent confiance malgré la tourmente médiatique. Bien entendu, cette note a fuité, ce qui montre qu’il faut écrire en se doutant que le grand public pourra potentiellement la lire. Au-delà de calmer l’interne, cette communication peut donc faire d’une pierre deux coups en rassurant aussi l’externe, si elle devient publique.
En définitive, la stratégie gagnante est souvent d’orchestrer une communication multicanale. Un même message central (par exemple « Nos fondamentaux sont solides et nous transformons l’entreprise pour un futur retour à la croissance ») peut être décliné en un communiqué de presse détaillé, un thread Twitter plus concis, une interview télévisée plus incarnée, et une Foire Aux Questions sur le site investisseurs pour approfondir les points techniques. Cette cohérence sur tous les canaux renforce la crédibilité : chaque partie prenante reçoit l’information par le canal qu’elle utilise, mais l’essentiel du message reste le même, ce qui évite la confusion.
Ciblage des parties prenantes : adapter le message à chaque audience
Toutes les parties prenantes n’ont pas les mêmes attentes ni le même niveau de compréhension financière. En situation de Death Cross, il convient de bien identifier les différents publics impactés et de cibler la communication de manière appropriée pour chacun, sans perdre de vue la cohérence d’ensemble.
-
Investisseurs institutionnels (fonds, assureurs, banques) : Ce sont souvent eux qui détiennent les plus gros blocs d’actions et dont les mouvements peuvent fortement influencer le cours. Ils ont généralement une bonne connaissance de l’entreprise et des modèles financiers poussés. Canaux privilégiés : contact direct via l’équipe Relations Investisseurs, appels individuels du directeur financier ou du PDG, rencontres en one-on-one (même virtuelles) si nécessaire. Message clé : très orienté sur les chiffres, la valorisation, et la stratégie de moyen terme. Il s’agit de répondre à leurs modèles : par exemple, rassurer sur la génération de cash, sur la trajectoire des marges, sur le maintien (ou l’ajustement) de la politique de dividende… En ciblant ces investisseurs pro, on peut entrer dans un niveau de détail plus grand (par exemple expliquer pourquoi le carnet de commandes garantit un certain niveau d’activité futur, même si le marché doute). On peut aussi chercher à identifier leurs préoccupations spécifiques (certains fonds craignent peut-être une dégradation de la note de crédit, d’autres l’impact d’une réglementation à venir) pour y apporter des éléments de réponse concrets. Ce dialogue rapproché a aussi pour but de conserver le soutien des actionnaires de référence : si un gros fonds reste convaincu et ne vend pas, c’est un signal positif pour le marché.
-
Actionnaires individuels (particuliers) : Ils sont plus dispersés et difficiles à joindre individuellement, mais leur comportement agrégé peut compter (ils représentent la liquidité quotidienne parfois). Ils sont aussi ceux qui risquent le plus de paniquer sur un signal technique. Canaux privilégiés : communiqués de presse publics, réseaux sociaux, section dédiée du site web (par exemple une lettre aux actionnaires), webinaire accessible en ligne, voire les médias grand public. Message clé : vulgarisé et pédagogue. Il faut éviter le jargon financier pur et expliquer les choses simplement. Par exemple, rappeler « notre entreprise gagne de l’argent, nous avons de nouveaux produits en préparation, la baisse du cours en Bourse ne remet pas cela en cause ». L’objectif est de rassurer sur la pérennité (les particuliers ont souvent peur d’un krach total ou de perdre tout leur investissement). On peut aussi appeler implicitement au sang-froid et à la perspective de long terme : « Nous comprenons votre inquiétude face à la baisse récente du cours. Sachez que le management est totalement mobilisé pour créer de la valeur sur le long terme… ». Par ailleurs, fournir des ressources éducatives sur le site (FAQ sur la volatilité boursière, rappels des fondamentaux de l’entreprise) peut aider les actionnaires individuels à mieux contextualiser le Death Cross et à ne pas céder à la panique.
