- La douche froide du scandale : coulée ou rebond, le destin contrasté des marques
- Un scandale, et tout peut basculer
- Pourquoi certaines marques survivent et d’autres non ?
- Les marques qui ont sombré (et coulé à pic)
- Les marques qui ont réussi à retourner la situation
- Le rôle crucial du consommateur : juge, juré et sauveteur
- La leçon pour les entreprises : mode d’emploi pour survivre au scandale
La douche froide du scandale : coulée ou rebond, le destin contrasté des marques
Un scandale, et tout peut basculer
La sanction d’un scandale est instantanée et sans pitié. Une seule affaire qui éclate au grand jour peut démolir en quelques jours ce que la marque a mis des années à bâtir. Clients outrés, réseaux sociaux en feu, chiffre d’affaires qui plonge – c’est la chute libre. Certaines entreprises coulent à pic, englouties par la tempête médiatique. D’autres parviennent, contre toute attente, à refaire surface et à sauver les meubles. Un faux pas peut ainsi condamner une marque à mort, tandis qu’une gestion exemplaire de la crise peut au contraire la renforcer. Le grand écart est brutal : il y a les marques qui meurent et celles qui survivent – voire renaissent de leurs cendres.
Pourquoi certaines marques survivent et d’autres non ?
Pas de mystère : si certaines marques s’en sortent, c’est qu’elles avaient les bonnes cartes en main – ou qu’elles ont su réagir correctement. Plusieurs facteurs font la différence entre le naufrage total et le simple trou d’air passager : la force de la marque et la fidélité de ses clients, la rapidité de réaction, et la transparence (ou son absence).
Premièrement, le capital de confiance dont jouit la marque avant le scandale joue un rôle crucial. Une marque très aimée, à l’image positive, part avec un avantage indéniable. « Plus elle jouit d’une notoriété élevée et plus son image est positive, plus une marque a des chances de se relever » explique Florian Silnicki, expert en communication de crise. Une marque, c’est une relation de confiance : si elle a su créer de la proximité avec son public, celui-ci sera plus enclin à lui pardonner un dérapage ponctuel. Attention toutefois, ce capital sympathie n’est ni scientifique ni illimité. Sur des secteurs sensibles (santé, sécurité alimentaire…), il peut s’épuiser d’un coup. En clair, être adoré du public donne un sursis, pas une immunité permanente.
Deuxièmement, la vitesse et la sincérité de la réaction. Face à la crise, chaque minute compte. L’improvisation et l’attentisme sont des poisons mortels. « Une crise se gagne avant son émergence » martèle Florian Silnicki, soulignant que 95 % des crises potentielles peuvent être anticipées avec un plan préparé à l’avance. Aucune entreprise ne devrait découvrir sa stratégie en pleine tourmente : il faut avoir préparé des scénarios, des messages clés, et désigné des responsables capables de parler juste. Le temps de latence doit être réduit au strict minimum : “Dans l’heure, un communiqué de presse doit être publié, qui reconnaît au moins l’existence de la crise”, conseille Florian Silnicki. S’excuser dès les premières heures, au plus haut niveau, c’est montrer qu’on prend le problème à bras-le-corps. À l’inverse, tout retard ou silence sera interprété comme de la dissimulation. Et pour cause : « Si une société est lente à communiquer, c’est qu’elle a des choses à dissimuler. La suspicion règne », rappelle l’expert en gestion de crise. Le silence est l’ennemi numéro un en cas de crise. La transparence, elle, est votre meilleure alliée.
Enfin, la transparence et l’honnêteté font la différence entre les survivants et les autres. Mentir, minimiser ou tenter d’étouffer l’affaire, c’est jouer avec le feu. Sur Internet, un mensonge découvert ou une tentative de censure déclenche l’effet Streisand – exactement l’inverse de l’effet recherché. En voulant cacher la poussière sous le tapis, on finit par braquer les projecteurs dessus. Les marques qui survivent sont généralement celles qui disent la vérité, assument leurs torts et agissent en conséquence. Celles qui sombrent sont souvent celles qui ont trompé leur monde jusqu’au bout. Transparence, humilité, responsabilité : ces maîtres-mots séparent souvent les marques « repêchées » de celles coulées.
