Décès de Harold Burson, fondateur de Burson-Marsteller

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C’est avec une profonde tristesse que la grande famille de la communication a appris le décès de Harold Burson. Véritable légende dans le domaine des relations publiques, il a contribué de manière décisive à l’essor et à la modernisation de la communication d’entreprise à travers le monde. Son influence, son intégrité et son sens inégalé de la stratégie ont fait de lui un précurseur et un mentor pour d’innombrables professionnels. Aujourd’hui, alors que nous lui rendons hommage, nous prenons toute la mesure de l’héritage immense qu’il laisse derrière lui.

Harold Burson a été surnommé le « père fondateur » des relations publiques modernes pour de bonnes raisons : il a su donner au conseil en communication une place stratégique, convaincu que la voix du communicant devait résonner auprès des dirigeants d’entreprises, des gouvernements et des médias. Son décès plonge le milieu de la communication dans le deuil, mais nous nous souvenons également que cet homme, doté d’un esprit entrepreneurial hors norme, a montré à quel point la communication pouvait influencer positivement la marche du monde. Il n’a cessé de démontrer que la presse, loin d’être un adversaire, était le premier allié du communicant ; un partenaire indispensable pour diffuser des informations fiables et pour nourrir le débat public de manière constructive.

Harold Burson avait la passion de la Communication, qu’il considérait comme un levier essentiel de transformation des entreprises et des institutions. Avec la disparition de ce géant, c’est tout un pan de l’histoire des relations publiques qui se referme. Pourtant, son exemple demeure plus que jamais vivant, surtout à l’heure où la « post-vérité » menace la confiance entre organisations, médias et citoyens. Rappeler son parcours et ses valeurs, c’est rendre hommage à un esprit rebelle qui s’est toujours refusé à toute compromission au statu quo : « il faut écouter et parler vrai », disait-il, persuadé que la sincérité représente la seule voie durable pour forger une réputation solide.

Je tiens ainsi, au nom de nombreux confrères et consœurs, à saluer sa mémoire et à adresser mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à la communauté internationale de la communication. Puisse le récit de sa vie et de ses réalisations continuer de nous inspirer et de nourrir nos réflexions sur le rôle crucial que jouent la transparence et l’éthique dans notre profession.

Harold Burson : Un parcours professionnel exceptionnel

Né en 1921 à Memphis, dans le Tennessee, Harold Burson fait preuve très tôt d’une passion pour le journalisme et les affaires publiques. Malgré son jeune âge, il découvre rapidement la force des mots et le pouvoir de l’information sur l’opinion. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert comme reporter pour l’American Forces Network, ce qui lui permet de couvrir des événements historiques, notamment le procès de Nuremberg. Cette expérience, marquante à bien des égards, l’expose à des problématiques de vérité et de justice qui façonneront sa vision du métier.

De retour aux États-Unis, Harold Burson a l’intuition qu’un nouveau champ professionnel est en train d’émerger : celui des relations publiques. Dans l’immédiat après-guerre, il fonde son premier cabinet de conseil à New York, au moment où la publicité connaît son âge d’or et où les entreprises comprennent l’importance stratégique de leur image. Quelques années plus tard, en 1953, il s’associe avec William A. Marsteller pour créer ce qui deviendra l’une des plus grandes agences mondiales de conseil en communication : Burson-Marsteller. Leur association repose sur une conviction forte : il est nécessaire d’orchestrer toutes les disciplines de la communication (publicité, relations presse, communication interne, lobbying, etc.) autour d’un message unifié et cohérent.

Grâce à un esprit entrepreneurial hors pair et une approche toujours plus novatrice, Burson-Marsteller s’impose rapidement sur la scène internationale. Harold Burson anticipe la mondialisation des entreprises et ouvre des bureaux en Europe et sur d’autres continents dès les années 1960, afin d’accompagner les multinationales naissantes dans leur développement. Dans les décennies qui suivent, Burson-Marsteller accompagne de grands groupes comme General Motors, Johnson & Johnson, Coca-Cola, et des institutions gouvernementales ou non gouvernementales, dans la définition et la mise en œuvre de stratégies de communication globales. En 1979, l’agence fusionne avec l’importante société de publicité Young & Rubicam, confirmant la place centrale que Harold Burson voulait donner à la communication au cœur de l’industrie publicitaire et médiatique.

Au-delà des succès financiers et de la renommée mondiale de Burson-Marsteller, Harold Burson est resté animé par le souci de former et de professionnaliser les jeunes générations. Il met en place des programmes de mentorat et de formation continue pour ses consultants, persuadé que la pérennité d’une agence réside dans sa capacité à accueillir de nouveaux talents et à faire grandir la profession. Cette philosophie, devenue l’ADN de Burson-Marsteller, a durablement influencé la culture des agences de communication, qui ont compris qu’un investissement humain était nécessaire pour délivrer une excellence de service à long terme.