-
Analystes financiers (sell-side) : Ils méritent une attention particulière car ce sont souvent eux qui font le lien entre l’entreprise et les investisseurs (leurs notes d’analyses influencent les avis d’achat/vente sur le marché). En temps de crise, un analyste pourrait être tenté de dégrader sa recommandation ou de revoir fortement à la baisse son objectif de cours s’il estime que les perspectives se sont obscurcies – ce qui mettrait une pression additionnelle sur le cours. Canaux privilégiés : en plus des communiqués et conférences mentionnées plus haut, on peut faire du suivi individualisé auprès des analystes les plus influents. Par exemple, l’équipe IR peut appeler chaque analyste qui couvre la valeur juste après une annonce importante pour s’assurer qu’il a bien compris les messages et répondre à ses questions spécifiques. Message clé : technique et prospectif. Avec les analystes, on peut rentrer dans la discussion stratégique fine (ex : expliquer pourquoi la marge brute a baissé ce trimestre mais pourquoi cela ne compromet pas l’objectif annuel, etc.). On peut aussi corriger poliment d’éventuelles mauvaises interprétations. L’idée est de leur donner assez de matière pour qu’ils puissent défendre un point de vue nuancé dans leurs notes, plutôt que d’enfoncer le clou du pessimisme. Si un analyste de renom comprend et adhère en partie au message de l’entreprise, il peut même devenir un relais positif sur les plateaux télé ou dans la presse en expliquant que « le marché surréagit » ou que « l’entreprise a des atouts non reconnus ». En somme, garder les analystes onboard dans la communication est stratégique.
-
Médias et grand public : Au-delà des investisseurs, l’entreprise doit penser à son image globale. Un Death Cross spectaculaire peut faire les manchettes et impacter la réputation auprès du grand public, des clients, des partenaires… Canaux privilégiés : communiqués de presse clairs (repris par agences type Reuters, AFP), interviews dans la presse économique mais aussi, si nécessaire, dans la presse généraliste ou locale (pour rassurer une région si entreprise très ancrée localement par exemple). Message clé : insister sur ce qui est concret et visible dans la vie de l’entreprise. Par exemple, pour rassurer le public : « Nos usines tournent normalement, nos innovations prévues sortiront comme annoncé ». Il faut éviter que l’opinion publique ne réduise l’entreprise à « celle dont le cours s’effondre en Bourse ». Par exemple, Airbus au plus fort de la crise Covid (action en chute libre début 2020) a beaucoup communiqué sur ses actions pour soutenir sa trésorerie, sur la reprise progressive des livraisons d’avions, etc., afin de montrer qu’il restait un acteur industriel solide – et non pas une entreprise en danger. Ce genre de message vise aussi à préserver la confiance des clients et fournisseurs, qui suivent souvent la santé financière de leur partenaire. Un client qui lirait que son fournisseur est dans la tourmente financière pourrait hésiter à signer un contrat ; il est donc important de projeter l’image d’une entreprise toujours fiable opérationnellement.
-
Autres parties prenantes : On peut penser également aux agences de notation (si la dette de l’entreprise est notée, il faut peut-être les informer proactivement de tout développement significatif pour éviter un downgrade injustifié sur la base du seul cours de l’action), aux régulateurs (l’AMF en France, qui appréciera que l’entreprise communique de manière transparente et évite les dérapages d’informations privilégiées), et aux partenaires ou actionnaires de référence (États pour les groupes partiellement publics, maisons-mères, partenaires stratégiques…). Par exemple, l’État français actionnaire de Renault ou d’Air France suit de près ces cours : il est bon de le tenir informé en amont de la stratégie de communication pour conserver son soutien et éviter des réactions politiques malheureuses.
Cibler les messages ne signifie pas dire des choses contradictoires aux uns et aux autres (au contraire, tout doit rester cohérent pour éviter les dissonances) ; cela signifie plutôt adapter la forme, le niveau de détail et l’angle d’approche selon le public. Ainsi, à propos d’un même sujet – disons, la baisse du chiffre d’affaires dans une région – on pourra :
-
Expliquer aux investisseurs pro que « la baisse est de X% mais essentiellement due à un effet de change, et hors de cela la croissance organique est stable » (détails quantitatifs).
-
Expliquer au grand public que « la baisse de ventes en Asie est compensée par la forte demande en Europe, ce qui est de bon augure » (vision plus qualitative rassurante).
En définitive, une communication de crise réussie est souvent segmentée intelligemment, pour que chaque catégorie de parties prenantes entende ce qui la rassure elle, tout en contribuant à la stabilisation globale de la situation.
Positionnement des dirigeants dans la communication : qui doit prendre la parole ?