Les marques qui ont sombré (et coulé à pic)
Certaines entreprises n’ont pas survécu à l’onde de choc de leur scandale – ou ont dû sacrifier leur nom pour espérer continuer en catimini. Spanghero en est un exemple flagrant. En 2013, cette entreprise agroalimentaire française se retrouve au cœur du scandale de la viande de cheval vendue pour du bœuf. La confiance est instantanément brisée et les clients désertent : du jour au lendemain, il n’y a plus de commandes, l’activité s’effondre. La société est mise en liquidation judiciaire dans la foulée. Son nom, irréversiblement terni, doit même être abandonné : Spanghero est rebaptisée pour tenter de tourner la page. En somme, le scandale a tué la marque – un vrai naufrage économique et réputationnel.
Autre cas emblématique : Abercrombie & Fitch. L’enseigne de prêt-à-porter, icône des années 2000, a connu une descente aux enfers dans la décennie suivante. En cause, des scandales à répétition et une culture d’entreprise toxique. L’ancien PDG Mike Jeffries assumait de n’embaucher et de ne servir que des « gens cool », c’est-à-dire jeunes, minces, blancs et beaux – les autres pouvaient passer leur chemin. Cette politique d’exclusion a suscité un profond dégoût du public. Procès pour discrimination, campagnes de boycott, indignation sur les réseaux… La marque autrefois “cool” est devenue un paria. En 2014, Abercrombie figurait carrément dans le top 10 des entreprises les plus détestées d’Amérique. Conséquence logique : ventes en chute libre et fermeture de nombreux magasins. La branlée a été telle que beaucoup pensaient la marque condamnée à disparaître.
Et la liste des naufrages corporate est longue. Arthur Andersen, géant mondial de l’audit, a été démantelé en 2002 suite au scandale Enron – preuve qu’on peut passer de « Big Five » à plus rien du tout en un temps record. Plusieurs marques n’ont eu d’autre choix que de changer de nom pour tenter d’échapper à leur passé sulfureux (la banque Dexia, devenue Belfius, ou encore Datsun reléguée derrière Nissan). D’autres encore ont mis des années à s’en remettre sans jamais retrouver leur splendeur initiale. Une chose est sûre : un scandale mal géré peut faire sombrer même les plus grands.
Les marques qui ont réussi à retourner la situation
Heureusement, un scandale n’est pas forcément une condamnation définitive. Certaines entreprises, par leur réaction exemplaire, ont réussi un véritable comeback après la tourmente. Leurs cas d’école montrent qu’avec les bonnes décisions, il est possible de regagner la confiance du public.
Prenons Tylenol, la marque d’analgésiques de Johnson & Johnson. En 1982, c’est la catastrophe : sept personnes meurent empoisonnées après avoir consommé des gélules de Tylenol trafiquées au cyanure. Ce fait divers macabre aurait pu sonner la fin de Tylenol – qui achèterait encore un médicament « tueur » ? Pourtant, la réponse de Johnson & Johnson a été immédiate et exemplaire. Priorité à la sécurité publique : la firme rappelle 31 millions de boîtes de Tylenol à travers tout le pays, quitte à perdre des millions de dollars. Elle coopère pleinement avec les autorités et informe le public en toute transparence, multipliant les messages de mise en garde. En parallèle, J&J développe rapidement de nouveaux packagings inviolables pour empêcher toute nouvelle contamination. Le résultat de cette gestion de crise sans faille est édifiant : la confiance des consommateurs a été restaurée, et Tylenol a repris sa place de leader du marché en l’espace de quelques mois. Johnson & Johnson est sorti de cette épreuve encore plus fort, et le cas Tylenol est désormais enseigné dans toutes les écoles de communication de crise. Le scandale aurait pu tuer la marque ; il a finalement renforcé sa réputation de sérieux en matière de sécurité. Un véritable retournement de situation.