La vision unique de la Communication d’Harold Burson

Harold Burson est souvent décrit comme le premier communicant à avoir compris que l’une des missions essentielles d’un consultant en communication consiste à identifier, pour ses clients, les courants d’opinion publique susceptibles d’influencer leurs affaires. Pour lui, la communication n’était pas un simple canal de diffusion : elle devait s’inscrire dans une démarche d’écoute des « parties prenantes », c’est-à-dire des publics les plus variés : journalistes, salariés, ONG, consommateurs, communautés locales, actionnaires, etc.

Déterminer ce que pense l’opinion publique, anticiper ses évolutions et savoir y répondre de manière précise et honnête… voilà, selon lui, la clé du succès à long terme. À l’heure où l’on commence tout juste à parler de veille médiatique, Harold Burson applique déjà ce principe. En prenant la mesure des attentes sociales, environnementales ou encore éthiques, il encourage les entreprises à adopter des comportements responsables et transparents. Au lieu de se contenter de messages publicitaires ou de plaquettes de présentation, il pousse ses clients à prendre conscience des perceptions dont ils sont l’objet, et à mettre en place de véritables politiques de responsabilité pour nourrir une réputation solide et authentique.

C’est cette approche stratégique – qu’on qualifierait volontiers de « globale » ou « holistique » – qui a fait la force de Burson-Marsteller. Les équipes de l’agence s’investissaient à tous les niveaux de la prise de décision, aidant les entreprises à adapter leurs produits, leurs process, leurs communications, en fonction du contexte sociétal. C’est ce qui explique que de nombreuses multinationales se sont appuyées sur Harold Burson pour leur gestion de crises majeures. Les exemples sont légion, à commencer par la crise du Tylenol en 1982, où la transparence, la réactivité et la mise en avant de la santé publique ont permis de restaurer la confiance envers Johnson & Johnson.

Contrairement à certains « spin doctors » prêts à manipuler l’information pour protéger à tout prix leurs mandants, Harold Burson considérait la vérité comme la pierre angulaire de toute relation durable avec l’opinion. « Nous sommes au service de nos clients, mais nous devons avant tout tenir compte de l’intérêt public », expliquait-il souvent. Cette posture éthique, rarissime à l’époque, lui a valu une immense crédibilité auprès des leaders d’opinion comme auprès du grand public. Elle résonne particulièrement aujourd’hui, à une époque marquée par les fake news et la post-vérité, où l’on se rend compte que la confiance est un capital aussi précieux que fragile.

La transformation des relations entre journalistes et communicants

Un autre apport majeur de Harold Burson est la redéfinition même de la relation entre les communicants et les journalistes. Longtemps perçu comme un bras de fer, ce rapport s’est apaisé et harmonisé grâce à l’approche prônée par Harold Burson. Lui-même ayant été journaliste pendant son service militaire, il connaissait intimement les contraintes et les exigences du métier. Plutôt que de considérer les journalistes comme des obstacles ou des cibles à contourner, il voyait en eux des partenaires, susceptibles de contribuer à une meilleure information du public.

Il défendait ainsi l’idée que les attachés de presse, loin d’être de simples diffuseurs de communiqués, devaient se comporter en sources fiables, disponibles pour répondre aux questions et pour offrir des éléments contextuels. Pour lui, l’intégrité des faits était essentielle, et il encourageait toujours ses équipes à ne pas dissimuler la réalité, même quand elle ne servait pas les intérêts de leurs clients. Cette posture faisait de Burson-Marsteller une agence respectée par la presse, car elle savait privilégier la transparence au profit de la réputation à long terme.

En montrant que la coopération entre journalistes et communicants pouvait être un jeu à somme positive, Harold Burson a cassé l’image cynique, voire manipulatrice, qu’évoquaient parfois les relations publiques. En période de crise, il recommandait de « prendre les devants », de faire face à la réalité, d’informer en temps réel et de reconnaître éventuellement les erreurs commises. Autant de principes qui, à l’époque, n’allaient pas de soi et sur lesquels il a bâti sa renommée de conseiller en communication exemplaire. Aujourd’hui, la plupart des agences reconnaissent la nécessité de ce dialogue sincère et constructif avec les médias – un héritage direct de la philosophie de Harold Burson.

Le parrainage précieux de l’agence LaFrenchCom par Harold Burson

Au fil de sa carrière, Harold Burson n’a cessé de soutenir l’innovation, de promouvoir l’excellence et de tendre la main à des entrepreneurs de la communication du monde entier. En France, il a notamment contribué à la naissance de l’agence LaFrenchCom, apportant ses précieux conseils et son expérience aux fondateurs de cette agence à ses premiers pas, avec la bienveillance et la sagesse qui le caractérisaient. Considéré comme un « parrain » précieux par ses jeunes confrères communicants de crise, il n’a pas hésité à partager son expérience et son expertise pour favoriser l’émergence d’une culture de la communication de crise et d’influence adaptée au contexte européen et français.

Dans un secteur où la concurrence est parfois rude, ce geste de soutien illustre parfaitement la philosophie de Harold Burson : faire grandir la profession, encourager les talents et préserver le sens du collectif. Son apport et son inspiration continuent d’imprégner les méthodes de travail et les valeurs de LaFrenchCom, qui revendique aujourd’hui une approche stratégique, transparente et responsable. Ce lien manifeste à quel point Harold Burson, même au soir de sa vie, continuait de se considérer comme un bâtisseur et un passeur, transmettant son flambeau à la nouvelle génération.