Dans une crise financière touchant l’actionnariat, la voix des dirigeants est fondamentale. Les investisseurs veulent entendre et voir ceux qui sont aux commandes. Mais il faut réfléchir au choix des porte-parole et à leur positionnement respectif : PDG, directeur général, directeur financier, président du conseil, autres dirigeants ?
-
Le PDG / Directeur Général : C’est généralement le visage de l’entreprise, et en temps de crise, il est souvent attendu au front. Sa prise de parole a un fort pouvoir symbolique : elle montre qu’il assume la situation et qu’il la prend à bras-le-corps. Un PDG qui s’exprime avec calme et détermination peut considérablement rassurer. Par exemple, lors de la débâcle boursière de Danone début 2021, Emmanuel Faber (PDG de l’époque) a tenté de reprendre la main en menant lui-même une conférence avec les investisseurs pour défendre sa stratégie et annoncer des changements (même si cela n’a pas suffi à calmer les activistes, son implication personnelle a été saluée sur le moment par certains investisseurs attachés à la vision long terme). Rôle du PDG : incarner la vision, donner la direction, et parler aux aspects stratégiques et humains. Il peut exprimer sa confiance dans l’avenir, sa compréhension des inquiétudes, et éventuellement annoncer des décisions fortes (réorganisation, changements managériaux, etc.). Un PDG charismatique et crédible est un atout maître dans ces moments.
-
Le Directeur financier (CFO) : Souvent en première ligne pour la communication auprès des marchés, le CFO est la voix de la rigueur financière et des chiffres. Dans une situation de Death Cross, le CFO doit absolument être mis en avant pour détailler les éléments financiers rassurants (ou expliquer lucidement les difficultés et comment elles seront surmontées). Son intervention plus technique complète le discours du PDG. Par exemple, le CFO pourra expliquer que la société dispose de suffisamment de liquidités pour naviguer en eaux troubles, qu’il n’y a pas de covenant bancaire menacé, ou que la politique de dividende reste inchangée – autant de points très concrets qui rassurent les analystes et investisseurs. Souvent, lors des Q&A, ce sera lui qui répondra aux questions pointues. Rôle du CFO : garantir la transparence financière et la maîtrise des chiffres. Sa présence aux côtés du PDG (par exemple dans une interview conjointe ou un call commun) montre l’unité du top management et la maîtrise opérationnelle.
-
Le Président du Conseil d’administration / administrateurs : Dans certaines crises, notamment quand la gouvernance ou la direction générale elle-même sont mises en cause par le marché, il peut être judicieux que le Président du Board prenne la parole. Cela montre que le conseil (représentant les actionnaires) est impliqué et vigilant. Par exemple, dans le cas de Danone, c’est finalement le Conseil d’administration (présidé par Gilles Schnepp) qui a communiqué le départ de Faber et les mesures de gouvernance, pour signifier aux investisseurs que leurs préoccupations étaient entendues et qu’une nouvelle ère commençait. Dans d’autres cas, un président peut exprimer son soutien total au management en place, si c’est l’angle choisi, ou annoncer des changements de cap stratégiques validés par le conseil. Rôle du Board : apporter une forme de garantie et d’ultime recours. Le message implicite quand le Board s’exprime est « nous supervisons la situation, et s’il faut changer quelque chose nous le ferons ». Cela peut renforcer la confiance, surtout avec certains profils de présidents très respectés sur le marché.
-
Autres dirigeants ou experts internes : Selon la nature de la crise, on peut faire intervenir d’autres figures. Par exemple, si l’entreprise a un Directeur des opérations (COO) ou un Directeur technique (CTO), et que la défiance vient en partie de soucis opérationnels/techniques, ces personnes peuvent être mises en avant pour détailler comment ces problèmes sont résolus. De même, un Responsable de la communication ou des relations investisseurs ne sera pas le visage principal vers l’extérieur (on attend plutôt PDG/CFO), mais jouera un rôle clé en coulisses et dans le suivi auprès des médias et analystes. Par ailleurs, s’il y a des ambassadeurs de renom liés à l’entreprise (par exemple un fondateur emblématique au conseil, ou un investisseur de référence connu), leur parole ou leur attitude peut compter. On se souvient que lors des déboires de Facebook en 2018 (scandale Cambridge Analytica, action en chute), c’est la COO Sheryl Sandberg qui avait beaucoup communiqué dans les médias pour apaiser les annonceurs et utilisateurs, complétant ainsi le discours de Mark Zuckerberg – un partage des rôles qui a plutôt bien fonctionné.