Autre exemple célèbre, en France : Perrier. En 1990, des traces de benzène (un composé cancérigène) sont détectées dans plusieurs bouteilles de la célèbre eau minérale gazeuse. Tollé général ! Sans hésiter, Perrier adopte une mesure radicale : détruire l’intégralité des stocks contaminés. Près de 300 millions de bouteilles seront ainsi éliminées– un retrait massif et coûteux, mais nécessaire pour protéger les consommateurs. Malgré tout, le coup est dur pour la marque : ses parts de marché s’effondrent et Perrier finit par être rachetée par Nestlé. Il faudra dix ans d’efforts pour que l’entreprise retrouve sa marge commerciale d’avant-crise. Dix ans de reconquête pour effacer la tache du benzène. Au final, Perrier a survécu. Son image d’eau de qualité a pu être restaurée, en grande partie parce que la marque n’a pas tergiversé à l’époque : tolérance zéro, transparence maximale. Perrier a sauvé sa peau en sacrifiant ses bouteilles – un choix difficile à court terme, payant à long terme.
Enfin, impossible de ne pas mentionner le virage à 180° d’Abercrombie & Fitch. Oui, la même Abercrombie qui était honnie il y a quelques années a réussi un redressement spectaculaire. Après le départ du controversé Mike Jeffries, la marque a opéré une véritable refonte de ses valeurs et de son image. Exit l’élitisme toxique : place à l’inclusion et à la diversité. Fini les boutiques sombres avec des vendeurs bodybuildés torse nu filtrant l’entrée : Abercrombie a changé de visage, accueillant tout le monde, toutes tailles et origines confondues. Les collections se sont élargies à des tailles plus inclusives, les campagnes pub mettent désormais en scène des modèles variés, et l’expérience en magasin s’est normalisée. Bref, Abercrombie a fait amende honorable et s’est adaptée à son époque. Les résultats ne se sont pas fait attendre : la marque commence à regagner le cœur des jeunes. Mieux, ces changements paient en chiffres : récemment, Abercrombie & Fitch a annoncé les meilleurs résultats trimestriels de son histoire, avec une action en bourse qui a bondi de +24% dans la foulée. En quelques années, A&F est passée du statut de marque « has-been » détestée à celui de marque à nouveau tendance auprès de la Gen Z. Une renaissance inespérée, rendue possible uniquement parce que l’entreprise a eu le courage de se remettre en question et de tout changer. La leçon est claire : on peut survivre à un passé calamiteux, à condition de vraiment changer le présent.
Ces exemples – du scandale sanitaire géré de main de maître, au repositionnement marketing courageux – montrent qu’une crise peut devenir une occasion de rebond. Encore faut-il que l’entreprise fasse ce qu’il faut.
Le rôle crucial du consommateur : juge, juré et sauveteur
Au bout du compte, le sort d’une marque en crise se joue dans l’arène de l’opinion publique. Le consommateur est à la fois juge et juré : son verdict peut être un couperet impitoyable ou, au contraire, la bouée qui maintient la marque à flot. C’est lui qui décide de pardonner – ou pas.
Quand le public se sent trahi, la sentence tombe vite. L’exemple Spanghero l’a montré : dès que la fraude a éclaté, plus personne ne voulait acheter les produits estampillés Spanghero. Les clients ont largué la marque du jour au lendemain, précipitant sa chute. De même, quand une vidéo d’un scandale fait le tour du web, l’indignation collective peut détruire une réputation en quelques heures. Bienvenue à l’ère du tribunal des réseaux sociaux. En 2017, United Airlines l’a appris à ses dépens : la vidéo d’un passager violemment expulsé d’un vol a provoqué une furie mondiale. La compagnie, perçue comme brutale et arrogante après sa réponse initiale catastrophique, a subi un boycott massif et des pertes colossales. Le message est clair : un consommateur en colère peut mettre un genou à terre à n’importe quelle marque, aussi puissante soit-elle.
Mais le consommateur peut aussi se montrer étonnamment clément – ou oublieux. À l’ère de la surcharge médiatique, l’indignation est volatile. Un scandale chasse l’autre : le public « tourne rapidement la page, se délectant déjà du prochain scandale ». Cette mémoire courte peut sauver bien des entreprises. Une marque un temps conspuée peut voir la tempête passer si une nouvelle polémique vient distraire les foules entre-temps. Ce cynisme n’en est pas vraiment un : c’est la réalité d’un monde bombardé d’informations en continu. Ainsi, certaines entreprises survivent en partie parce que l’attention du public s’est déplacée ailleurs.
