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Comment réussir une fusion-acquisition

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Qu’est-ce qu’une fusion-acquisition réussie?

Tout dépend du point du vue. Réussie pour qui? Pour les clients? Pour les investisseurs? Pour les employés? Trop souvent, le processus de réorganisation est très long et le service s’en trouve perturbé, amoindri. Qui paie pour cela? La clientèle.

Et que serait une fusion réussie du point de vue des employés?

Si vous mesurez la réussite d’une fusion au fait qu’il n’y a pas eu de licenciements, vous trouverez rarement une réussite.

Pourquoi?

Pour répondre à cette question, demandons-nous d’abord pourquoi on procède à une acquisition. C’est pour accroître son avantage concurrentiel. On achète donc un concurrent pour agrandir son marché.

On achète aussi pour s’approprier une certaine expertise et un portefeuille de clients ou de solutions innovantes.

Cela se fait beaucoup actuellement, notamment en informatique. Dans un contexte de mondialisation, on n’a pas le choix, qu’on soit une PME ou une grande entreprise.

Cela dit, on n’achète pas son concurrent seulement pour étendre son expertise, agrandir son territoire et augmenter sa part de marché; on le fait aussi pour réduire les coûts de production et réaliser des économies d’échelle. Voilà pourquoi on assiste généralement à une réduction de personnel quand on fusionne deux entreprises. La nouvelle entreprise née de la fusion ne peut pas fonctionner avec une direction générale et certains services support en double!

Dès lors que des licenciements sont inévitables, sur quels critères vous basez-vous pour dire qu’une fusion est réussie du point de vue des employés?

En ce qui concerne les employés licenciés, on peut évaluer, par exemple, la qualité de l’indemnisation de départ. Si on ne respecte pas l’ancienneté, par exemple, on peut dire que la fusion n’est pas réussie socialement.

À l’opposé, on peut traiter les gens avec respect. On peut annoncer tôt la décision aux employés, ce qui leur laisse beaucoup de temps pour décider de leur avenir. L’entreprise peut également les aider à se replacer ailleurs. Bon nombre d’employés sont sûrement déçus car leur sentiment d’appartenance est élevé. La fermeture d’un siège social « historique » est une décision business qui ne fait généralement pas que des heureux, mais, du point de vue de la gestion des ressources humaines, c’est une décision qui peut être très positive.

Pour ceux qui restent, les heureux élus, est-il plus facile de parler de réussite?

Je ne dirais pas cela. Je dirais même qu’on a plutôt tendance à bien traiter ceux qui partent et à oublier ceux qui restent. On ne se préoccupe pas assez des « survivants », et c’est là une des principales pierres d’achoppement des processus de fusion-acquisition.

Comment faire pour bien traiter les « survivants »?

Ceux qui restent sont ballottés et ils ont peur. Leurs confrères, leurs consoeurs de travail ont été évincés; quant à eux, ils se demandent quand viendra leur tour. Ce qu’on devrait faire – et qu’on ne fait pas assez -, c’est mettre en place une infrastructure pour cicatriser tout cela, pour unifier le plus possible les deux groupes qui proviennent des deux entreprises fusionnées. Cette préoccupation doit être présente dès le début du processus de fusion-acquisition.

En parallèle, il devrait y avoir un plan de communication de crise, appliqué très tôt, pour freiner les attentes et donner l’heure juste quant à l’engagement de la haute direction envers son personnel. Tout doit avoir été prévu et planifié.

La réalité est plutôt différente, d’après les histoires d’horreur qu’on entend sur les fusions…

Trop souvent, quand on procède à une fusion, on va d’abord chercher des « développeurs », qui se soucient des résultats business, et pas des personnes. Ensuite seulement, on va chercher des gens qui ont une main de fer dans un gant de velours. Cela n’est pas une bonne façon de faire, car l’impact est négatif sur la gestion du personnel. On agit de la sorte pour plaire aux investisseurs. À court terme, ça marche, soit. Mais à long terme, la situation se détériore. Je le répète: les responsables des ressources humaines doivent participer au processus de fusion dès le tout début. Le vice-président aux ressources humaines devrait siéger au comité créé pour décider de l’acquisition et pour gérer la fusion.

Quel est l’aspect des ressources humaines le plus difficile à gérer lors d’une fusion?

C’est le choc des cultures! Il est inévitable et il faut composer avec lui. La culture d’une entreprise et son climat de travail sont des éléments très forts. Pour atténuer le choc, je pense qu’il faut voir l’entité née de la fusion comme une nouvelle entreprise. On repart à zéro, avec un organigramme aux cases vides d’un côté, et un bassin de main-d’oeuvre de l’autre.

On doit faire un effort pour équilibrer les équipes de travail. Par exemple, si j’ai quatre postes de vice-présidents, je vais essayer de les combler avec deux personnes de l’entreprise ABC et deux de l’entreprise XYZ. Plus les postes sont élevés dans la hiérarchie, plus cet équilibre est important. Si on ne fait pas du tout cet effort, on se retrouve avec des ghettos: le marketing devient le château fort des ABC, par exemple, et la comptabilité, celui des XYZ. L’entreprise s’en trouve morcelée.

Quand vous « mixez » les gens, est-ce que cela marche à tout coup?

Non! Il faut parfois beaucoup de temps pour unifier deux groupes de travail. Souvent, malgré les efforts des dirigeants d’entreprises, les couteaux volent bas! Il est vrai que les cultures sont parfois très différentes. De plus, les questions de langues et de territoires rendent parfois la fusion encore plus difficile.

Les entreprises s’unifient à mesure que les anciens ont pris leur retraite et ont été remplacés par une nouvelle génération d’employés qui, n’ayant pas vécu la période de fusion, se sont identifiés spontanément à la nouvelle entité née de la fusion. Il ne faut jamais oublier que, malgré tous les efforts, l’être humain a une tendance naturelle à vouloir fonctionner comme à « la belle époque », qui est toujours celle d’avant la fusion.