-
Unité et cohérence des porte-parole : Il est essentiel que les dirigeants clés parlent d’une seule voix. Toute contradiction entre le PDG et le directeur financier, par exemple, serait catastrophique (le marché y verrait de la confusion interne). Il faut donc préparer soigneusement des éléments de langage communs. Par exemple, décider si l’on insiste sur « les fondamentaux solides malgré la tempête » ou sur « la transformation en profondeur », et s’y tenir dans chaque prise de parole. Bien entendu, chaque dirigeant peut avoir son style : le PDG pourra parler de vision et valeurs, le CFO de chiffres précis, etc., mais il ne faut pas qu’ils donnent l’impression de raconter deux histoires différentes. La coordination avec le Conseil d’administration est également de mise : un administrateur qui lâcherait une déclaration discordante (même involontairement lors d’une réunion d’actionnaires) pourrait ruiner les efforts de com. D’où l’importance d’une communication interne alignée en amont.
En somme, dans cette « chorale » de communication de crise, il faut choisir les solistes appropriés pour chaque partition, tout en gardant un chœur harmonieux. Souvent, le duo PDG-directeur financier est en première ligne, incarnant à la fois la vision et la crédibilité financière – un tandem rassurant si bien exécuté. Les autres dirigeants et le conseil viennent en renfort ciblé selon les besoins (soutien, expertise, gage de bonne gouvernance). N’oublions pas que les dirigeants ne sont pas que des messagers, ils incarnent la confiance ou la défiance. Mettre un visage et un nom rassurant derrière un message aide les parties prenantes à se projeter : on n’écoute pas qu’une entreprise abstraite, on écoute Mme X ou M. Y qui nous convainc que tout est sous contrôle.
Éviter les erreurs fréquentes en communication de crise boursière
Pour clore ce tour d’horizon des stratégies, il est utile de pointer les écueils à éviter absolument. Plusieurs erreurs classiques ont été maintes fois observées dans des communications de crise financières mal gérées. Les connaître permet de s’en prémunir :
-
Le déni pur et simple : C’est sans doute l’erreur la plus dangereuse. Elle consiste à minimiser ou nier la réalité du problème aux yeux du marché. Par exemple, faire comme si la baisse du cours n’était « qu’un détail technique sans importance » ou déclarer que « tout va très bien, il n’y a pas lieu de s’inquiéter » alors que les investisseurs sont manifestement inquiets. Un tel discours de déni peut être perçu comme désinvolte ou trompeur. Les actionnaires se disent : « Ils n’admettent même pas le problème, donc ils ne vont pas le résoudre ». Mieux vaut reconnaître qu’il y a une difficulté (sans dramatisation excessive) plutôt que de donner l’impression d’un management déconnecté. L’exemple d’Orpea début 2022 est parlant : initialement, face aux révélations scandaleuses et à l’effondrement en Bourse, la direction a émis des communiqués très défensifs niant en bloc les faits et attribuant la chute du cours à une cabale médiatique. Ce refus d’assumer a indigné l’opinion et les investisseurs, aggravant la crise de confiance. Ce n’est qu’en changeant de ton (reconnaissance des torts, volonté de changement) que le groupe a pu commencer à restaurer un peu de crédibilité. Transposé au Death Cross, le déni serait par exemple de dire « Ce signal technique ne veut rien dire, c’est idiot » – or, même si on pense que l’indicateur est effectivement peu pertinent, il veut dire quelque chose pour ceux qui y croient. Il faut donc le traiter, pas le nier.