Surtout, si le produit ou le service reste indispensable, beaucoup de consommateurs finiront par revenir, même à contrecœur. Le cas Total l’illustre parfaitement. Depuis le naufrage de l’Erika en 1999, Total traîne une image exécrable et demeure la société « la moins appréciée de France » d’après les sondages. Et pourtant, cela n’a pas empêché le géant pétrolier de rester la première entreprise du pays en chiffre d’affaires et en profits. Pourquoi ? Parce que les consommateurs ont continué à faire le plein d’essence, par nécessité, scandale ou pas. En pratique, beaucoup râlent… puis retournent à la pompe. Le pouvoir du consommateur s’exerce donc de deux façons : par le boycott ou par la fidélité durable. Il peut détruire une marque qu’il abandonne, ou bien la maintenir à flot en restant malgré tout client.
Enfin, n’oublions pas que c’est aussi au tribunal de l’opinion que la marque se rachètera (ou non) une conduite. Si l’entreprise a su montrer patte blanche après la crise, changer ce qui devait l’être et communiquer avec sincérité, le consommateur peut lui redonner sa chance. Il arrive même qu’une bonne gestion de crise retourne l’opinion en faveur de la marque, qui passe pour exemplaire dans l’adversité. À l’inverse, une marque qui nie l’évidence ou fuit ses responsabilités se fera démolir sur la place publique. Aujourd’hui, chaque consommateur sur Twitter ou Facebook est un amplificateur : il peut crier au scandale et entraîner des milliers d’autres dans son indignation, ou au contraire saluer les efforts d’une marque et aider à restaurer la confiance. En somme, le public a le dernier mot. Mieux vaut l’avoir avec soi qu’à dos.
La leçon pour les entreprises : mode d’emploi pour survivre au scandale
Que retenir de tout cela, si vous êtes à la tête d’une marque en pleine tourmente ? La vérité, crue et simple, c’est qu’une crise bien gérée peut vous sauver – et qu’une crise mal gérée vous coulera à coup sûr. Voici, sans détour, les principes essentiels pour éviter le naufrage et peut-être ressortir plus fort après un scandale :
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Anticipez la tempête. La pire erreur, c’est de naviguer à vue quand la crise éclate. Chaque grande entreprise devrait avoir un plan de crise prêt à dégainer : cellules dédiées, scénarios prévus, messages déjà réfléchis. « L’improvisation en communication de crise, c’est mortel pour votre image » insiste Florian Silnicki. Qui veut la paix prépare la guerre : 95 % des crises potentielles peuvent être envisagées à l’avance. Ceux qui ont un plan d’attaque réagiront vite et juste, tandis que les autres perdront de précieuses heures à paniquer. Préparez le pire en temps de paix, vous gagnerez de précieuses minutes le jour J.
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Réagissez vite – tout de suite – et prenez vos responsabilités. Pas demain, pas la semaine prochaine : immédiatement. Dès que le scandale sort, reconnaissez le problème publiquement. Sortez du bois avec un communiqué clair, même bref, dans les premières heures. Dites « Oui, il se passe quelque chose de grave, nous sommes dessus ». S’il y a eu une faute de votre part, admettez-le et présentez des excuses sans langue de bois. Montrez de l’empathie pour les victimes ou les clients lésés. Plus c’est haut placé, mieux c’est : un CEO qui s’excuse aura bien plus d’impact qu’un responsable comm planqué. À l’inverse, le déni ou le silence vous condamnent. Ne laissez jamais un vide informationnel : il sera comblé par des rumeurs, des spéculations ou la version de vos adversaires. Et plus vous attendez, plus le public se dira que vous cachez quelque chose. Transparence, dès le départ.
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Communiquez, communiquez, communiquez. Occupez le terrain médiatique, sans le lasser mais sans le déserter. Après l’annonce initiale, donnez des points d’étape réguliers : où en est l’enquête interne, quelles mesures sont prises, quels progrès accomplis. Cela permet de tenir le public et les médias informés, et d’éviter qu’ils n’aillent chercher l’info ailleurs dans des conditions défavorables. C’est aussi une façon de reprendre le contrôle du récit : si vous ne parlez pas, d’autres le feront à votre place – et pas en votre faveur. Bien sûr, communiquer ne veut pas dire raconter n’importe quoi : restez factuel, humble, ne cherchez pas d’excuses bidon. Mais ne disparaissez pas des radars. En crise, trop de com vaut mieux que pas de com du tout.