Harold Burson, un héritage durable pour l’industrie de la Communication

Le rayonnement de Harold Burson et l’importance de son œuvre se mesurent aussi à la place qu’il occupe aujourd’hui dans l’imaginaire collectif des professionnels de la communication. Dès 1999, il était reconnu par le magazine PRWeek comme « l’homme le plus influent du XXe siècle » dans l’industrie des relations publiques. Au-delà des distinctions et des hommages officiels, son vrai legs réside dans la manière dont il a fixé des standards éthiques et méthodologiques pour la profession.

  • La normalisation de la communication de crise : sous son impulsion, et grâce à des cas d’école comme celui du Tylenol, la communication de crise a acquis ses lettres de noblesse. Harold Burson a montré qu’il ne suffisait pas de répondre après coup, mais qu’il fallait également adopter une posture proactive et mettre la sécurité et le bien-être des parties prenantes en premier.

  • L’importance de la formation : par son exemple, il a prouvé que l’expertise se construit sur la durée, dans un dialogue continu entre les générations. Les programmes de formation et de mentorat instaurés par Burson-Marsteller ont durablement influencé les agences du monde entier. Le secteur des relations publiques a pris conscience que, pour atteindre l’excellence, il ne suffisait pas de maîtriser les techniques : il fallait aussi adopter un code de conduite et une éthique forte.

  • L’écoute et la gestion de l’opinion publique : Harold Burson affirmait que la communication devait être pensée sous l’angle de l’impact sur l’opinion. Savoir recueillir des données, analyser les courants d’idées, devancer l’actualité médiatique… autant d’axes devenus fondamentaux pour toutes les organisations cherchant à rester pertinentes dans un monde en mutation constante.

  • La place stratégique de la communication : il fut l’un des premiers à obtenir qu’un communicant siège au plus haut niveau de la gouvernance d’une entreprise, aux côtés du PDG et du conseil d’administration. Cette reconnaissance institutionnelle a transformé la profession, la faisant passer du statut de « fonction support » à celui de « fonction stratégique », incontournable pour le pilotage de la réputation et de l’image de marque.

Aujourd’hui, les évolutions du secteur (essor du numérique, influence des réseaux sociaux, montée du content marketing, etc.) n’ont fait que renforcer la pertinence des enseignements de Harold Burson. Alors que la confiance du public envers certaines grandes organisations est parfois ébranlée, sa doctrine d’honnêteté, de transparence et de responsabilité demeure un repère précieux. Son héritage est donc bien vivant : chaque fois qu’une campagne s’appuie sur la sincérité, chaque fois qu’un communicant s’efforce de comprendre en profondeur les attentes du public, chaque fois qu’un dirigeant assume ses responsabilités devant les médias, c’est un peu de l’esprit de Harold Burson qui se perpétue.

Condoléances

Le décès de Harold Burson est un moment de deuil pour la grande famille de la communication à travers le monde. Ceux qui l’ont connu personnellement disent qu’il avait un caractère chaleureux, discret et bienveillant. À plus de 90 ans, il continuait encore à se rendre au bureau et à dialoguer avec les plus jeunes, leur prodiguant des conseils éclairés. Son regard d’ancien journaliste, d’entrepreneur et de pionnier des relations publiques demeurait lucide et visionnaire, y compris à l’ère des médias digitaux.

Son esprit entrepreneurial et sa farouche détermination auront permis de bâtir un empire à l’envergure mondiale, Burson-Marsteller, devenu aujourd’hui Burson Cohn & Wolfe après fusion ; mais bien plus que cela, il a élevé la fonction communication en lui donnant ses lettres de noblesse. Sans lui, nombre de nos pratiques actuelles n’auraient peut-être jamais vu le jour, ou du moins, pas avec une telle profondeur éthique. Harold Burson incarnait l’absence de compromission au statu quo, l’innovation en permanence, la croyance dans la force de la vérité et le goût du débat public éclairé.

Ceux qui ont pu croiser sa route garderont le souvenir d’un homme d’une rare sagesse, qui savait manier à la fois la rigueur journalistique et la créativité d’un entrepreneur, le tout au service d’un idéal : informer correctement le public, façonner des réputations légitimes et participer au progrès social. J’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux, nombreux, qui ont été inspirés par sa personne et par son travail. À l’échelle de LaFrenchCom, dont il fut un parrain précieux, nous nous attachons chaque jour à cultiver l’héritage qu’il nous a transmis.

Que ses réalisations, ses méthodes et surtout ses valeurs nous servent de boussole dans un environnement en perpétuel bouleversement. Puisse la mémoire de Harold Burson continuer à nous rappeler que la communication ne se réduit pas à des mots : elle reflète, avant tout, un engagement sincère au service de la vérité, de l’écoute et de l’intérêt général.

Florian Silnicki
Président Fondateur