-
Le silence radio prolongé : Ne pas s’exprimer du tout est tout aussi périlleux. Bien sûr, on l’a vu, il faut choisir le bon moment pour parler. Mais se murer dans le silence en espérant que la tempête passe d’elle-même est rarement payant. L’absence de communication crée un vide qui sera comblé par les spéculations les plus folles. Les marchés détestent l’incertitude : un management silencieux sera suspecté de cacher de mauvaises nouvelles. De plus, les parties prenantes internes (salariés, partenaires) risquent de perdre confiance si la direction ne donne aucun signe de pilotage. Un cas extrême de silence néfaste fut celui de Wirecard en 2020 : quand ce fintech allemande a été attaquée par des allégations de fraude (son cours s’effondrant), ses dirigeants se sont d’abord terrés, ne fournissant quasiment aucune explication pendant des jours – ce qui a achevé de convaincre tout le monde qu’il y avait anguille sous roche (et il y en avait effectivement une, en l’occurrence). Sans aller jusqu’à cet extrême de fraude, pour une entreprise légitime, communiquer trop peu, trop tard est une erreur. Même si l’on n’a pas toutes les réponses, il faut montrer qu’on est présent. Par exemple, envoyer un bref communiqué provisoire du type « Nous analyserons en détail la situation lors de la conférence prévue, mais tenons à réaffirmer dès à présent… » est mieux que rien du tout. Un silence prolongé peut être interprété comme du mépris des actionnaires ou de l’incompétence, ce qui est ravageur pour la réputation.
-
Une communication trop technique ou incompréhensible : À l’opposé, quand l’entreprise communique enfin, elle peut tomber dans l’écueil d’un langage trop hermétique. C’est le syndrome du communiqué jargon qui passe à côté de son effet car personne ne le comprend vraiment (hormis peut-être quelques spécialistes). Par exemple, publier une note truffée de termes techniques d’analyse financière, de sigles internes ou de détails ésotériques risque de perdre une bonne partie de l’audience. Or, en temps de crise, il faut clarifier, pas complexifier. Un cas caricatural serait une entreprise qui répondrait à la panique du Death Cross par un document ultra-technique sur ses moyennes mobiles, son beta ou d’autres indicateurs de marché – cela passerait complètement à côté du vrai sujet (la confiance). Il faut bien sûr fournir de l’information substantielle, mais en la rendant intelligible. Si un aspect est complexe, mieux vaut le vulgariser dans le corps du message principal et éventuellement fournir des annexes techniques pour les experts qui veulent creuser. Trop de technique tue le technique en communication de crise : le message essentiel doit pouvoir se résumer simplement (« notre bilan est solide », « notre plan de relance est enclenché », « nos ventes restent stables », etc.). L’objectif est que chaque catégorie de public puisse retenir 2-3 idées-forces rassurantes. Un langage clair inspire confiance, tandis qu’un charabia technique peut faire soupçonner qu’on cherche à noyer le poisson ou que l’entreprise vit dans sa bulle hors réalité.
-
Un ton défensif ou agressif vis-à-vis du marché : Il est compréhensible qu’un management puisse être irrité de voir son titre sanctionné alors qu’il estime la réaction injuste. Cependant, afficher de la colère ou de l’agressivité envers les investisseurs ou les médias est généralement contre-productif. Par exemple, blâmer ouvertement les vendeurs à découvert, accuser « les marchés de ne rien comprendre », ou attaquer la presse pour ses articles alarmistes peut donner une image immature ou désespérée. Cela ne signifie pas qu’il faille tout accepter en silence, mais il y a une manière de le faire. Plutôt que de dire « le marché a tort » d’un ton péremptoire, mieux vaut démontrer en quoi le marché pourrait avoir sous-estimé certains atouts (laissez aux autres le soin de conclure qu’il a tort). Un exemple célèbre de mauvais ton fut la conférence de presse d’Elon Musk après des résultats trimestriels en 2018 : face à des questions légitimes d’analystes sur la rentabilité, il avait répondu ironiquement « questions ennuyeuses » et envoyé balader les interlocuteurs. Le cours de Tesla avait décroché juste après, car cette attitude hautaine a inquiété sur la gouvernance de l’entreprise. En communication de crise, le calme et l’ouverture d’esprit sont de mise, même si intérieurement on fulmine. Rester factuel, courtois et à l’écoute des préoccupations exprimées, c’est rassurer. À l’inverse, un ton trop défensif (« tout va bien, vous avez tort ») ou agressif (« ceux qui vendent notre action le regretteront ! ») peut braquer encore plus les investisseurs. Mieux vaut adopter une attitude constructive : « Nous entendons les inquiétudes, nous comprenons les réactions, voici comment nous y répondons… ». En clair, ne pas transformer la communication en rapport de force avec le marché. Ce serait une bataille perdue d’avance, car le marché a toujours le dernier mot sur le cours.