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Montrez concrètement que vous changez les choses. Les belles promesses et les grands discours ne suffiront pas à calmer la tempête. Il faut des actes tangibles. Produits rappelés, usine à l’arrêt, audits externes, licenciement des responsables, nouvelles procédures de sécurité… Whatever it takes. « “Promis, ça n’arrivera plus” : cela ne suffit pas. Il faut apporter des preuves : voici ce qu’on a changé pour que cela ne se reproduise plus” insiste Florian Silnicki. Donc faites-le, et dites-le. Montrez au public et aux autorités que vous avez compris la leçon et pris des mesures fortes pour corriger le tir. Par exemple, après le scandale de la viande de cheval, Picard (enseigne également touchée) a détaillé sur YouTube toutes les nouvelles procédures qualité mises en place – l’exercice de transparence a payé. Corrigez vos erreurs et prouvez-le, sinon plus personne ne vous fera confiance.
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Restez humble et à l’écoute. Dans la tourmente, adoptez un ton humain, pas juridique ou technocratique. Reconnaissez la colère ou la déception de vos clients comme légitimes. Bannissez les phrases du type « Dans le respect des réglementations en vigueur… » ou « Nous prenons ce sujet très au sérieux… » – on vous regarde, pas la peine de lire un script creux. Parlez simple et vrai. Montrez de la compassion pour ceux qui souffrent des conséquences du scandale. Si vous pensez qu’il suffit de minimiser l’affaire, de la tourner en dérision ou d’envoyer vos avocats menacer tout le monde, détrompez-vous : vous allez creuser votre propre tombe médiatique. L’heure est à l’humilité. Écoutez ce que disent vos clients en colère, répondez-leur sans agressivité. Cette attitude peut éviter de jeter de l’huile sur le feu et calmer un début de boycott.
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Apprenez de la crise et transformez-la en opportunité. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, un scandale peut être l’occasion forcée de faire le ménage en interne. « En pleine tempête, il n’y a plus le choix : les changements nécessaires sont plus facilement acceptés » note Florian Silnicki. Profitez-en pour revoir vos processus, votre culture d’entreprise, vos produits, et sortir de là en étant meilleur qu’avant. Une crise bien gérée peut même déboucher sur un gain d’image. Montrez que cet électrochoc vous a fait évoluer dans le bon sens. C’est tout ce qu’attend le public : que l’erreur ne se reproduise plus et que vous en sortiez grandis. Certaines marques ont su se réinventer grâce à une crise – c’est risqué mais parfois salutaire.
En définitive, la différence entre couler et rebondir tient à la façon dont on gère la crise. Toutes les entreprises commettent un jour des erreurs ou font face à des drames imprévus. Mais toutes ne survivent pas à l’épreuve du scandale. Celles qui s’en sortent sont celles qui assument, qui réagissent vite, qui disent la vérité et qui mettent les bouchées doubles pour réparer les dégâts. Les autres coulent à pic, entraînées par le boulet de leurs dénis ou de leur inaction. Cela sonne comme une évidence, mais c’est bon de le rappeler : « La façon dont l’entreprise communique a parfois un impact plus considérable que la crise elle-même ». En clair, un scandale peut être gérable – si vous savez communiquer et agir correctement – ou fatal, si vous ratez votre gestion de crise. À vous de choisir de quel côté de l’histoire vous voulez être. Les naufrages spectaculaires ou les sauvetages in extremis : les dirigeants écrivent eux-mêmes le destin de leur marque dans les heures décisives qui suivent le scandale. Sans détour et sans excuse : une marque peut s’en sortir après un scandale… à condition de faire exactement ce qu’il faut, et d’éviter absolument ce qu’il ne faut pas faire. Les règles du jeu sont posées – les survivants les ont suivies, les autres non. À bon entendeur…
En conclusion, une crise, ça se maîtrise. Mal maîtrisée, elle vous achève. Bien maîtrisée, elle peut – parfois – vous renforcer. La balle est dans le camp des entreprises : face au scandale, soit on coule, soit on apprend à nager plus vite. Et seules les marques honnêtes, réactives et résilientes garderont la tête hors de l’eau.