-
Des promesses irréalistes ou non tenues : Enfin, une erreur plus subtile mais tout aussi néfaste est de surpromettre pendant la crise pour tenter de rassurer, puis de ne pas tenir parole. Sous la pression, certains dirigeants pourraient être tentés d’annoncer des objectifs trop ambitieux ou des mesures spectaculaires mais non ficelées, dans l’espoir d’éteindre l’incendie rapidement. Par exemple, promettre un retour à une forte croissance dès le trimestre suivant alors que c’est peu probable, ou annoncer une cession d’actif majeure sans certitude de réalisation. Si ces promesses ne se concrétisent pas, la crédibilité – déjà fragilisée – en prendra un coup fatal. Il vaut mieux communiquer de façon un peu prudente mais fiable. Ne pas donner de date précise si on n’est pas sûr, ne pas s’engager sur des chiffres hasardeux. Un classique est la phrase « les choses vont s’améliorer rapidement » – si ça ne s’améliore pas, cette phrase sera ressortie cruellement. Il est préférable de dire « nous mettons tout en œuvre pour améliorer la situation le plus vite possible » (engagement de moyens, pas de résultat garanti). La confiance se regagne par des actes posés dans le temps, pas par des paroles en l’air. Donc, éviter la surréaction verbale qui conduirait à de futurs désillusions.
En résumé, la communication de crise doit éviter de rajouter de la crise à la crise. Le déni, le silence, l’obscurité du propos, l’agressivité ou l’impréparation dans les annonces sont autant de pièges qui peuvent transformer un incident gérable en catastrophe de réputation. Chaque erreur se paye cash en termes de confiance. Inversement, en étant conscient de ces écueils, l’entreprise peut calibrer sa communication pour inspirer le sérieux, la transparence et la maîtrise, trois qualités attendues par le marché en temps troublé.
Retours d’expérience et bonnes pratiques à retenir
Le franchissement d’un Death Cross par une action est un moment délicat pour une entreprise cotée, car il conjugue pression des marchés et enjeux de communication majeurs. Comme nous l’avons vu tout au long de ce support, la clé réside dans l’anticipation, la transparence et la maîtrise du récit. Voici en guise de synthèse les bonnes pratiques et enseignements essentiels à retenir :
-
Surveiller et anticiper les signaux faibles : Une entreprise doit rester à l’écoute de son cours de Bourse et des indicateurs techniques suivis par le marché. Sans devenir esclave de chaque variation, il est prudent d’anticiper les étapes symboliques (Death Cross, seuils psychologiques, etc.) pour ne pas être pris de court. Cela inclut la préparation de scénarios de communication à l’avance (« que fait-on si… »). Cette veille permet d’activer rapidement la réponse quand le signal se déclenche.
-
Réagir rapidement mais avec préparation (timing agile) : En cas de choc de marché ou de formation d’un Death Cross, il faut savoir communiquer sans tarder afin de remplir le vide informationnel et de calmer le jeu. La première réaction donne le ton : un message rapide de réassurance évite bien des dégâts. Cependant, rapidité ne veut pas dire improvisation : d’où l’importance du travail préparatoire en amont (messages prévalidés, cellule de crise en alerte). « Vite et bien » doit être le mot d’ordre.
-
Prendre la main sur la narration : Ne jamais laisser le marché ou les médias écrire l’histoire à votre place. L’entreprise doit imposer son récit explicatif de la situation. Que ce soit sous l’angle de la résistance (« nous sommes solides ») ou de la transformation (« nous changeons pour le mieux »), il faut un fil rouge cohérent qui donne du sens aux événements. Un bon storytelling de crise replace le Death Cross dans un contexte plus large et positif, évitant qu’il ne soit perçu comme le signe d’un délitement inexorable.
-
Multiplier les canaux de communication, sans incohérence : Utiliser tous les médiums appropriés pour toucher les cibles (communiqués, conférences, médias, réseaux sociaux, etc.), mais en veillant à la cohérence des messages sur l’ensemble des canaux. Chaque support a son format, mais tous doivent raconter la même histoire et se renforcer mutuellement. Cette stratégie omnicanale assure une diffusion maximale des informations correctes et réduit le risque de malentendu.
-
Adapter le discours à chaque partie prenante :** Une communication de crise réussie sait parler à tout le monde, mais pas de la même manière. Il faut se mettre à la place de chaque public – du grand investisseur institutionnel à l’actionnaire individuel, en passant par les salariés et les journalistes – et répondre à ses préoccupations spécifiques. Cela signifie simplifier le message pour les uns, le détailler pour les autres, tout en restant sincère et factuel pour tous. Cette personnalisation renforce l’impact de la communication sur chaque cible.