Baisse d’activité de Tesla : ces autres marques qui ont subi une récession après un scandale
Eugénie Decommer
Chute vertigineuse à Wall Street et ventes en berne. Chez Tesla, pas loin de 800 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont envolés depuis décembre. Elon Musk a vu les transactions de ses voitures électriques enregistrer une baisse record en Europe. Conséquence d’un « véritable sentiment de trahison », analyse Géraldine Michel, professeure à l’IAE Paris-Sorbonne et directrice de la chaire Marques, valeurs et société. Celle-ci y voit notamment un « conflit de valeurs » entre d’une part les acheteurs qui acquièrent une voiture électrique animés par une démarche écologique, et d’autre part le scepticisme climatique et la suppression des recherches scientifiques sur le climat évoqués par le patron de Tesla.
Tesla n’est pas la première entreprise à subir une récession après un scandale. Buffalo Grill et les failles de traçabilité pendant la crise de la vache folle en 2000, Ikea et la découverte de matière fécale dans des tartelettes en 2013, Lactalis et son lait infantile contaminé à la salmonelle en 2017-2018, ou, tout dernièrement, les agences immobilières du réseau Stéphane Plaza. La liste est longue, mais rares sont les entreprises qui mettent la clé sous la porte. À l’instar de Spanghero , connue pour avoir vendu de la viande de cheval étiquetée boeuf en 2013.
Plusieurs raisons à cela, dont la fameuse : « responsable mais pas coupable », d’après Géraldine Michel. L’entreprise qui subit une crise peut être responsable moralement sans pour autant être condamnée juridiquement si aucune faute n’est prouvée. Certaines marques parviennent ainsi à regagner la confiance des consommateurs. C’est le cas de Findus. À l’inverse de Spanghero (son fournisseur à l’époque), le groupe a enregistréune croissance de 14 % en février 2014. Sa notoriété l’a aidée à garder les faveurs des consommateurs. « Quand on apprécie une marque, on a des habitudes qui sont difficiles à changer, on n’arrête pas d’acheter du jour au lendemain », note la professeure à l’IAE Paris-Sorbonne.
Le consommateur « joue un rôle décisif »
Lorsqu’un scandale explose, le consommateur « joue un rôle décisif et a le pouvoir entre ses mains », décrypte Florian Silnicki, expert en communication de crise et fondateur de l’agence LaFrenchCom. Perrier en est un exemple frappant. En 1990, la découverte de traces de benzène – un gaz cancérigène – dans les bouteilles génère une onde de choc. Le contrecoup est énorme : son chiffre d’affaires de 1989 n’a été retrouvé qu’en 2013.
Même histoire pour Abercrombie & Fitch, qui a le vent en poupe jusqu’aux années 2000 mais ne dissimule pas sa politique discriminatoire : mannequins torse nu avec des abdos saillants, abolition des grandes tailles. « Beaucoup de gens ne sont pas à leur place (dans nos vêtements)et n’y seront jamais. Sommes-nous exclusifs ? Absolument », avait clamé son PDG en 2006. Des propos qui ont enflammé l’opinion. C’est en 2008 que le vent tourne : les résultats financiers d’Abercrombie & Fitch dégringolent et l’entreprise entame une traversée du désert.
Abercrombie & Fitch met plus d’une décennie à remonter la pente
Il aura fallu plus d’une décennie à Abercrombie & Fitch pour remonter la pente. L’année 2023 signe sa rédemption avec un virage à 180 degrés et une nouvelle politique tournée vers l’inclusivité : fini les mannequins skinny et majoritairement blancs. Le cours de l’action repart à la hausse.
La réactivité et la clarté du discours peuvent permettre d’endiguer une crise. Les démarches déployées par Johnson & Johnson après le scandale du Tylenol en 1982, ont été largement saluées. L’empoisonnement au cyanure de comprimés anti-inflammatoires a causé la mort de plusieurs personnes. Par une communication transparente et le retrait de toutes les gélules du marché, la direction de l’entreprise a réussi à limiter les dégâts.
« L’impact commercial fut certes important dans l’immédiat, mais la marque Tylenol a retrouvé la confiance des acheteurs en un temps record », appuie Florian Silnicki. Cerise sur le gâteau : « Johnson & Johnson a profité de la crise pour révolutionner ses packagings en remettant sur le marché les gélules dans un emballage triplement scellé ». De quoi rassurer les consommateurs.