-
Impliquer des dirigeants responsables et alignés : La présence en première ligne du PDG et du directeur financier (ainsi que d’autres dirigeants si besoin) est indispensable pour incarner la réponse de l’entreprise. Ces porte-parole doivent se montrer unis, complémentaires et crédibles. Leur attitude compte autant que leurs mots : ils doivent inspirer confiance, montrer du leadership et de l’empathie. Une équipe dirigeante visible et pédagogue, c’est le meilleur gage de sérieux qu’une entreprise puisse offrir au marché en temps de crise.
-
Transparence et honnêteté : Même si la tentation peut exister de minimiser les problèmes, la franchise mesurée paie sur le long terme. Admettre un défi ou une erreur, c’est le premier pas pour regagner la confiance. Bien sûr, il faut rester positif, mais sans tromperie ni faux-fuyants. Toute information donnée doit être véridique. En interne comme en externe, la transparence renforce la crédibilité – et donc la capacité à sortir de la crise.
-
Maintenir le cap et délivrer dans la durée : La communication de crise ne s’arrête pas à la diffusion d’un communiqué ou à une conférence unique. C’est un processus continu. Il faudra sans doute suivre avec des mises à jour, prouver par des actes ce qui a été annoncé (par exemple, si on promet une amélioration de marge, il faudra la réaliser aux trimestres suivants). La confiance regagnée est fragile : elle doit être confortée par la cohérence entre les paroles et les résultats. Cela implique de tenir ses engagements et de continuer à informer régulièrement, même une fois la tempête passée, pour montrer que l’on avance dans la direction annoncée.
Pour illustrer ces bonnes pratiques, souvenons-nous du cas Credit Suisse évoqué précédemment. En octobre 2022, grâce à une communication de crise bien orchestrée (timing le week-end, messages clairs sur la solidité financière, engagement du CEO et relais médiatiques), la banque avait réussi pendant un temps à stabiliser la situation et même à faire remonter son action de +9%. Les marchés avaient été temporairement rassurés, preuve que la communication peut réellement avoir un effet apaisant si elle est faite correctement. À l’inverse, l’exemple d’Atos montre qu’une communication perçue comme insuffisante ou maladroite peut aggraver la méfiance et coûter cher en réputation.
En conclusion, franchir un Death Cross n’est certes pas une nouvelle réjouissante, mais ce n’est pas une fatalité non plus. C’est un test de communication pour l’entreprise : sa capacité à rester maître du narratif et à conserver la confiance de ses parties prenantes est mise à l’épreuve. En appliquant une stratégie structurée – anticiper, expliquer, rassurer, dialoguer, corriger le tir si besoin – une entreprise peut non seulement traverser cette zone de turbulence, mais parfois en ressortir renforcée en terme d’image de sérieux et de transparence.
En résumé, les bonnes pratiques à graver en mémoire :
-
Anticiper les signaux d’alerte et préparer la réponse.
-
Agir vite en communication dès que la confiance vacille.
-
Contrôler le récit en donnant du sens à la situation.
-
Communiquer sur tous les fronts (investisseurs, médias, réseaux) de manière cohérente.
-
Adapter le message selon les audiences sans diluer la vérité.
-
Montrer ses leaders calmes, unis et engagés en première ligne.
-
Éviter le déni et le silence, préférer la transparence et l’humilité.
-
Tenir ses promesses et continuer à informer une fois la crise immédiate passée.
En suivant ces lignes directrices, les professionnels de la communication financière et de crise pourront aborder sereinement un Death Cross boursier, et transformer ce qui n’est qu’un signal technique en une occasion de renforcer la confiance dans la vision et la gestion de l’entreprise, plutôt que de la laisser se dissoudre.
En dernière analyse, la communication ne peut pas tout – les marchés restent imprévisibles – mais une chose est sûre : une bonne communication peut éviter qu’une difficulté passagère ne dégénère en crise durable, tandis qu’une mauvaise communication peut, elle, transformer une alerte en véritable catastrophe. C’est pourquoi la maîtrise de ces techniques est un atout indispensable pour tout communicant financier de haut niveau.